0
 

POUR NOUS JOINDRE
Vous avez une histoire qui pourrait intéresser La Facture? Racontez-la-nous!

ADRESSE
1400, boul. René-Lévesque E.,
3e étage,
Montréal (Québec) H2L 2M2

TÉLÉPHONE
Montréal : (514) 790-2636
Extérieur : 1 800 790-2636

TÉLÉCOPIEUR
(514) 597-7972

REDIFFUSION
Le samedi 19 h 30 à RDI

Dans toutes vos communications, pour plus de rapidité, veuillez nous laisser votre numéro de téléphone.

Vous désirez obtenir une copie d'un reportage ou d'une émission?
Communiquez avec le Service des ventes au (514) 597-7825.

 

Mardi 24 février 2004 

          REPORTAGE

Louer pour acheter :  un concept alléchant pour se procurer des biens, mais un piège financier

Il y a une limite à profiter de gens ! C'est la réflexion qui vient à l'esprit en écoutant l'histoire d'une jeune femme de Montréal. Elle ne voulait qu'une chose : se donner un peu de confort en se meublant convenablement. Mais elle fait partie de ceux à qui on refuse de prêter parce qu'ils ne peuvent pas faire la preuve de leur solvabilité. C'est exactement ce genre d'acheteurs fragiles que recherchent certains commerçants, des acheteurs à qui ils vont siphonner le plus d'argent possible.

Journaliste : Claude Laflamme
Réalisateur : Denis Paquet


La cliente : « Je me suis procuré le meuble de télé dans les vidanges et le vidéo aussi. Je me suis procuré aussi les tables à café. J'ai pris certaines choses à la Saint-Vincent-de-Paul. La table de cuisine et les chaises viennent aussi des vidanges. J'ai fait les vidanges et je me suis meublée. Tout ce que vous voyez ici m'a coûté 20 dollars. »

Avant d'en être réduite à ramasser ses meubles dans les ruelles de son quartier, elle s'était procuré des meubles chez un commerçant, mais ce dernier les a saisis au bout d'un an et demi. La cliente avait déjà visité plusieurs commerces, mais tous avaient refusé de lui accorder du crédit. Elle est alors attirée par une vitrine à la publicité accrocheuse, celle du magasin Louer pour acheter.

Des achats coûteux

La cliente : « Je viens d'une famille assez défavorisée. Comme je travaillais et que j'avais un bon salaire, j'ai voulu aller m'acheter mes meubles moi-même. Quand j'ai vu la publicité du magasin, Louer pour acheter, je me suis laissée tenter. Tu n'as pas besoin d'un dossier de crédit ou d'un endosseur. Cette journée-là, je suis rentrée dans le magasin et j'ai fait mes achats. »

Depuis qu'elle a fait affaire avec Louer pour acheter, ce commerce a changé son nom pour Easyhome. Nouveau nom, mais même fonctionnement ; on y loue des meubles en offrant la possibilité d'en devenir propriétaire au bout d'un certain temps. Convaincue de faire une bonne affaire, la cliente signe une entente de location d'une durée maximale de 22 mois.

La jeune femme : « Tu peux voir un montant, une table de cuisine, par exemple, ils vont annoncer 10$ par semaine. Au bout d'un mois, ça fait 40 $. Ça peut avoir de l'allure. Je me suis procuré une table de cuisine avec 4 chaises, un meuble audiovidéo, un téléviseur 27 pouces, une minichaîne stéréo et un vidéo. »

Même si la majorité de ces meubles sont usagés, elle souhaite en devenir propriétaire quand arrivera le terme de la location. N'était-elle pas embarrassée par l'idée d'ignorer ce qu'il en coûterait au total ?

La cliente : « Non. Je me fiais à mon estimation et je voyais les prix à la semaine. Au bout du mois, c'est correct, mais je ne pensais pas avec les mois qui s'accumulent que ce serait trop cher au bout de la ligne. »

Les étiquettes en magasin affichent les prix à la semaine. Ces faibles versements accrochent l'acheteuse, mais elle n'a jamais calculé le coût total qu'elle devra payer. Selon les estimations qu'on peut faire à partir de son contrat, elle aurait dû payer plus de 4700$ pour que les meubles lui appartiennent. Des meubles semblables, mais neufs, valent environ 1500 $ sur le marché, soit trois fois moins cher. Si la jeune femme n'a pas réalisé dans quel engrenage elle a mis le doigt, sa mère a compris dans quel bateau sa fille s'était embarquée.

Malgré tout, la jeune femme persiste à louer chez Easyhome. Elle effectue plusieurs paiements en retard et au bout d'un an et demi, des problèmes financiers l'empêchent d'acquitter ses mensualités. Easyhome tente par tous les moyens de communiquer avec elle.

