Yukon,
région du lac Kluane – Ce jeune écureuil,
tout juste sorti de son nid douillet a l’air bien ordinaire.
Pourtant, il est la preuve vivante du réchauffement climatique
dans le Grand Nord.
L’histoire commence en 1984.
Au départ, les scientifiques voulaient simplement savoir
combien d’énergie les écureuils roux du Yukon
dépensaient pour défendre leur territoire.
À cette fin, deux parcelles
de forêt sont visitées chaque année par les
chercheurs. L’une sert de zone témoin, l’autre
de zone d’étude.
L’été
dernier seulement, le biologiste Sébastien Descamps et
ses collègues ont suivi 55 femelles, auxquelles ils ont
installé des colliers émetteurs. Ils ont aussi identifié
50 nids, dont chaque petit est suivi avec attention. «
On sait quand ils sont nés, on sait quand ils sont morts.
Pour les femelles, on sait quand elles se sont reproduites, quel
est leur succès reproducteur, le nombre de jeunes, etc.
On connaît toute leur descendance. Au bout du compte, avec
ces 17-18 ans de données, [on connaît toute l’histoire]
d’un millier d’individus. »
Les conclusions de cette recherche ont eu l’effet
d’une bombe. Les bébés écureuils
naissent en moyenne 18 jours plus tôt au printemps qu’il
y a 15 ans. C’est énorme. |
Les conclusions de cette recherche
ont eu l’effet d’une bombe. Les bébés
écureuils naissent enmoyenne 18 jours plus tôt au
printemps qu’il y a 15 ans. C’est énorme. Une
seule explication possible : le réchauffement climatique.
D’abord, les écureuils se reproduisent plus vite
au printemps, parce qu’il fait moins froid. Ensuite, les
épinettes produisent plus de cônes à la fin
de l’été. « Les cônes
produits par les épinettes, c’est la nourriture de
base pour les écureuils. Ils s’en servent toute l’année.
Ils les stockent pour pouvoir les utiliser en hiver, et au printemps
pour la reproduction. C’est vraiment la base. »
L’écureuil qui prend possession de ce trésor
devient alors un gagnant dans le grand combat pour la survie.
Voici comment. Les femelles qui se
reproduisent plus vite au printemps transmettent à leur
descendance cette caractéristique génétique.
Elles donnent ainsi à leurs petits une bien meilleure chance
de s’approprier un territoire de qualité. Cette sélection
se traduit dans les faits par une adaptation qui affecte tout
ce groupe d’écureuils. C’est l’évolution
en direct. Du jamais vu jusqu’à maintenant chez les
mammifères sauvages! « C’est de
la micro-évolution, de l’évolution à
l’échelle d’une vie. On peut voir qu’au
niveau de la population, la fréquence de certains gènes
change en fonction des conditions environnementales. Et là,
ça ne s’est pas fait en des centaines d’années,
ça s’est fait en 15 ans. Et ça continue d’évoluer,
à priori », souligne le biologiste
Sébastien Descamps.
Journaliste : Mario Masson Réalisatrice
: Jeannita Richard
Adaptation pour Internet : Karine Boucher et Caroline Paulhus
Correction : Josée Bilodeau
© Radio-Canada.ca 2003