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Mardi 16 mars 2004 

          REPORTAGE

Faire affaire avec un redresseur financier… un pensez-y bien!

Quand le poids des dettes se fait trop lourd, il y a toujours la possibilité de faire faillite. Mais il existe également une autre solution, prévue par la loi : la proposition de consommateur. Par ce contrat, la personne endettée s'engage à rembourser à ses créanciers un pourcentage de ses dettes. Ce remboursement se fait sous forme de versements mensuels à définir pendant cinq ans ou moins.

Évidemment, les créanciers doivent accepter les termes de ce contrat que seul un professionnel, le syndic, peut préparer. Mais il faut parfois se méfier de la main qui se tend pour nous aider. Une consommatrice l'a appris à ses dépens.

Journaliste : Julie Miville-Dechêne
Réalisateur : Claudine Blais



Cette résidente de Gatineau possède un condo entièrement payé, mais elle vit au-dessus de ses moyens. Sur ses cartes de crédit, on retrouve un solde d'environ 10 000$. À cela s'ajoute un prêt automobile de 8 000$.

« Je ne connais pas ça, être mal prise comme ça. C'est la première fois. Je cherchais du secours, raconte-t-elle. Cela faisait plusieurs fois que je voyais ça [l'annonce dans le journal], ça m'attirait. »

« Trop de dettes ? Paiements en retard ? On peut vous aider. Un paiement mensuel sans intérêt… », clame l'annonce du journal. La dame saisit son téléphone et appelle la compagnie.

Le lendemain, un redresseur financier arrive chez elle. Il lui demande de payer 748 $ comptant en allant chercher une avance sur ses cartes de crédit.

Le redresseur financier concocte ensuite une proposition de consommateur. Selon ce contrat, la cliente devra verser 280 $ par mois pendant cinq ans. Elle rembourserait ainsi 16 800 $ pour effacer une dette de 18 790 $.

N'importe qui peut s'improviser redresseur. Légalement, cependant, ce n'est pas un redresseur, mais un syndic qui doit préparer une proposition de consommateur et la soumettre aux créanciers.

Le rôle du syndic

Le redresseur financier donne rendez-vous à sa cliente chez un syndic. Le syndic n'avait jamais rencontré cette cliente auparavant pour évaluer ses besoins. Pourtant, le contrat de proposition de consommateur est déjà rempli, prêt à signer.

La cliente : « Il [le syndic] savait tout par cœur. Il lisait vite. Signez ici, signez là. C'est ça qui est arrivé. Avec [des versements de] 280$ par mois, je trouvais ça extraordinaire. »

Le syndic admet que c'est le redresseur financier qui a « amené les chiffres, les conditions et les critères pour faire la proposition ». Mais il ajoute : « j'ai revérifié avec la dame, je lui ai reposé les questions, je lui ai réexpliqué… Il y a une limite à ce que je peux faire. »

Pourtant, les instructions du surintendant des faillites sont claires : le syndic ou son employé a l'obligation légale de procéder à l'évaluation du client et de lui exposer ses options avant de signer un contrat. Dans ce cas-ci, c'est un redresseur qui a fait le travail.

Le syndic affirme avoir mentionné à sa cliente les autres options possibles. La consommatrice, elle, affirme le contraire.

Guylaine Houle, syndic

Ces pratiques sont-elles la norme? La syndic Guylaine Houle ne veut pas se prononcer sur la conduite de son collègue. Mais elle refuse par principe de faire affaire avec des redresseurs et évalue personnellement tous ses clients : « La première option que j'offrirais à ce consommateur, ce serait d'aller s'informer auprès d'une institution financière pour l'obtention d'un prêt, un prêt hypothécaire, personnel, une consolidation de dettes. »

Selon la consommatrice, ni le syndic ni le redresseur ne lui ont dit d'emblée qu'elle pourrait obtenir un prêt hypothécaire pour moins de 280 $ par mois. Dans le milieu, les redresseurs sont perçus comme des intermédiaires inutiles pour les consommateurs.

Des conseils pas toujours judicieux

Comme l'explique la syndic Guylaine Houle, « ces consommateurs sont les victimes d'une tierce partie. Souvent, on leur dit de poser certains gestes qui ne sont pas nécessairement la norme légale. »

C'est exactement ce qui arrivé dans ce cas-ci. Le redresseur a ainsi conseillé à la consommatrice un tour de passe-passe étonnant pour garder sa voiture.

La cliente : « [Le redresseur financier] me dit : "Vos cartes ne sont pas pleines?" Je dis non. [Le redresseur] me dit d'aller chercher 3 000$ sur [une carte], 2 000$ sur l'autre, 3 000$ sur l'autre pour que ça fasse 8 000$ pour payer la voiture. Quand ce ne sont que des cartes, les banques, les créanciers, ça passe comme de l'eau… Ils ne voient pas ça, eux. »

Ce geste est risqué puisqu'il est illégal de rembourser un créancier au dépend d'autres créanciers quand on est sur le point de signer une proposition de consommateur.

La Facture a demandé au redresseur financier s'il avait fait à sa cliente une recommandation illégale. Sa réponse : « Probablement. Je m'en excuse. Mais je veux aider les gens pour qu'ils puissent réussir. Elle [la cliente] faisait tellement pitié. Je voulais juste l'aider. »

La cliente, de son côté, a eu des doutes : « Je trouvais que c'était comme un coup monté. »

Malgré ces soupçons, elle porte à son compte de crédit une auto, une guitare et des soins de beauté. Tout cela juste avant de déchirer ses cartes de crédit.

Le syndic de la cliente : « C'est là qu'est le problème. Les créanciers ne veulent pas accepter la proposition… Ils se font prendre pour des valises deux, trois jours avant. »

Les créanciers ont en effet rejeté du revers de la main la proposition de consommateur de la cliente. Son problème reste entier, mais elle a quand même dû payer deux fois le même service : 612 $ au syndic et 748 $ au redresseur.

Malgré ce gâchis, le syndic de la dame a l'intention de continuer à faire affaire avec des redresseurs : « C'est le client qui les choisit. Qu'est-ce que vous voulez que je fasse? Que je les mette dehors? »

En conclusion

Après tous ces déboires, la consommatrice a décidé de se débrouiller seule. Elle a mis son condo de 100 000$ en vente pour payer ses dettes. Mais elle demeure amère face au syndic et au redresseur.

Elle a porté plainte au Surintendant des faillites qui procédera à une révision de la conduite du syndic.

Elle demande aussi au redresseur financier de lui rembourser les 748 $ versés.

Du côté des associations de défense des consommateurs, on déconseille fortement de s'adresser aux redresseurs financiers. Ces associations invitent les personnes endettées à venir les consulter ou alors à bien choisir leur syndic. Fait intéressant à noter : plusieurs syndics offrent une première consultation gratuite.