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Mardi 2 mars 2004 

          REPORTAGE

Des augmentations de crédit non sollicitées

Il y a 50 millions de cartes de crédit en circulation au Canada. Cette carte est un outil inestimable si vous payez votre solde sans problème chaque mois. Mais pour 4 détenteurs de carte de crédit sur 10 au Canada qui n'arrivent pas à payer leur solde, l'endettement chronique est un drame! Pendant ce temps, les banques nous annoncent qu'elles augmentent la limite de crédit de nos cartes sans que nous l'ayons demandé, ce qui est tout à fait illégal. La Facture lève le voile sur cette pratique des banques.

Journaliste : Pierre Craig
Réalisateur : André Gariépy
Recherchiste : Sophie Beaudoin


Ils n'avaient pourtant rien demandé

Ce couple, comme un peu tout le monde, est bombardé d'invitations à dépenser. Mais à la fin de l'été dernier, quand la limite de crédit de leur Master Card/Canadian Tire est augmentée de 3700 $ à 5200 $, la coupe déborde. Ils n'avaient pas demandé qu'on augmente leur limite de crédit. François : « En fin de compte, c'est comme si on nous disait : "Achète-toi de nouvelles choses, même si tu n'en as pas besoin. Tu as plus d'argent, on t'en donne plus. Fais rouler l'économie. »

Une autre surprise les attend! Quelques mois plus tard, la Banque Royale
annonce à François que la limite de crédit de sa carte Visa passe de 2000 $ à 3000 $. Encore une fois, il n'a rien demandé.

Et ça continue! La banque Canadian Tire - parce que le magasin bien connu a fondé sa propre banque - fait un cadeau mirobolant à une autre consommatrice. La limite de crédit de sa Master Card/Canadian Tire bondit de 700 $ à 1700 $! Cette consommatrice : « Première réaction, je ne l'ai jamais demandé. C'est une limite extrêmement élevée, plus élevée que mes besoins en consommation. De quoi se mêlent-ils? De quel droit font-ils ça? »

François : « S'ils sont capables d'être aussi généreux avec les cartes, pourquoi ne sont-ils pas aussi généreux quand tu veux faire un emprunt personnel? »

La réponse est très simple : les taux fixés par les banques pour les prêts personnels sont inférieurs à 10 %, alors qu'ils frisent les 20 % pour les cartes de crédit! La consommatrice : « C'est moi qui dois demander à la compagnie d'augmenter ma marge de crédit si j'en ai besoin, et non l'inverse. »

Elle a parfaitement raison. La Loi québécoise sur la protection du consommateur interdit d'augmenter la limite d'une carte de crédit à moins que son détenteur n'en fasse la demande express. Le Québec veut ainsi protéger sa population contre l'endettement chronique. Mais les banques contreviennent volontairement à cette loi. Pourquoi?

Les banques : soumises à la loi québécoise ?

Louise Rozon, d'Option consommateurs : « Les banques ont toujours respecté en partie les dispositions en matières de crédit. […] Mais elles ont commencé à ne pas respecter les dispositions qui les dérangent, qui sont un frein à leurs activités commerciales. »

Jacques Hébert est porte-parole de l'Association des banquiers canadiens : « Nous disons aux gens : " Ne vous donnez pas la peine de faire des démarches à n'en plus finir, nous vous offrons - c'est toujours une offre simplement ce n'est pas une obligation -de majorer votre marge de crédit ." Ça ne veut pas dire que vous allez vous en servir. La seule chose dont vous devez vous servir c'est de votre intelligence. »

Voici comment la banque Canadian Tire stimule l'intelligence de ses clients, lorsqu'elle leur écrit : « Maintenant que vous avez encore plus de flexibilité financière, allez-y! Essayez un nouveau restaurant, achetez des articles à la mode pour la rentrée des classes, ou remplacez votre vieille tondeuse. »

Notre consommatrice : « Parce que ça fait tellement moins mal de sortir une carte de crédit. Ce qui fait mal, c'est de sortir 100 $ de sa poche. C'est pas pareil. » Jacques Hébert : « Il y a des gens - je ne dis pas que c'est la majorité - il y a des gens qui gèrent mal leurs finances, comme il y a des gens qui conduisent mal leur automobile. On ne peut pas être parfait dans tous les domaines. »

Ce qui est incroyable, c'est qu' au moment même où les banques font pleuvoir ce crédit sur leurs clients, elles s'inquiètent de leur taux d'endettement. Selon la banque Scotia, la dette des ménage canadien dépasse maintenant leurs revenus! Un ménage qui gagne 60 000 $ par année a une dette moyenne de 60 600 $ en hypothèque, prêts personnels et solde impayé de ses cartes de crédit. Nous sommes donc vulnérables aux soubresauts de l'économie, mais les banques continuent quand même d'augmenter nos limites de crédit.

