Une
équipe de La Facture a enquêté
sur le phénomène du perçage
corporel, qui devient de plus en plus populaire
chez nos adolescents. L'équipe a
découvert que certaines lois s'appliquent
à cette activité, que des
questions de santé se posent et que
peu de commerçants se conforment
aux règles.
À
la polyvalente Benoît-Vachon à
Sainte-Marie-de-Beauce, le perçage
corporel est, comme ailleurs, très
populaire auprès des adolescents, mais
pas toujours auprès des parents.
Sans aucune
autorisation parentale, une adolescente
de 13 ans a réussi à se faire
percer à la Parfumerie esthétique
Roussin. Maintenant, elle ne porte plus
son bijou de nombril que ses parents ont
confisqué.
La mère
de la jeune fille : « On n'a pas
donné d'autorisation. Elle nous avait
demandé deux mois auparavant pour
avoir un piercing de nombril, on avait dit
non. On trouvait que ce n'était pas
de son âge, tout simplement, puis
elle est allée quand même se
faire percer le nombril. »
Jeune fille
: « Il y en a une qui est allée
et ses parents ne voulaient pas. Elle est
allée et elle s'est fait percer.
Je me suis dit, je vais pouvoir y aller.
Ils ont dit : " Est-ce que tes parents
le savent que tu voulais te faire percer?
" Je lui ai dit oui et elle m'a percée.
»
Ça ne
devrait pas être aussi simple puisque
cette adolescente n'a que 13 ans. Nous
avons posé la question à Me
Pauline Roy, spécialiste du droit
de la consommation.
Me Pauline
Roy : « En bas de 14 ans, ça
prend l'autorisation du titulaire de l'autorité
parentale. »
Mère
: « En tant que professionnelle,
elle a une responsabilité de percer
une mineure sans l'autorisation des parents
qui sont responsables d'elle. »
La Facture
a sollicité une entrevue avec la
propriétaire de la boutique où
cette jeune fille s'est fait percer. Cette
dame a refusé toute entrevue, nous
précisant toutefois qu'elle demande
habituellement la signature des parents
avant de percer un jeune de moins de 14
ans. Le cas de cette jeune fille serait
une exception.
L'adolescente
en question n'est pas la seule à
avoir fait fi du refus de ses parents. Les
perceurs ne s'embarrassent pas trop des
autorisations parentales. En caméra
cachée, nous avons visité
onze commerces de perçage à
Montréal. Huit d'entre eux auraient
accepté de percer notre collaboratrice
de 13 ans sans le consentement écrit
des parents et sans jamais lui demander
son âge.
Jayson Cristiano
est copropriétaire de Perçage
Esthétique, un des trois commerces
qui a réussi haut la main le test
de La Facture. Accepte-t-on d'y percer
les jeunes de moins de 14 ans?
Jayson Cristiano
: « On va les percer. C'est quand
même assez rare, mais il faut que
le parent soit en magasin, qu'il accompagne
l'enfant. Même si le jeune a une lettre,
on ne le prend pas. Il faut vraiment que
le parent soit avec l'enfant. On explique
comme il faut ce qu'il en est, si tout le
monde est d'accord et si on trouve que c'est
convenable Si ce n'est pas convenable,
on n'accepte pas de le faire. »
Lors de notre
tournée des commerces, il n'y avait
pas que la question de l'âge qui posait
problème. Le perçage des lèvres
et de la langue aussi. Ce type de perçage
comporte des risques importants et des mises
en garde s'imposent. Une adolescente de
17 ans n'a reçu aucune mise en garde
lorsqu'elle s'est rendue chez un perceur
montréalais.
Adolescente
: « Le menton me semblait la place
la plus intéressante pour le faire.
Ils ont bien centré et ils ont fait
un trou. »
La mère
: « J'estimais qu'elle était
assez vieille pour faire ses choix, malheureusement
dans ce cas-ci, ça s'est avéré
un choix qui va lui coûter une greffe
de gencives. »
Au commerce
où elle est allée, on ne lui
a pas fait part des risques éventuels
et l'adolescente a décidé
de placer le bijou plus bas dans le but
de ne pas abîmer ses dents. Malheureusement,
elle a pris une mauvaise décision
puisque aujourd'hui, elle doit subir une
greffe de gencives. Son dentiste prélèvera
de la peau dans son palais et la replacera
sur les racines de ses dents dénudées.
Coût de la greffe : 373$.
Dr
Fancelli, le dentiste de la jeune fille
: « Le problème ici a été
causé par un piercing et le bouton
qui était à travers de la
lèvre a causé un déracinement
de ses deux dents antérieures inférieures.
Conséquences à long terme
? (...) Ça continue à se déraciner,
on a une perte osseuse et éventuellement,
elle aurait perdu ses deux dents-là.
»
L'Ordre des
dentistes connaît bien les multiples
problèmes reliés aux bijoux
de bouche.
Dr Salois,
président de l'Ordre des dentistes
du Québec : « C'est un grand
risque qui est causé à la
structure. Perte d'émail, fracture
complète, perte d'os, destruction
de la gencive et aussi au niveau de la langue.
Chez certains patients, on voit aussi comme
un engourdissement, comme une légère
paralysie. »
Dans certains
commerces visités, on qualifie de
légende urbaine les possibilités
de légère paralysie de la
langue ou si vous préférez
de la perte de sensation, d'engourdissement
permanent, comme si la langue était
toujours gelée.
Dr Salois :
« La position de l'Ordre au sujet
de la langue, ce serait de dire aux gens
qu'il faudrait y penser deux fois avant
de perforer un muscle qui a autant d'importance.
»
Mère
de l'adolescente de 17 ans : « Il
devrait y avoir quelque chose d'écrit
qui permette aux jeunes de connaître
les dangers potentiels parce que ultimement,
ce sont eux qui vont devoir payer, souffrir
pour rétablir la situation. Je pense
qu'ils devraient peut-être informer
davantage. »
Même
s'il n'existe aucun encadrement, le perceur
a quand même une responsabilité
légale.
Me Pauline
Roy : « En fait, comme toute personne
qui possède une certaine expertise,
lorsque l'intervention qu'il pratique comporte
des risques, pour obtenir un consentement
éclairé, il doit informer
la personne des risques qu'il est présumé
connaître. »
En plus d'avoir manqué à son devoir d'information, dans le cas de l'adolescente de 17 ans, le perceur avait aussi l'obligation de demander l'autorisation parentale. Dans ce cas précis, comme dans tous les cas où des risques pour la santé sont reconnus, l'autorisation parentale est obligatoire, et ce, même si l'enfant a plus de 14 ans.
Jayson Cristiano
: « Chaque magasin a sa politique.
C'est sûr qu'il y a beaucoup de magasins
qui travaillent plus pour eux-mêmes
que pour le client. Ils sont là pour
faire de l'argent. (...) Mais il faut s'occuper
du client, lui expliquer les risques, ce
qu'il en est et s'il est d'accord, on procède
au perçage. »
En conclusion
La
propriétaire du commerce qui a percé
le nombril de la jeune fille, a offert un
remboursement à ses parents. Ils
ont refusé et ont l'intention de
poursuivre la commerçante en dommages
et intérêts. Comme il n'existe
pas de réglementation précise
dans ce domaine, l'autre option pour des
parents inquiets ou choqués, est
de déposer une plainte au Département
de santé publique de leur région
pour sensibiliser le système de soins
de santé à cette réalité.