D'autres clients qui ont fait affaire avec Easyhome se sont aussi plaints de harcèlement de la part de ce commerçant. Nous avons demandé à François Tôth, professeur de droit de la consommation à l'Université de Sherbrooke si de telles pratiques étaient permises?

François Tôth : « Les techniques de harcèlement téléphonique, appeler la famille, appeler au travail, c'est de l'invasion de vie privée et il existe des lois pour protéger les personnes harcelées. »

Après que la cliente ait déboursé 3 500$ en un an et demi, des livreurs d'Easyhome débarquent chez elle dans le but de reprendre les meubles. Le motif qui justifie cette reprise à leurs yeux : 28 jours de retard dans les paiements.

François Tôth : « Il est impossible pour un commerçant de se faire justice lui-même, de pénétrer chez quelqu'un et de le déposséder. »

La cliente : « Quand j'ai vu le camion de la fenêtre, j'ai décidé de prendre le système de son, de le cacher dans la chambre avec moi et j'ai laissé mon conjoint répondre. Ils ont dit : on vient tout chercher. »

Considérant qu'elle avait suffisamment payé pour ses meubles, elle décide de garder la minichaîne stéréo. Aujourd'hui, Easyhome l'accuse de vol.

Nous nous sommes rendus dans les trois succursales Easyhome de la région de Montréal avec une caméra cachée pour vérifier la façon dont les vendeurs présentent leur mode de fonctionnement aux clients. Quelques surprises nous attendaient.

Vendeur sous l'oeil de la caméra cachée : « Vous avez deux choix. Si vous n'avez pas l'argent pour payer comptant au départ ; ceci vaut 680 $ à l'achat »"

Ce montant est plutôt surprenant dans un magasin qui prétend garantir les plus bas prix! Jugez vous-mêmes : chez d'autres détaillants, le même appareil se vend 400 $ taxes incluses.

Vendeur en caméra cachée : « Si vous n'avez pas l'argent pour payer comptant, on part en mode location. Les paiements que vous faites vont réduire sa valeur. Ça fait 60 $ par mois. La location est ouverte sur deux ans et demi. Donc si vous attendez deux ans et demi pour le payer, ça va vous coûter plus cher que 680$. Vous allez payer à peu près deux fois plus cher à cause des frais de location. »

Ceci est inexact : d'après les chiffres que le vendeur donne, nous avons calculé que cet appareil coûterait plutôt, après 30 mois de location, pas moins de 1800$, soit 4 fois et demi sa valeur chez d'autres détaillants.

François Tôth : « Il y a un profit excessif qui est fait quand on considère la valeur marchande du bien. Les tribunaux ont généralement considéré qu'au-delà de deux fois la valeur d'un bien, il pouvait y avoir exploitation du consommateur. »

D'ailleurs, Option consommateurs a intenté un recours collectif contre Louer pour acheter maintenant devenu Easyhome. L'organisme affirme que les pratiques de ce commerce sont abusives à l'endroit des consommateurs, mais le recours va plus loin. Il tente de démontrer qu'on n'y fait pas véritablement de la location, mais plutôt de la vente à tempérament.

François Tôth : « C'est la prétention d'Option consommateurs dans le recours collectif où on allègue notamment qu'il s'agit essentiellement d'un contrat de crédit déguisé. »

David Ingram, président d'Easyhome, qui a refusé de nous accorder une entrevue à la caméra, nie cette prétention. Il affirme : « C'est de la location qui se renouvelle de mois en mois et le client est libre de mettre fin en tout temps au contrat ou de se porter acquéreur du bien. »

Quoi qu'il en soit, le jugement qui sera rendu pourrait avoir des conséquences importantes pour ce type de commerce.


François Tôth : « Si on qualifie cela de contrat de vente à tempérament, ça va mal pour Louer pour acheter car les obligations de divulgation du taux de crédit et des frais de crédit n'ont pas été respectées. Le juge peut supprimer les coûts de crédit et ordonner à Louer pour acheter de rembourser les consommateurs de tous les frais de crédit déjà payés, ce qui représente des sommes astronomiques pour le commerçant, probablement à la hauteur des profits qu'il fait. »

Un tel jugement irait plus loin.

François Tôth : « Ça veut dire que le locataire est automatiquement propriétaire du bien et ne peut plus effectivement en être dépouillé. »

La cliente : « Au bout de la ligne, ça ne m'a rien donné. J'ai été naïve. J'aurais pu économiser cet argent pour autre chose. J'aurais pu me meubler quatre ou cinq fois plus. »

La cliente a donc payé 3 500 $ pour des meubles qu'elle ne reverra jamais. Elle pourrait avoir droit à une certaine compensation si Option Consommateurs gagne son recours collectif contre Louer pour acheter, un recours qui a été autorisé il y a 5 ans. La cause n'a toujours pas été entendue par les tribunaux. C'est une affaire que La Facture va suivre de près..