Les Amérindiens la nommaient atoca.
D'autres l'appellent aujourd'hui airelle ou pomme des prés.
Chez nous, c'est la canneberge.
La
canneberge est une cousine du bleuet. Elle pousse à
l'état naturel dans les tourbières. Cette plantation
plutôt discrète devient flamboyante en octobre :
les champs sont alors inondés pour faire flotter le
fruit à la surface et en faciliter la récolte.
Au Québec, les canneberges sont surtout cultivées
dans la région des Bois-Francs. On y trouve même
la plus grande cannebergière au Canada, à Saint-Louis-de-Blanford.
« C'est un fruit nordique bien adapté au
climat québécois. On le trouve à l'état
sauvage dans le nord. C'est un fruit qui a énormément
de qualités gustatives et même "santé",
pourrait-on dire », affirme Marc Bieler, président
de Canneberges Bieler.
Les
Canadiens consomment six fois plus de canneberges qu'il
y a 30 ans. La demande pour ce fruit est en hausse, entre
autres parce que les gens lui attribuent des effets bénéfiques
sur la santé. De nombreuses études confirment
que certains acides contenus dans la canneberge, les phénols,
peuvent effectivement prévenir les infections urinaires.
Une autre recherche est en cours à l'Université
Laval pour vérifier son efficacité à
protéger des maladies du coeur et à réduire
le taux de mauvais cholestérol.
Diane Chagnon, nutritionniste, nous explique ce que contient
la canneberge : « Elle contient un peu de
vitamine C, comme la majorité des fruits, et une
certaine quantité de fibres alimentaires, si on la
mange nature, bien entendu. Si on la prend en jus, on oublie
ça, les fibres alimentaires ont été enlevées.
Comme la majorité des fruits, elle est surtout constituée
de glucides, des sucres, qu'on va retrouver sous forme de
fructose, généralement. »
Le
Canada est le deuxième producteur mondial de canneberges
et fournit l'équivalent de 4500 gros camions.
Quelque 80 % de la récolte est destinée
à la fabrication de jus. Ces jus à base de canneberges
sont de plus en plus variés sur les tablettes. Mais
sont-ils tous aussi avantageux?
« Il
est plus avantageux de prendre un vrai jus au lieu d'un cocktail
dans lequel on a ajouté une bonne quantité de
sucre, dit Mme Chagnon. Il n'en demeure pas moins que pour
que le jus de canneberges soit buvable, on a ajouté
une bonne concentration d'autres jus. Ça donne donc
un jus souvent plus sucré que les jus de pomme, d'orange
ou de raisin, par exemple. Si utilise des sachets de sucre
pour comparer, dans un petit verre de jus de 175 ml,
qui n'est pas très grand, ça contient peut-être
cinq sachets de sucre par verre. Pour un cocktail, ajoutez
un sachet. Ça vous donne une idée. Par contre,
si vous prenez un jus de pomme, d'orange ou de raisin, là
vous allez en enlever deux. On va tomber autour de 16 ou 17 g
de sucre pour la même quantité de jus. »
L'engouement
pour ce petit fruit a donné naissance au jus de canneberge
blanche, légèrement moins acidulé que
le rouge. Chez Atocas du Québec, principal fournisseur
québécois pour Ocean Spray, la récolte
commence en septembre.
Louis-Michel Larocque, président de Atocas du Québec, nous
explique la différence entre les canneberges rouges
et blanches : « Souvent, les gens me demandent
ce qu'est la canneberge blanche. Je leur donne l'exemple des
tomates. Les tomates sont vertes avant d'être rouges.
C'est le même principe pour la canneberge. On récolte
les canneberges avant qu'elles deviennent rouges et ça
nous permet de faire un jus différent, le jus de canneberge
blanche. »
La
canneberge blanche produit un jus ayant les mêmes valeurs
nutritives que la rouge. En plus, elle contient moins de sucre.
Par contre, on ignore si son pouvoir antioxydant, associé
à la couleur foncée des fruits, est aussi grand.
Longtemps confiné à la traditionnelle dinde
du temps des fêtes, l'atoca trouve aujourd'hui de nouveaux
débouchés. La canneberge séchée
en est un exemple.
« C'est
très populaire aux États-Unis, surtout en Californie,
affirme M. Bieler. On sait que les Californiens sont
souvent les précurseurs de ce qui se passe en alimentation
en Amérique du Nord. Il se trouve que notre marché
principal, ce n'est pas le Québec, ni l'Ontario, c'est
la Californie. »
« L'avantage
de la canneberge séchée sucrée, estime
de son côté la nutritionniste Mme Chagnon, c'est
la couleur. Ça permet d'en ajouter à différents
endroits, d'en mettre dans les barres tendres, céréales,
biscuits et gâteaux et ça se conserve plus longtemps
aussi. D'un autre côté, il faut réaliser
qu'on ajouté du sucre. En mangeant un tiers de tasse
de canneberges sécheés sucrées, on prend
l'équivalent de presque huit sachets de sucre.
C'est beaucoup. »
« Les qualités nutritionnelles sont quand
même là, même avec le sucre, croit M. Bieler.
La quantité de sucre a été décidée
à partir d'études de marché. Quand on
a commencé à produire des canneberges séchées,
on a sorti un produit qui était moins sucré
que la concurrence. On a finalement dû remonter le taux
de sucre au niveau du produit de la concurrence. »
En
épicerie, le prix du jus et cocktail de canneberges
varie entre 2,99 $ et 3,99 $, ce qui est comparable
au jus d'orange. Cependant, c'est plus cher que le jus de
pomme, et moins que le jus de raisin. Son prix ne risque pas
de changer, car c'est un fruit qui coûte cher à
produire, nous dit M. Bieler : « Il faut
investir énormément pour bâtir ces bassins.
On parle de 30 000 $ de l'acre. Quand on pense qu'un
champ de maïs à Saint-Hyacinthe vaut peut-être
3000 $ de l'acre, 30 000 $ de l'acre, c'est
beaucoup! »
On n'a certainement pas fini d'entendre parler de la canneberge.
Des chercheurs travaillent même à mettre en valeur
les résidus du fruit, qui en ce moment finissent aux
poubelles.
Jean-François
Sylvain, chercheur pour Canneberges Bieler, explique :
« On voudrait utiliser le marc et les pépins
de canneberge pour faire soit des huiles, soit des matières
solides comme des farines ou des céréales. Les
gens sont à la recherche de fibres. La fibre de canneberge
a encore des résidus d'anthocyane à l'intérieur.
On croit qu'il y a beaucoup de potentiel à utiliser
cette substance. »
Hyperliens
«
La canneberge biologique » Reportage du 30 décembre 2001
de La Semaine verte sur les défis
à relever pour cultiver une canneberge
biologique.