Sa
voiture neuve est un « citron »,
et il tente d'obtenir justice auprès
d'un organisme d'arbitrage
Lorsque
cette voiture neuve que vous venez de payer
entre 20 000 $ et 30 000 $ est
un « citron », ça
laisse un goût très amer! Le
phénomène de ces véhicules
mal construits a d'ailleurs été
reconnu aux États-Unis. On y a adopté
une loi « anti-citron »-
c'est son nom - pour protéger les
acheteurs de véhicules neufs. Chez
nous, l'industrie, qui voulait peut-être
éviter ce genre de législation,
a mis sur pied un système d'arbitrage
pour gérer les problèmes de
« citron » entre les
fabricants et nous. Une équipe de
La Facture a suivi les démarches
d'un acheteur frustré.
Journaliste : Michel Senécal
Réalisateur : Louis Saint-Pierre
Tout un citron
Depuis
que ce consommateur a acheté sa Concorde
chez Pie IX Dodge Chrysler, à Montréal,
il n'a que des problèmes : « Les
problèmes ont commencé [lorsque
le compteur de la voiture était]
à peu près à 14 000
kilomètres. Je revenais de Trois-Rivières,
je roulais à 120 km/h sur l'autoroute,
et en quelques secondes, la transmission
s'est mise automatiquement en deuxième
vitesse, passant de 120 km/h à 60
km/h. »
Pour ce consommateur, c'est le début
d'une interminable série de problèmes.
Le responsable du service après vente
chez le concessionnaire, François
Dion : « C'est un problème
intermittent d'ordre électrique.
[ ] Autrement dit, après plusieurs
visites, on a tenté de réparer
le véhicule, et les problèmes
surviennent toujours. »
Le consommateur en est à sa treizième
ou quatorzième visite chez le concessionnaire
: « Depuis novembre 2002,
je vais au garage une fois par mois. »
François
Dion : « Ça semble
effectivement un véhicule à
problèmes. [ ] En tant que concessionnaire,
je peux reprendre le véhicule, lui
donner la valeur marchande du véhicule
[ ] Mais de là à combler
la perte du client, je ne pense pas qu'on
serait capable de faire ça. Le manufacturier,
c'est à lui de prendre la décision. »
Le consommateur : « La seule
façon de régler ce problème,
c'était d'arracher les bancs, le
tapis et le tableau de bord, et vérifier
les fils, un par un, car il y a sûrement
un court-circuit dans le véhicule.
Ce qui ne me dérange pas, mais le
prix est sûrement exorbitant. [ ]
Le concessionnaire est un gentleman. Ils
ont tout essayé. Ils admettent par
écrit qu'ils ne sont pas capables
de régler le problème. Mais
Chrysler Canada! Même pas un appel!
J'ai appelé Chrysler Canada et on
m'a carrément envoyé promener. »
Le recours à
l'arbitrage
Le consommateur pourrait
entreprendre des procédures judiciaires
contre Chrysler Canada. Une lutte longue
et coûteuse. Une autre alternative
s'offre à lui. Depuis 2001, les propriétaires
de véhicules récents peuvent
éviter les tribunaux en s'adressant
au PAVAC - le Programme d'arbitrage pour
les véhicules automobiles du Canada.
Ce programme offre
aux consommateurs canadiens un recours à
l'arbitrage, pour éviter les tribunaux,
et régler leurs litiges avec les
fabricants automobiles - pas avec les concessionnaires
automobiles, mais bien avec les fabricants.
Notre consommateur répond à
tous les critères d'admissibilité
du PAVAC : son véhicule a moins de
quatre ans, il a parcouru moins de 160 000
kilomètres, ses problèmes
récurrents semblent provenir d'un
vice de fabrication, et l'acheteur a fait
toutes les démarches raisonnables
auprès du fabricant.
Me
Danielle Létourneau, pdg du Centre
d'arbitrage commercial national et international
du Québec : « Si c'est
un vice de fabrication, l'arbitre peut décider
que le fabricant rachète la voiture
- ce qui est assez rare. Il faut que la
voiture n'ait pas plus de trois ans et moins
de 60 000 km. Mais l'arbitre peut également
exiger que le fabricant procède encore
à la réparation. Si la réparation
ne règle rien, le rachat est alors
obligatoire. »
Le consommateur : « Si [l'arbitre]
décide qu'il y a effectivement un
défaut de fabrication, qu'est ce
qu'ils vont faire? S'ils rachètent
le véhicule, [je vais perdre] 3 ou
4 000 $, parce que j'ai un peu de kilométrage,
parce qu'ils ne reprendront ni la garantie
prolongée ni tous les petits gadgets
que j'ai rajoutés. »
Le 9 septembre 2003, le consommateur, accompagné
d'une équipe de La Facture,
se rend aux bureaux du PAVAC, à Montréal,
pour l'audience. Une audience qui se déroulera
à huis clos. Quelques semaines plus
tard, La Facture reprend contact
avec le consommateur. Depuis l'audience,
en septembre 2003, son véhicule a
été inspecté par la
CAA, l'Association canadienne des automobilistes.
En ce 12 janvier 2004, le consommateur
est en conférence téléphonique
avec un représentant de Chrysler
et l'arbitre du PAVAC. Le consommateur tente
de convaincre le fabricant de racheter le
véhicule. On attend toujours une
décision de l'arbitre du PAVAC. Le
temps passe. Un mois plus tard, le consommateur
reçoit par la poste le verdict du
PAVAC - cinq mois après l'audience,
et 8 mois après la demande initiale
au PAVAC. La demande du consommateur est
rejetée.
Voici un extrait
des explications de l'arbitre : « [ ]
Quant aux hésitations-accélérations,
elles ont été constatées
par l'arbitre lors des essais routiers,
mais les inspecteurs techniques ne les ont
pas constatées. [ ] À
cet effet, les explications du manufacturiers
sont prépondérantes. C'est-à-dire
que les hésitations sont dues à
un style de conduite. »
Cet extrait laisse
entendre que le conducteur est responsable
des problèmes du véhicule.
Le consommateur : « Je ne
comprends pas la décision. Si j'avais
à recommencer, je ne passerais pas
par le PAVAC. J'irais directement en cour.
J'irais me plaindre ailleurs. C'est un processus
qui a été entamé il
y a plus de six mois! »
Le consommateur précise
qu'il n'a maintenant plus aucun recours.
En choisissant l'arbitrage - il le savait
au départ -, il ne peut pas engager
de poursuites judiciaires.
En conclusion
Le
consommateur, très déçu,
considère donc qu'il a perdu sa cause.
Mais, chose étonnante, le PAVAC,
lui, considère la décision
rendue dans son cas comme favorable au consommateur,
puisque l'arbitre a ordonné que les
réparations soient faites sur son
véhicule. Cela permet au PAVAC d'affirmer
qu'en 2002, 61 % des arbitrages ont été
favorables au consommateur contre 39 % en
faveur des fabricants.
Au fait, depuis l'achat de sa rutilante
Chrysler en juin 2002, notre consommateur
s'est rendu une douzaine de fois chez son
concessionnaire pour la faire réparer!