Tout
le monde ou presque a un compte dans une
banque ou dans une caisse. On ne se demande
jamais si notre argent est bien en sécurité
dans les coffres de notre institution financière.
Cela va de soi. Et si jamais il y a un vol,
nous ne sommes plus à l'époque
du Far West, nos épargnes sont protégées
par les assurances de la banque. Pas de
problème donc? Pas si sûr!
Une dame de Montréal n'a plus cette
confiance aveugle dans sa banque. Un fraudeur
lui a volé des milliers de dollars
sous les yeux de son banquier qui ne s'est
vraiment pas forcé pour l'en empêcher.
Journaliste : Yvan Lamontagne
Réalisateur : Louis St-Pierre
La cliente : « J'ai
découvert qu'un chèque, soi-disant
signé par moi, est passé dans
mon compte. Un chèque de 7476.62$.
C'est un chèque assez salé.
»
Fin
de l'été dernier, un chèque
Mastercard Citibank portant la signature
de cette dame est débité de
son compte de carte de crédit.
La cliente : « Moi, personnellement,
je n'ai jamais signé un chèque
pareil, mais ma signature a été
contrefaite si vous voulez, a été
imitée par quelqu'un. »
Comme en fait foi cette lettre de la Citibank,
celle-ci attribue à la cliente la
signature sur le chèque : « Un
enquêteur a comparé la signature
sur le chèque avec celle qui figure
sur la demande originale de cette cliente.
Étant donné que la signature,
le numéro de compte et l'adresse
concordaient, le service de protection contre
les fraudes a approuvé le chèque
en vue de son traitement. »
À la vue de ce montant, la cliente
est restée bouche bée. C'est
là une bien mauvaise surprise. En
plus, elle affirme que sur ce chèque,
son nom est mal orthographié. S'agit-il
d'une vraie ou d'une fausse signature? Pour
le savoir, nous avons consulté Marco
Guirotto, un des rares spécialistes
en documents litigieux au Québec.
L'expert
à l'oeuvre
Monsieur Guirotto a comparé la
signature du chèque avec une dizaine
de documents signés par la cliente.
Marco Guirotto : « Dans
ce dossier, après la comparaison
avec la grande quantité de spécimens
que j'avais, oui, j'émettrais une
conclusion catégorique d'élimination
de cette dame comme ayant exécuté
cette signature. »
Plusieurs
indices amènent notre expert à
conclure qu'il s'agit d'une fausse signature,
notamment l'ouverture du « a ».
Marco Guirotto : « C'est
l'ouverture du " a "
qui est grande ici, qui est beaucoup plus
grande avec un petit crochet, alors que
presque toujours, le " a "
de cette dame est fermé. C'est quelqu'un
qui, de toute évidence, avait un
ou des modèles et qui a réussi
à faire suffisamment de pratique
pour arriver à reproduire l'effet
pictural général, mais d'une
façon rapide. »
La cliente : « N'importe
qui peut remarquer tout de suite qu'il y
a des différences, de grosses différences
en ce qui concerne ma signature originale
et la signature qui a été
posée sur ce chèque. »
En août dernier, la Citibank a posté
à cette dame une série de
chèques accompagnant son relevé
de compte de carte de crédit Mastercard.
Ces chèques sont de plus en plus
populaires auprès des détenteurs
de cartes Mastercard et Visa.
La cliente affirme n'avoir jamais reçu
sa série de chèques et, par
conséquent, n'y avoir jamais apposé
sa signature. Pourtant, le chèque
litigieux a bel et bien été
encaissé par une société
à numéro qui a un compte à
la banque Laurentienne de Sainte-Thérèse.
D'après le Registre québécois
des entreprises, cette compagnie se spécialise
dans la vente d'équipement industriel.
La cliente : « Je ne connais
pas cette compagnie. C'est la première
fois que j'en entends parler. Moi, je travaille
à la comptabilité dans une
compagnie d'ingénieurs-conseils.
Mon mari est microbiologiste, il travaille
pour une autre compagnie. Nous ne connaissons
personne qui serait intéressé
par de l'équipement industriel. »
Le parcours
du chèque
La Facture a rejoint le président
de la société à numéro,
mais cette compagnie n'existe plus. L'ex-entrepreneur
se rappelle le chèque qu'il a encaissé
en août dernier.
L'entrepreneur : « Le chèque
m'a été remis pour compensation
de loyer et je l'ai déposé
à ma banque. Il a été
gelé pendant onze jours, ensuite
je me suis présenté à
ma banque et ils m'ont dit que le chèque
était dégelé. Je l'ai
effectivement encaissé. »
L'encaisseur affirme ne pas connaître
la cliente de Citibank et ignorer comment
des personnes ont pu avoir sa signature
et son numéro de carte de crédit.
Le mystère reste donc entier sur
la provenance et la signature du chèque.
Pour la Citibank, par contre, les choses
sont claires. La banque prétend avoir
mené une enquête approfondie
et maintient sa position dans ce dossier.
Citibank : « Nous estimons
que nous avons épuisé toutes
les pistes possibles dans cette investigation
et nous sommes persuadés de la justesse
de notre conclusion initiale, soit que le
chèque en question n'était
pas faux. »
Mais en réalité, l'institution
financière n'a jamais rejoint l'entrepreneur
qui a encaissé le chèque et
semble avoir arrêté son enquête
lorsqu'elle a appris en février que
sa compagnie n'existait plus.
En janvier, la Citibank veut être
payé et menace d'imposer à
sa cliente un taux d'intérêt
encore plus élevé. Le service
de recouvrement de la banque a contacté
la cliente à plusieurs reprises,
parfois même tous les deux ou trois
jours.
Philippe Laverdière est spécialisé
en droit bancaire. Selon lui, dans un cas
pareil, la loi est très claire et
privilégie habituellement le client
et non la banque.
Philippe
Laverdière
Philippe Laverdière : « L'article
48 de la loi sur les lettres de change prévoit
que lorsque la signature sur un chèque
est contrefaite, elle n'a aucun effet, ce
qui fait que le chèque est invalide.
Donc, si la banque effectue un paiement
en vertu d'un chèque qui comporte
une fausse signature, ce chèque est
invalide et, par conséquent, c'est
la banque qui doit en supporter le risque
et non le client. »
La cliente « Pour eux, 7500$,
c'est une somme dérisoire, mais pas
pour moi. Je veux me battre pour prouver
que j'ai raison parce que je sais que j'ai
raison. Ce n'est pas moi qui ai fait ce
chèque. »
Philippe Laverdière : « Si
la banque veut prétendre que c'est
la signature de madame et que, par conséquent,
elle veut considérer le chèque
comme étant valide, c'est à
la banque de prouver que la signature est
celle de madame. »
La cliente : « Je ne veux
pas payer une fraude. Ce n'est pas à
moi de payer ça, c'est à Citibank
de s'informer et de retracer le coupable,
et de le poursuivre pour ravoir son argent. »
En conclusion
Comment se fait-il que La Facture ait
réussi à établir que
ce chèque est un faux, alors que
la banque Citi, un des plus importants groupes
financiers au monde, n'a rien vu? Il y a
deux semaines, la banque a fait parvenir
à La Facture une lettre indiquant
que la dame victime de cette fraude n'aura
finalement pas à payer le montant
du faux chèque.
Comble d'ironie, la banque affirme n'agir
ainsi que pour démontrer sa bonne
volonté et soutient que si l'affaire
s'était rendue en Cour, la victime
aurait perdu sa cause!