François est sceptique : « Ils disent juste que : " compte tenu de votre excellent dossier "…Mais qu'ont-ils fait comme études? Vous disent-ils avoir étudié votre situation financière? Non, pas du tout.[…] Ce n'est pas rassurant, parce que la seule chose qu'ils regardent, c'est si on dépense beaucoup et si on paye bien, point final. »

Au moment où François a reçu le « cadeau » de la Banque Royale pour sa carte Visa, il savait que cette pratique était illégale. Pas question d'accepter ça! Il a exigé que l'institution rabaisse sa limite de crédit à 2000 $. La Banque Royale a effectivement ramené la limite de sa carte Visa de 3000 $ à 2000 $. Le consommateur a aussi exigé que la banque n'augmente pas sa limite de crédit à moins qu'il ne le demande, faisant valoir que ce qu'avait fait l'institution était illégal. Mais là, l'institution a tiqué, dit François : « Ils ont dit : " On ne peut pas faire ça. C'est inscrit dans votre contrat que la banque peut augmenter votre limite de crédit comme elle le veut. "»

Loi sur la Protection du Consommateur ou loi sur les banques?

Dans le contrat de la carte Visa/Banque Royale, une clause permet à la banque de modifier la limite de crédit à son gré! Cette clause contrevient elle aussi à la Loi sur la protection du consommateur. À cause de cela, au Québec, une demande de recours collectif a été déposée contre les banques par Option consommateurs. L'avocat qui représente Option consommateurs, Me Éric David : « Les banques semblent dire que les consommateurs au Québec sont trop protégés, que la Loi sur la protection du consommateur ne devrait pas bénéficier au consommateur québécois. »

Au Palais de Justice de Montréal, deux mondes s'affrontent. Du côté des banquiers, Me Catherine Carron : « Est-ce que ça vous est jamais arrivé d'aller au restaurant avec votre blonde, de prendre votre carte pour payer la facture et de voir la carte refusée parce que la limite autorisée a été légèrement dépassée ? N'est-ce pas un petit peu gênant ? Devant votre blonde ? »

Du côté des consommateurs, Me Éric David « Honnêtement, c'est sympathique comme argument, mais je ne crois pas que les banques se préoccupent beaucoup de sauver la face des consommateurs. Ce qui les préoccupe, ce sont les profits. »

Les banques refusent d'être soumises à la Loi québécoise sur la protection du consommateur. La loi canadienne sur les banques fait beaucoup plus leur affaire! Jacques Hébert, porte-parole des banquiers : « Il faut savoir une fois pour toutes […] qui sont nos maîtres, qui nous réglementent, de façon à mieux respecter encore la législation qui est devant nous. »


Les banques demandent aux tribunaux de ne pas être soumises à plusieurs articles de la Loi sur la protection du consommateur. Elles affirment que la loi canadienne sur les banques nous protège tout aussi bien.

Edith Fortin est une spécialiste du droit bancaire : « Je crois que la Loi sur la protection du consommateur empêche l'endettement sans consentement, alors que la loi sur les banques ne donne pas cette protection. » Aucun article de la loi canadienne n'interdit aux banques d'augmenter comme elles le veulent la limite de crédit de leurs clients. Me Fortin : « […] La loi fédérale est plus souple, elle protège moins les consommateurs. »

Loi sur la Protection du Consommateur ou loi sur les banques? Longue saga judiciaire en perspective! Pendant ce temps, les banques vont continuer d'augmenter sans permission la limite de nos cartes de crédit.

En conclusion

Vous pouvez refuser toute augmentation non sollicitée de la limite de votre carte de crédit en téléphonant ou en écrivant au service concerné de votre banque. Les associations de consommateurs ont demandé l'autorisation d'intenter cinq autres recours collectifs contre les banques. On accuse les banques, entre autres, de ne pas respecter le délai de 21 jours sans intérêts sur les soldes de cartes de crédit, et d'exiger des frais de 5 $ à chaque transaction dans une marge de crédit.