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Mardi 17 février 2004 

          REPORTAGE

On lui promet un visa pour travailler aux États-Unis, mais la compagnie disparaît avec l'argent

La semaine dernière, une demande d'injonction avait été déposée pour empêcher la diffusion de ce reportage. Le tribunal a rejeté cette demande. Voici donc l'histoire de ce Beauceron qui a perdu son travail, et qui décide alors de réaliser son désir le plus cher: voyager de par le monde en travaillant. Pour y arriver, il devait décrocher un emploi aux États-Unis. Mais une entreprise de consultants en immigration lui a fait des promesses impossibles à tenir.

Journaliste : Julie Miville-Dechêne
Réalisatrice : Claudine Blais



En mars 2003, ce Beauceron –  un agent de bord mis à pied par Air Canada – décide de tenter sa chance aux États-Unis. Il décroche un stage de formation chez Comair, une filiale du transporteur américain Delta. Ce stage doit déboucher sur un emploi : « J'étais emballé. […] Ça concrétisait mon rêve. Ça allait très bien.[…] Le seul critère auquel je ne répondais pas, c'est que je n'avais pas le visa de travail pour aller travailler aux États-Unis. »

Ses amis lui conseillent d'appeler Can-Am Immigration, des consultants installés à Magog. Le Beauceron : « Je parle à Yves Letendre qui me dit qu'il peut obtenir un visa de travail en deux semaines, avec un taux de satisfaction de 100 %. […] Ça devait coûter 1725,38 $, incluant les taxes. »

Pas de visa, ni de remboursement

Can-Am empoche l'argent, et après cinq semaines de retard et de tergiversations, fait volte-face.

Le client beauceron : « À Can-Am, on me dit que depuis le 11 septembre, les règles ont changé, que ce n'est plus la même façon de faire, et qu'ils ne sont pas capables d'obtenir ce visa. […] J'étais dans une déprime totale, parce que pas de visa voulait dire pas d'emploi. […] On me dit toujours qu'on va me rembourser. Jusqu'à ce que je reparle à Yves Letendre :  "On a eu des changements, l'entreprise a fait faillite". Donc là, non seulement mon rêve était aboli, mais je n'aurais plus mon argent. »

En effet, Can-Am Immigration Services 2000 a déclaré faillite le 1er août dernier avec près de 1 demi-million de dollars de dettes. En laissant sur le carreau des clients, des créanciers et des employés. La Facture a contacté Bianca Battistini, qui a été mise a pied par Can-Am. Elle ne comprend pas que Can-Am ait pu promettre au client beauceron un visa de travail pour les agents de bord d'une durée d'un an : « [C'est] impossible. Je suis sidérée. On ne peut pas offrir ce type de visa à cette personne. Vous pouvez vérifier avec d'autres firmes en immigration. »

Généralement, pour obtenir un visa de travail, un Canadien doit être parrainé par une compagnie américaine, prouver qu'il y a pénurie de main d'œuvre, ou encore exercer l'une des soixante professions inscrites dans l'ALÉNA. Le métier d'agent de bord n'y figure pas.

Me Philippe Tremblay

Me Philippe Tremblay est un expert en immigration. La journaliste de La Facture lui demande ce qu'il aurait dit à l'agent de bord beauceron, si ce dernier était venu le voir : « J'aurais malheureusement brisé son rêve de travailler pour Comair. C'est une perte d'argent et de temps que d'investir dans ce processus. […] Partout, les gens ont utilisé ce fameux prétexte du 11 septembre. Il faut savoir que les lois d'immigration, telles qu'elles sont, existent pour la grande majorité depuis 1997. »

L'équipe de La Facture a frappé à la porte de la compagnie Work Permits USA, qui s'est installée dans les mêmes locaux que le failli Can-Am. On a refusé de lui ouvrir. La Facture a aussi demandé des explications au patron de Yves Letendre, Richard Parenteau père. Lors d'un entretien téléphonique, Richard Parenteau affirme être le propriétaire de Can-Am et de Work Permits USA. Il a refusé de répondre à toutes les autres questions de la journaliste de La Facture : « Je n'ai pas à expliquer quoi que ce soit à personne. On ne justifie pas nos gestes sur la place publique. »

L'avocat de Work Permits USA a envoyé à La Facture une explication écrite. Il prétend que si le client beauceron n'a pu obtenir un visa de travail pour être agent de bord, c'est qu'il a fourni de fausses informations. Conséquemment, dit-il, un tel visa devenait illégal. Le Beauceron soutient avoir toujours dit la vérité . Il se sent floué par Can-Am : « On m'a trompé. […] On m'a menti du début à la fin. »

Ce que ce client comprend encore moins, c'est que la compagnie en faillite semble toujours en affaires. En effet, lorsqu'il téléphone à la compagnie, on répond : « Can-Am Immigration ». Le Beauceron : « Je trouve que c'est trompeur. Si on fait faillite – je ne connais pas tous les aspects de la loi – je pense qu'on doit changer la raison sociale. »

Les faillites de la famille Parenteau

Dans les faits, Work Permits USA n'a déboursé que 60 000 $ pour mettre la main sur les actifs et le nom Can-Am Immigration. Cette nouvelle compagnie est détenue par un des fils Parenteau, Marc-André. Cela veut donc dire que la famille Parenteau se tire de la faillite sans perdre sa précieuse marque de commerce, son numéro de téléphone et son adresse.

