Faire
affaire avec un redresseur financier
un pensez-y bien!
Quand
le poids des dettes se fait trop lourd,
il y a toujours la possibilité de
faire faillite. Mais il existe également
une autre solution, prévue par la
loi : la proposition de consommateur. Par
ce contrat, la personne endettée
s'engage à rembourser à ses
créanciers un pourcentage de ses
dettes. Ce remboursement se fait sous forme
de versements mensuels à définir
pendant cinq ans ou moins.
Évidemment,
les créanciers doivent accepter les
termes de ce contrat que seul un professionnel,
le syndic, peut préparer. Mais
il faut parfois se méfier de la main
qui se tend pour nous aider. Une consommatrice
l'a appris à ses dépens.
Cette résidente
de Gatineau possède un condo entièrement
payé, mais elle vit au-dessus de ses
moyens. Sur ses cartes de crédit, on
retrouve un solde d'environ 10 000$.
À cela s'ajoute un prêt automobile
de 8 000$.
« Je ne connais pas ça,
être mal prise comme ça. C'est
la première fois. Je cherchais du
secours, raconte-t-elle. Cela faisait plusieurs
fois que je voyais ça [l'annonce
dans le journal], ça m'attirait. »
« Trop
de dettes ? Paiements en retard ? On peut
vous aider. Un paiement mensuel sans intérêt »,
clame l'annonce du journal. La dame saisit
son téléphone et appelle la
compagnie.
Le lendemain, un redresseur financier arrive
chez elle. Il lui demande de payer 748 $
comptant en allant chercher une avance sur
ses cartes de crédit.
Le redresseur financier concocte ensuite
une proposition de consommateur. Selon ce
contrat, la cliente devra verser 280 $
par mois pendant cinq ans. Elle rembourserait
ainsi 16 800 $ pour effacer une dette
de 18 790 $.
N'importe qui peut s'improviser redresseur.
Légalement, cependant, ce n'est pas
un redresseur, mais un syndic qui doit préparer
une proposition de consommateur et la soumettre
aux créanciers.
Le rôle
du syndic
Le redresseur financier donne rendez-vous
à sa cliente chez un syndic. Le syndic
n'avait jamais rencontré cette cliente
auparavant pour évaluer ses besoins.
Pourtant, le contrat de proposition de consommateur
est déjà rempli, prêt
à signer.
La cliente : « Il
[le syndic] savait tout par cur. Il
lisait vite. Signez ici, signez là.
C'est ça qui est arrivé. Avec
[des versements de] 280$ par mois, je trouvais
ça extraordinaire. »
Le syndic admet que c'est le redresseur
financier qui a « amené
les chiffres, les conditions et les critères
pour faire la proposition ».
Mais il ajoute : « j'ai
revérifié avec la dame, je
lui ai reposé les questions, je lui
ai réexpliqué Il y a
une limite à ce que je peux faire. »
Pourtant, les instructions du surintendant
des faillites sont claires : le syndic
ou son employé a l'obligation légale
de procéder à l'évaluation
du client et de lui exposer ses options
avant de signer un contrat. Dans ce cas-ci,
c'est un redresseur qui a fait le travail.
Le syndic affirme avoir mentionné
à sa cliente les autres options possibles.
La consommatrice, elle, affirme le contraire.
Guylaine
Houle, syndic
Ces pratiques sont-elles la norme? La syndic
Guylaine Houle ne veut pas se prononcer
sur la conduite de son collègue.
Mais elle refuse par principe de faire affaire
avec des redresseurs et évalue personnellement
tous ses clients : « La
première option que j'offrirais à
ce consommateur, ce serait d'aller s'informer
auprès d'une institution financière
pour l'obtention d'un prêt, un prêt
hypothécaire, personnel, une consolidation
de dettes. »
Selon la consommatrice, ni le syndic ni
le redresseur ne lui ont dit d'emblée
qu'elle pourrait obtenir un prêt hypothécaire
pour moins de 280 $ par mois. Dans
le milieu, les redresseurs sont perçus
comme des intermédiaires inutiles
pour les consommateurs.
Des conseils
pas toujours judicieux
Comme l'explique la syndic Guylaine
Houle, « ces consommateurs
sont les victimes d'une tierce partie. Souvent,
on leur dit de poser certains gestes qui
ne sont pas nécessairement la norme
légale. »
C'est exactement ce qui arrivé dans
ce cas-ci. Le redresseur a ainsi conseillé
à la consommatrice un tour de passe-passe
étonnant pour garder sa voiture.
La
cliente : « [Le redresseur
financier] me dit : "Vos cartes ne
sont pas pleines?" Je dis non. [Le
redresseur] me dit d'aller chercher 3 000$
sur [une carte], 2 000$ sur l'autre, 3 000$
sur l'autre pour que ça fasse 8 000$
pour payer la voiture. Quand ce ne sont
que des cartes, les banques, les créanciers,
ça passe comme de l'eau Ils
ne voient pas ça, eux. »
Ce geste est risqué puisqu'il est
illégal de rembourser un créancier
au dépend d'autres créanciers
quand on est sur le point de signer une
proposition de consommateur.
La Facture a demandé au redresseur
financier s'il avait fait à sa cliente
une recommandation illégale. Sa réponse
: « Probablement. Je m'en
excuse. Mais je veux aider les gens pour
qu'ils puissent réussir. Elle [la
cliente] faisait tellement pitié.
Je voulais juste l'aider. »
La cliente, de son côté, a
eu des doutes : « Je
trouvais que c'était comme un coup
monté. »
Malgré ces soupçons, elle
porte à son compte de crédit
une auto, une guitare et des soins de beauté.
Tout cela juste avant de déchirer
ses cartes de crédit.
Le syndic de la cliente : « C'est
là qu'est le problème. Les
créanciers ne veulent pas accepter
la proposition Ils se font prendre
pour des valises deux, trois jours avant. »
Les créanciers ont en effet rejeté
du revers de la main la proposition de consommateur
de la cliente. Son problème reste
entier, mais elle a quand même dû
payer deux fois le même service :
612 $ au syndic et 748 $ au redresseur.
Malgré ce gâchis, le syndic
de la dame a l'intention de continuer à
faire affaire avec des redresseurs :
« C'est le client qui les
choisit. Qu'est-ce que vous voulez que je
fasse? Que je les mette dehors? »
En conclusion
Après tous ces déboires, la
consommatrice a décidé de
se débrouiller seule. Elle a mis
son condo de 100 000$ en vente pour
payer ses dettes. Mais elle demeure amère
face au syndic et au redresseur.
Elle a porté plainte au Surintendant
des faillites qui procédera à
une révision de la conduite du syndic.
Elle demande aussi au redresseur financier
de lui rembourser les 748 $ versés.
Du côté des associations de
défense des consommateurs, on déconseille
fortement de s'adresser aux redresseurs
financiers. Ces associations invitent les
personnes endettées à venir
les consulter ou alors à bien choisir
leur syndic. Fait intéressant à
noter : plusieurs syndics offrent une première
consultation gratuite.