Les compagnies
d'assurances vont parfois très loin
et nous font même bien des misères
pour protéger leurs intérêts.
Mais jusqu'où peuvent-elles aller?
Y a-t-il des limites? Peuvent-elles refuser
de nous payer parce qu'elles nous soupçonnent
d'avoir commis un acte criminel alors que
rien ne le prouve?
C'est exactement ce qui est arrivé
à un couple de Drummondville. Ils
ont tout perdu. Et quand ils ont pris contact
avec leur compagnie d'assurances ces sinistrés
sont devenus des accusés.
Journaliste : François Dallaire
Réalisateur : Louis Faure
Le 28 juillet 2002, un couple, propriétaire
d'un duplex, s’apprête à
passer une bien mauvaise nuit. Un incendie
se déclare dans la chambre de leur
fille et l’intervention rapide des
pompiers permet de limiter les dommages
à cette pièce. Les propriétaires
doivent tout de même quitter leur
logement. Deux jours plus tard, le 30 juillet,
le malheur frappe à nouveau. Le deuxième
incendie cause des dommages considérables.
L’immeuble est une perte totale.
Le propriétaire : « Ça
fait mal une perte comme ça. C'est
la maison que mon père a construite.
J’étais bien ici, c’était
mon chez-moi. »
Les policiers découvrent vite que
les incendies sont tous deux d’origine
criminelle. Les enquêteurs de la Sûreté
municipale soupçonnent un proche
de la famille d’avoir allumé
les deux incendies. Le couple présente
une réclamation de plus de 206 000
dollars à une compagnie d'assurances
de Drummondville. L’assureur rejette
la réclamation, invoquant l’article
2464 du code civil qui prévoit que
l’assureur n’a pas à
payer s’il y a faute intentionnelle
de l’assuré. Pourtant, les
enquêteurs de la Sûreté
municipale sont formels : le couple n’y
est pour rien dans l’incendie de son
duplex. Les propriétaires n’ont
même jamais figuré sur la courte
liste de suspects.
Un rapport troublant
Les
assurés ont contre eux un rapport
troublant. Un expert de l’assureur
a fait, ce qu’on appelle dans le milieu
policier, une analyse de déclaration
pure, c'est-à-dire qu’il a
analysé la déclaration que
les assurés ont faite aux policiers
au lendemain de l’incendie. L’expert
est perplexe devant le choix des adjectifs,
la structure de leur texte et l’absence
d’émotions contenues dans leur
déclaration. Sans l’affirmer,
il insinue que le couple ment, cherche des
alibis et semble cacher des choses.
Jacques Landry est formateur en déclaration
pure à l'École nationale de
police. Il souligne que pour qu’elle
soit pure, une déclaration doit être
faite dans certaines conditions. Jacques
Landry : « C’est une
version qui est donnée sans qu’on
ait à questionner au préalable
un individu et que d’un premier jet,
cette personne, librement , écrit
ce qu’elle a vécu en rapport
avec l’événement.
»
On ne peut qualifier de pure, une déclaration
faite sur un papier portant l’entête
d'un service de police. Or, la déclaration
du couple a été recueillie
dans un contexte policier, sur des feuilles
de déposition du service de police
de Drummondville, ce qui vient en entacher
la pureté.
L'analyse qu'en a faite la compagnie d'assurances
est donc peu crédible parce que la
déclaration n’est pas pure.
Selon Jacques Landry, le rapport d’expert
n’a donc aucune valeur. Pour convaincre
l’assureur, les propriétaires
du duplex offrent de passer le test du détecteur
de mensonge. À leur grande déception,
leur compagnie d'assurances rejette leur
offre.
Le propriétaire : « Ils
nous soupçonnent mais ils ne veulent
pas que nous passions le test du polygraphe
pour prouver que nous disons la vérité.
Nous ne sommes pas coupables, nous ne sommes
pas criminels. »
La direction de la compagnie d'assurances
refuse de nous accorder une entrevue, mais
elle maintient que le couple ment. Qui dit
vrai? Pour le savoir, nous offrons au propriétaire
du duplex ce que l’assureur lui refuse,
soit de passer le test du polygraphe.
Le test du polygraphe
Quatre
capteurs sensoriels relient le propriétaire
à un ordinateur. S’il ment,
il sera vite trahi par ces récepteurs.
Monsieur John Galiano, spécialiste
en polygraphie, supervise le test : «
Ce qu’on peut voir, c’est
un changement dans les glandes sudoripares,
un battement cardiaque plus rapide, une
réaction spécifique à
la question et, également, un changement
dans la respiration. »
Le propriétaire doit répondre
simplement par oui ou par non. Pour être
crédible, l’interrogatoire
doit se faire à l’abri du regard
du journaliste et de la caméra. L'examinateur
posera les questions suivantes : «
Avez-vous conspiré avec quiconque
pour faire incendier votre duplex? En juillet
2002, avez-vous volontairement mis le feu
à votre duplex? Tentez-vous de cacher
des informations que les enquêteurs
ou les assureurs devraient savoir concernant
cet incendie? »
À toutes ces questions, le propriétaire
répond non. Après deux heures
d’interrogatoire, le verdict de monsieur
Galiano tombe. D'après lui, le propriétaire
dit l'entière vérité.
Le couple
est blanchi...
Disculpé par les enquêteurs
du service de police de Drummondville, soupçonné
par un spécialiste [des assurances]
dont le rapport est de qualité douteuse,
le couple est maintenant blanchi par cet
expert en polygraphe.
Le propriétaire : « Ça
me soulage parce que je vais montrer aux
assurances que je ne suis pas un menteur,
que je leur ai toujours dit la vérité.
Qu’ils me donnent ce qui m’est
dû… »
En conclusion
Dix-huit mois plus tard, l’assureur
refuse toujours d’indemniser le couple.
Ce refus a de lourdes conséquences
morales et financières. La famille
est dispersée, les dettes s’accumulent
et la maison menace de s’écrouler.
Pour forcer la compagnie d’assurances
à honorer ses engagements, le couple
a dû intenter une poursuite contre
la compagnie. La cause sera entendue en
avril prochain. S’ils gagnent, les
propriétaires estiment qu’une
réelle indemnisation devrait inclure
les honoraires de leur avocat et un dédommagement
pour le temps où ils ont vécu
sans logement fixe, accablés des
soupçons de leur compagnie d’assurances.
Pour forcer la compagnie d'assurances à
honorer ses engagements, le couple a intenté
une poursuite qui sera entendue en mai prochain.
En plus de l'indemnité prévue
par leur contrat d'assurance, le couple
va demander que leurs assureurs paient aussi
leurs frais d'avocat et leur versent un
dédommagement pour le temps qu'ils
ont vécu sans logement fixe tout
en subissant les soupçons de leur
compagnie d'assurances.