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Du chocolat fondu. | Photo : getty images/istockphoto

La fermeture (Nouvelle fenêtre)des 10 restaurants de Juliette & Chocolat a créé une onde de choc dans le milieu de la restauration et auprès des nombreux adeptes de l’enseigne. Désormais, l’entreprise va uniquement miser sur ses ventes en ligne et sur ses produits en épicerie. Quelques mois plus tôt, c'est la chocolaterie de Geneviève Grandbois qui a fermé ses portes. Comment les chocolateries du Québec peuvent-elles tirer leur épingle du jeu dans le contexte actuel?

Juliette Brun, propriétaire de Juliette & Chocolat, chocolaterie qu'elle a fondée en 2003, explique que le remboursement des prêts gouvernementaux accordés durant la pandémie pesait trop lourd sur les finances de l'entreprise.

Un prêt ne remplace pas un revenu et il engendre des dépenses additionnelles quand vient le temps de le rembourser, déplore-t-elle dans un message sur Instagram.

Jordan LeBel, professeur titulaire en marketing alimentaire, ne s'étonne pas de voir cette situation dans le contexte économique actuel où les dépenses de la population changent pour répondre à l’inflation.

Dans une telle situation, c’est rarement une seule chose qui explique la fermeture, note-t-il.

Mme Brun a expliqué que les conditions étaient difficiles dans le secteur de la restauration. Depuis la pandémie, la répartition des coûts pour opérer un restaurant a grandement changé : l'augmentation des frais de recrutement, des salaires, des matières premières ainsi que l'impact de l'inflation sur les habitudes de consommation ont définitivement eu un impact sur nos résultats.

« Juliette & Chocolat est un concept de niche. Ça doit être une destination. Il faut se démarquer au point d’amener la clientèle et de la ramener. »

— Une citation de  Jordan LeBel

L’expérience de la restauration

Le professeur estime que des restaurants dont les activités tournent autour d’un concept précis comme celui du chocolat doivent se démarquer sur les réseaux sociaux et sur leur expérience en succursale pour demeurer viables à long terme. Quand on a un concept de niche, ça prend un effet "wow", note-t-il. Ça peut être un plat original qu’on ne retrouve pas ailleurs par exemple.

« Je ne pense pas qu’on a compris l’importance des médias sociaux dans l’industrie. Toute l’industrie est en train de s’en apercevoir. »

— Une citation de  Jordan LeBel

Aux États-Unis, le média indépendant Nation’s Restaurant News dresse chaque année une liste des meilleurs restaurants à thème du pays. Le palmarès Hot Concepts(Nouvelle fenêtre) rassemble des institutions qui se démarquent grâce à leur présence sur les réseaux sociaux et leur style singulier.

Pour Jordan LeBel, la seule viabilité possible de tels restaurants repose sur ces critères précis associés à l’innovation. Il faut en faire quelque chose de mémorable par le décor, par la gentillesse du personnel, par le menu ou par le marketing entourant le restaurant qui oblige la clientèle à s’y arrêter.

Le professeur s’interroge sur ce qu’est devenu Juliette & Chocolat au fil des années, avec la plus grande variété de plats sur son menu qui l’éloigne de sa ligne directrice chocolatée originale. Le positionnement stratégique de l’entreprise permet à la clientèle d’associer facilement l’entreprise avec des produits clés.

« Quand un concept évolue d’une manière moins claire, ça devient flou aussi pour le consommateur et la consommatrice. »

— Une citation de  Jordan LeBel

La dérive du concept de base d’une entreprise engendre une confusion chez la clientèle. Je soupçonne qu’il y a eu un peu de ça chez Juliette & Chocolat, croit M. LeBel. Au départ, c’était du chocolat. Puis, une multitude de plats, passant des crêpes aux salades et aux smoothies, se sont ajoutés.

Trouver son modèle d’affaires

En mai dernier, la chocolaterie Grandbois a fermé ses portes après 20 ans d’activité. La propriétaire Geneviève Grandbois était une pionnière dans l'industrie. Plusieurs coups durs ont secoué l’entrepreneure, rapportait La Presse(Nouvelle fenêtre). Et la faillite de son entreprise a été très médiatisée.

Quelques semaines plus tard, c'est la fermeture des succursales de Juliette & Chocolat qui ébranle l'univers du chocolat et le monde sucré de la restauration depuis son annonce. Dominique Brown, propriétaire de Chocolats Favoris, a souligné la nouvelle sur Facebook(Nouvelle fenêtre) : les mots me manquent pour décrire à quel point une entreprise est un investissement personnel important et constant.

Maxime Brassard, administrateur des opérations à la chocolaterie Ernestine, à Montréal, s’étonne de voir disparaître les succursales de Juliette & Chocolat, qu’il considère comme un gros joueur de l’industrie du chocolat au Québec.

Ernestine offre des chocolats fins dans sa boutique de Montréal.
Ernestine offre des chocolats fins dans sa boutique de Montréal.  | Photo : Gracieuseté : Aurore Chollet

Le modèle d’affaires d’Ernestine diffère de celui de Juliette & Chocolat. La pandémie ne l’a pas frappé aussi fortement puisque l’entreprise mise sur la cueillette en boutique et l’achat en ligne. Toutefois, la montée des prix des matières premières depuis la dernière année génère un casse-tête pour l’équipe.

« Avec le chocolat, on n’a pas un jeu immense pour absorber l’augmentation. On veut qu’il reste accessible tout en n’augmentant pas trop les prix [et en évitant de] faire de la réduflation. »

— Une citation de  Maxime Brassard

Jongler avec la hausse de prix

Le chocolat, les noisettes, les pistaches… le prix des ingrédients nécessaires à la fabrication des produits de Ernestine augmente à un rythme tellement rapide que l’entreprise doit rivaliser d'imagination pour arriver à absorber toutes les hausses.

De plus, comme l'entreprise commence seulement à se tailler une place, il est facile pour la clientèle d’opter pour d’autres produits vendus moins cher ailleurs, estime Maxime Brassard.

Ce défi se pose aussi pour une autre entreprise montréalaise, État de Choc. La chocolaterie de nouvelle génération mise sur une expérience personnalisée en boutique pour fidéliser sa clientèle. La fondatrice Maud Gaudreau a vu les consommateurs et consommatrices s’intéresser davantage à la traçabilité du chocolat et aux nuances de goûts possibles dans cet univers sucré.

« Au départ, il a fallu une image de marque et une belle boutique pour arriver à attirer les gens à l’intérieur. Et après, on a pu faire cette éducation sur le chocolat. »

— Une citation de  Maud Gaudreau

Chez Ernestine et État de Choc, une chose est claire : pour l’instant, la clientèle est au rendez-vous et a le bec plus sucré que jamais!

Avec les informations de La Presse canadienne.

Du chocolat fondu. | Photo : getty images/istockphoto