Bianca Battistini 

Bianca Battistini : « Ça envoie le message que tu continues, tu fais de l'argent, tu dépenses, tu fais faillite, on essuie, on recommence, le nom est là. »

Le syndic nommé dans cette faillite, Francois Huot, a refusé de rencontrer l'équipe de La Facture. La Facture a donc demandé au syndic Pierre Fortin s'il était normal qu'une même famille puisse racheter le nom de sa compagnie en faillite : « C'est légal. Les circonstances peuvent parfois paraître suspectes. […] Ça peut choquer des créanciers, et, on le voit parfois, les créanciers ont l'impression que les gens ont tout simplement effacé leurs dettes et racheté les actifs à rabais. » Une impression renforcée quand les mêmes dirigeants restent en place. Dans le cas de Can-Am, toutes les sources de La Facture confirment que le vrai patron depuis 10 ans, c'est Richard Parenteau père, même si ses fils ont été tour à tour actionnaires. Il est bien connu en Estrie car il a été chef de police de Rock Forest. Depuis, Richard Parenteau brasse des affaires sous toute une série de noms, jusqu'à sa première faillite en 2001. Immédiatement, une nouvelle entreprise – au nom presque identique – prend la relève. Cette fois, elle est détenue par ses fils, Richard fils et Marc-André. Deux ans et demi plus tard, celle-là aussi fait faillite. Entre les deux, Richard Parenteau père fait faillite. Une faillite personnelle de 349 000 $. Bianca Battistini : « Can-Am Immigration est toujours là, personne n'est au courant de ces faillites. Ç'est publié en tout petit dans un journal de Sherbrooke. Pas à Montréal, ni à Vancouver ou Toronto, où sont les clients. »

Pierre Fortin

Dans la plus récente faillite, c'est le syndic Francois Huot et les deux principaux créanciers de Can-Am  Revenu Canada et Revenu Québec  qui ont accepté de vendre les actifs et le nom Can-Am aux Parenteau pour récupérer une partie des impôts dus. Pierre Fortin : « L'important, c'est que ce soit fait dans les règles de l'art, selon un processus transparent. Si ça donne plus d'argent aux créanciers, c'est tant mieux. »

Mais les clients eux n'ont jamais rien su des déboires des Parenteau. La Facture a obtenu copie d'un rapport d'experts qui constatait en 2000 les « lacunes » de gestion « très coûteuses » de Richard Parenteau père. Bianca Pattistini : « Quand vous avez 20 000 $ pour payer des comptes dans une semaine, et puis que votre président en dépense 25 000 $, il vous manque 5 000 $. Et puis vous ne pouvez pas dire non au président, parce que c'est le président, et il va se fâcher. »

La Facture a appris que « le surintendant des faillites a mandaté la GRC pour faire enquête » sur la première faillite de Can-Am en 2001. De plus, La Facture a aussi mis la main sur une plainte de 500 pages remise aux autorités. Aucune accusation n'a été portée. L'enquête se poursuit.

Le client beauceron : « J'ai fait mon chèque à Can-Am Immigration. Donc, si Can-Am Immigration existe encore, je devrais recevoir mon argent. » Il ne peut pas compter là-dessus. Work Permits USA n'a plus aucune obligation légale envers les clients et les créanciers de Can-Am, malgré le fait que la marque de commerce ait survécu. Le client beauceron : « J'ai pris des précautions mais je me suis fait avoir quand même. […] C'était trop beau pour être vrai. »

En conclusion

Par la voix de son avocat, Richard Parenteau père nous a fait savoir que ni lui ni personne n'a rien à se reprocher dans ce dossier, et que tout a été fait légalement. Attention! si vous voulez de l'aide pour obtenir un visa de travail pour les Etats-Unis, vous devez savoir que les consultants en immigration comme Can-Am Immigration ne sont soumis à aucune réglementation. Par contre, les bureaux d'avocats spécialisés en immigration sont soumis à un code de déontologie et doivent cotiser à un fonds d'assurance responsabilité. Avec ces avocats, vous avez donc davantage de recours en cas d'erreur.

16 octobre 2006 - L'enquête de la GRC, concernant la première faillite de Can-am en 2001, est terminée et aucune accusation n'a été portée.