Péninsule
de Kenai, sud de l’Alaska – À Kenai,
les changements climatiques ne sont pas des mots qu’on prend
à la légère. Des forêts dévastées
se déroulent à perte de vue. Les hausses records
de températures des dernières années ont
fait pencher la balance en faveur d’un tout petit insecte
: le scolyte. Ed Holsten, entomologiste pour le US Forest Service,
ne le connaît que trop bien, mais ce qu’il constate
sur le terrain l’étonne toujours autant. « Il
est stupéfiant qu’un insecte qui fait entre 3 et
5 millimètres de longueur puisse tuer un arbre qui a 150
ans et qui mesure 30 mètres de hauteur. Et pas juste un
arbre! En 1996, ces insectes en on tué 30 millions! Ça
fait presque 30 ans que je fais des recherches sur les scolytes.
Et je suis toujours aussi étonné de voir la rapidité
avec laquelle un petit insecte peut répondre à des
changements climatiques et se multiplier au point de tuer 30 millions
d’arbres en une seule année. »
Auparavant, les scolytes prenaient
deux ou trois ans pour compléter un cycle de reproduction.
Avec le réchauffement, ils le font dans la même
année. Résultat : une infestation comme on n’en
a jamais vue auparavant. |
Les signes extérieurs ne trompent
pas. Des trous dans l’écorce et, tout en dessous,
des petits tas de poussière. Ce sont les larves des scolytes
qui font tout le dommage. Elles ne sont pas intéressées
par le bois lui-même, mais par la mince couche blanche qui
le sépare de l’écorce : le phloème.
« La larve mange le phloème, le tissu
blanc juste sous l’écorce dont l’arbre à
besoin pour transporter sa nourriture, des aiguilles jusqu’aux
racines. Alors, quand la larve mange tout le phloème, l’arbre
meurt de faim. »
La hausse de la température
joue un autre mauvais tour aux épinettes. Elle réduit
la quantité d’eau dans le sol, et donc la quantité
de sève dans l’arbre. Résultat : les épinettes
perdent leur principal mécanisme de défense,
cette épaisse résine dont elles se servent pour
boucher les trous et étouffer les larves, et les arbres
meurent par millions. |
« Dans les
régions nordiques, dans les forêts boréales,
c’est le climat qui mène. C’est lui qui décide
quels sont les plantes et les animaux qui peuvent vivre ici. Ici,
il n’y a pas la même biodiversité que dans
le sud. Alors, tout réchauffement climatique peut avoir
des impacts énormes sur la flore et la faune indigènes.
» C’est ce qui est arrivé avec
les épinettes de la péninsule de Kenai. En leur
absence, des buissons et des arbres comme le tremble et le bouleau
en profitent pour prendre toute la place.
Mais il y a plus encore : l’écosystème
dans son ensemble est modifié. « Le nombre
d’écureuils roux qui dépendent des cônes
d’épinette est en déclin, donne en exemple
Ed Holsten. La population de lagopèdes, qui a besoin des
aiguilles vertes des épinettes pour l’hiver, diminue.
Les pics-bois sont moins nombreux. Par contre, d’autres
espèces d’oiseaux qui se plaisent dans les buissons
et les herbes sont en hausse. On observe le flux et le reflux
de différentes espèces animales. »
Journaliste : Mario Masson Réalisatrice
: Jeannita Richard
Adaptation pour Internet : Karine Boucher et Caroline Paulhus
Correction : Josée Bilodeau
© Radio-Canada.ca 2003