Sommes-nous
naïfs et crédules? Est-ce une
grave erreur que de laisser un acompte à
un commerçant pour l'achat d'un bien?
Trois personnes de la région de Québec
se posent encore ces questions aujourd'hui.
Ils ont payé, on leur a fait des
promesses, ils ont attendu, mais n'ont jamais
rien reçu. Mais le pire dans leur
histoire, c'est que le système de
justice lui-même, d'une certaine façon,
les laisse tomber. La loi leur donne raison,
mais pour se faire rembourser les sommes
versées, le mot d'ordre est débrouillez-vous!
Journaliste et réalisateur :
Maxime Poiré
En octobre 2003,
une dame achète un sofa chez Liquidation
Québec. Le meuble doit lui être
livré. Elle donne 480$ d'acompte. Au
printemps 2003, un autre client paie 1842$
pour une table et six chaises. En août
2003, un troisième client verse un
acompte de 700$ pour un ensemble de chambre
à coucher.
Ces trois consommateurs ont tous fait affaire
avec Liquidation Québec et son président
Michel Pelletier. La Facture les a
rencontrés au Palais de Justice de
Québec. Jusqu'à présent,
aucun d'entre eux n'a reçu ce qu'il
avait commandé.
Client #2 : « Au début,
je lui ai quand même fait confiance,
comme j'avais envie de cette table. À
mon avis, c'est quand même un bon prix
pour ce que c'est. ( ) En fait, ça
devait être livré un jeudi. Le
jeudi, j'ai pris congé, je suis resté
chez nous jusqu'à 8 heures. Je n'ai
eu aucune nouvelle de lui. »
Client #3 : « Le 25 août,
je leur ai téléphoné.
Allez-vous livrer le mobilier à Montréal?
Il m'a dit oui, oui, pas de problème.
Il n'est pas encore à Québec,
mais ils vont le livrer à Montréal.
À midi, j'attendais le meuble, il ne
l'a pas livré. Il m'a dit : "
Ils ont fait une erreur, ils ont livré
le meuble à Boucherville. "»
Cliente #1 : « Le 21 janvier,
j'ai appelé, j'ai parlé à
M. Michel Pelletier. Il m'a dit ( ) que
d'ici la fin du mois, il me confirmerait la
date de livraison. Le 15 février, je
n'ai jamais eu d'appel de lui et je ne l'ai
pas rappelé parce que ( ) quelque
chose me disait, tu t'es fait avoir, tu ne
l'auras pas, ton meuble. »
Le seul des trois à avoir eu quelque
chose est le client #2.
Client
#2 : « Après la quatrième
fois ou la cinquième fois, un transporteur
est venu, mais pas avec la bonne table. »
Pas la bonne table, sans rallonge, quatre
chaises au lieu de six, voilà ce
qu'on lui livre. La marchandise commandée
n'arrive pas. Les trois clients en ont assez
de voir les semaines passer sans que rien
ne bouge.
Client #2 : « Après
deux mois, je me suis un peu tanné,
j'ai voulu avoir un remboursement. Là,
il était d'accord. »
Client #3 : « Il m'a dit qu'il
allait annuler le contrat. Mais qu'est-ce
qu'on doit faire? Il m'a dit : " Rien.
J'annule le contrat, tu vas avoir ton argent
par la poste. Et finalement, ça va
servir de reçu. "»
Ces trois clients ont demandé un
remboursement à Liquidation Québec.
Comme pour la livraison, Michel Pelletier
leur explique qu'il n'y aura pas de problème,
que le chèque s'en vient. Mais aucun
n'a reçu de remboursement. Les trois
clients lésés se plaignent
à l'Office de la Protection du consommateur.
À l'Office de la protection du consommateur,
on dénombre dix plaintes contre Liquidation
Québec depuis deux ans. Seulement
trois ont été réglées.
Pour l'Office, le nombre et le type de plaintes
reçues ne justifient pas pour l'instant
une intervention plus musclée.
Rencontre
avec le vendeur
Munis d'une caméra cachée,
nous sommes allés chez Liquidation
Québec à titre de consommateur.
Nous avons rencontré Michel Pelletier
et nous lui avons demandé s'il pouvait
nous vendre des meubles de salon de la même
marque que le meuble qu'il avait promis
à la cliente #1. Il nous a déclaré
qu'il avait l'habitude de faire affaire
avec le fabricant de ce meuble.
Nous
avons contacté le fabriquant en question.
Au téléphone, il nous a juré
qu'il ne faisait plus affaire avec Liquidation
Québec depuis plusieurs mois. De
plus, la compagnie a avisé M. Pelletier
que son nom était rayé de
sa liste de clients. Ceci signifie que Michel
Pelletier ne pouvait pas nous vendre les
meubles qu'il nous a offerts et que la cliente
#1 n'aura jamais son sofa.
Cliente #1 : « À moins
d'un miracle. J'ai perdu le fauteuil et
l'argent. »
La Facture a fait une demande d'entrevue
à Michel Pelletier, mais il n'y a
jamais donné suite. Nous avons donc
décidé d'aller le rencontrer.
À sa demande, nous lui avions même
fait parvenir par écrit les noms
des trois clients mécontents. Michel
Pelletier nous avait alors confirmé
au téléphone qu'il avait bien
reçu le document. Mais une fois sur
place, M. Pelletier ne se souvient plus
de rien. Le ton monte.
Finalement, il nous expulse. Il vient nous
rejoindre à l'extérieur. A-t-il
finalement l'intention de nous accorder
une entrevue? Surprise! Il tend la main
et donne au reporter un baiser sur la joue!!!
Étrange ou inquiétant?
Peu de recours
pour les clients
Au Palais de Justice de Québec,
lorsqu'on jette un coup d'il au dossier
de Michel Pelletier, on peut voir que depuis
vingt ans, il a été reconnu
coupable sous différents chefs d'accusations
reliés à des activités
criminelles. À de nombreuses reprises,
il a utilisé la supercherie et le
mensonge pour tromper les gens.
Le client #3 fait de cette histoire une
question de principe. Il veut que justice
soit rendue. C'est pourquoi il plaide aujourd'hui
sa cause devant le juge de la Cour des petites
créances. Michel Pelletier ne s'est
pas présenté au procès.
Le client #2 s'est aussi rendu jusqu'à
la Cour des petites créances et il
a gagné. Comme dans la cause du client
#3, Michel Pelletier était absent.
Malgré sa victoire, ce client a choisi
d'arrêter le combat et de ne pas payer
pour les services d'un huissier.
Client #2 : « Après
un an, j'ai assez dépensé
d'argent et de temps. »
La cliente mécontente n'a pas non
plus l'intention de pousser plus loin ses
démarches : « Je pense
que ce serait perdre de l'argent encore
d'avantage. »
En conclusion
Le client #3 a lui aussi gagné sa
cause à la Cour des petites créances.
Dans le jugement que La Facture a
obtenu au greffe de la Cour, le juge parle
de multiples promesses et représentations
ayant un caractère frauduleux. Le
client en question a engagé un huissier
pour récupérer son argent.
Maintenant, la police peut-elle faire quelque
chose? S'il s'agit d'un cas isolé,
pas vraiment. Mais si plusieurs citoyens
portent plainte contre le même commerçant,
la police peut enquêter sur une fraude
potentielle.