Maison
en construction : des délais de livraison
font grimper la facture
Un couple de Saint-Sauveur-des-Monts s'est
donné tout un défi l'an dernier
: acheter une maison qu'il devra assembler.
Ils avaient tout prévu pour la construction
de leur maison pièce sur pièce.
Tout, sauf un délai de livraison.
Journaliste : Yvan Lamontagne
Réalisateur : Louis St-Pierre
Le couple
voulait un tout nouveau toit pour abriter
la famille de quatre enfants. Ils choisissent
leur modèle de maison pièce
sur pièce à la Maison du patriote,
dont le bureau de vente est situé
à Saint-Sauveur-des-Monts. Ils tenaient
à construire eux-mêmes leur
maison. Impatients de se mettre au travail,
ils signent le contrat de vente en juin
2003, avec une garantie de livraison des
matériaux en septembre, trois mois
plus tard.
Des délais,
toujours des délais
La
maison de leurs rêves coûte
98 000 $, taxes incluses. La propriétaire : « On
a mis nos économies là-dedans,
on y a mis beaucoup d'espoir et d'attentes. »
Attente, le mot est approprié.
Les matériaux ne sont pas encore
livrés en novembre, et la famille
doit quitter la maison qu'elle loue dans
quelques semaines. La propriétaire
explique qu'ils devront déménager
leurs affaires dans un entrepôt, en
attendant que la maison soit construite
et prête à les accueillir,
en février, pense-t-elle : « On
est très désorganisés,
on ne sait vraiment pas où on sera
demain. »
La première
livraison des matériaux ne se fera
finalement qu'à la fin du mois de
novembre. Le couple s'imaginait passer Noël
dans sa nouvelle demeure. Mais en décembre,
ils sont toujours en train d'ériger
la structure de la maison. Le propriétaire : « C'est
stressant et ça met beaucoup de pression
sur toute la famille.[
] Avoir commencé
ça, disons, il y a un mois et demi,
on serait déjà à l'intérieur,
l'électricité serait là,
il y aurait du chauffage. Et on pourrait
travailler l'intérieur. »
Pourtant, tout était
en place pour que ce projet fonctionne bien.
Fin septembre, le couple, leurs amis, leurs
familles et leurs collègues de travail
étaient prêts à consacrer
tout le temps qu'il fallait pour l'érection
de la nouvelle maison. Ils apprennent alors
qu'il n'y avait pas de bois. Le responsable
de la compagnie, Michel Boismenu, refuse
d'accorder à La Facture une
entrevue à la caméra. Il a
tout de même accepté de discuter
de ce cas au téléphone. M.
Boismenu : « Au
départ, une machine a été
brisée. On a dû s'approvisionner
complètement ailleurs. »
Les
semaines passent, le couple s'impatiente,
la livraison se fait toujours attendre.
Pourtant la compagnie a encaissé
un dépôt équivalant
à plus de 30 % du montant total
de la transaction. Après avoir encaissé
le dépôt, cette compagnie se
donne comme obligation de livrer les matériaux
45 jours plus tard. Dans ce cas-ci, les
matériaux auraient dû être
déchargés sur le chantier
de construction au plus tard le 3 octobre.
Ce n'est qu'à la fin du mois que
la compagnie se dit prête à
livrer la marchandise, à condition
que ses clients remettent, à quelques
heures d'avis, un chèque certifié
au livreur de plus de 64 000 $.
Une situation impossible selon le couple.
La propriétaire : « J'ai
dit : "M. Boismenu, je vous
ai demandé trois jours, pas quatre
heures. Vous m'appelez le jeudi soir, la
banque est fermée, je ne peux pas
joindre personne. Le lendemain matin, vous
voulez que j'aie un chèque certifié.
Ce n'est pas possible." »
M. Boismenu : « Ils
ne nous ont pas confirmé les fonds.
Alors j'ai envoyé les matériaux
ailleurs. »
Le couple découvre
alors que ni les fenêtres ni le toit
n'avaient été commandés,
et que les fermes du toit devaient arriver
plus tard. Finalement, la plupart des matériaux
ne seront livrés qu'un mois plus
tard, à la fin du mois de novembre.
La propriétaire : « Les
amis, la famille ceux
qui étaient disponibles en septembre ils
ne sont pas disponibles. Et le froid se
met aussi de la partie. » Le
propriétaire : « Il
est évident qu'il y a des coûts
supplémentaires que nous n'avions
pas nécessairement prévus.
Je ne sais pas combien de bonbonnes à
propane on a louées pour chauffer.
Et il y a aussi la main-d'uvre. »
M. Boisvenu affirme
que, normalement, les délais son
respectés. La Maison du patriote
écrit fièrement sur son site
Internet que ses délais de livraison
varient de huit à douze semaines.
Un autre client dans
la même situation
Un autre client de
la compagnie y croyait avant de signer un
contrat de vente en mars 2002 pour recevoir
idéalement ses matériaux à
la mi-juin. Il n'a rien reçu, et
il attend toujours : « Je
parlais souvent avec Michel Boismenu. Il
me disait toujours de ne pas m'inquiéter,
que ça allait se régler d'ici
deux ou trois semaines. »
La compagnie repousse
la date de livraison des matériaux
de ce client de six mois, au 15 décembre
2002. Et à la toute dernière
minute, on lui annonce qu'une pièce
maîtresse, à l'usine, est défectueuse.
Il ne pourra pas recevoir sa marchandise
comme prévu, bien qu'il ait versé
un dépôt de 11 000 $.
Le client : « J'ai
eu d'autres frais. Et c'est pas juste ça,
c'est le fait d'attendre toujours et de
ne pas savoir si je vais avoir fini la maison
à temps pour déménager. »
Il vend son ancienne maison et doit déménager
le premier avril 2003. Il ne peut plus attendre
sa maison pièce sur pièce.
Il décide donc de se construire une
maison standard. Le client : « Par
la suite, ils m'ont proposé de me
fournir le bois, le même style, pour
le montant que je leur ai donné en
dépôt. Pour avoir le même
style de finition extérieure. Ils
m'ont proposé de me livrer ça
pour le mois de janvier 2003. Janvier 2003,
je n'ai toujours rien reçu. »
M. Boismenu se défend
en disant qu'il a fixé une nouvelle
échéance avec ce client. Avec
un retard d'un an et demi, cette nouvelle
échéance de livraison du bois
de finition est fixée au 22 décembre
2003. Ce jour-là, toujours rien.
Que peuvent faire
les clients?
Toujours le 22 décembre,
l'activité est intense sur le chantier
de construction du couple de Saint-Sauveur-des-Monts.
Le propriétaire, irrité, s'attaque
à l'installation des fermes du toit
de sa maison : « Avec
la neige et la glace, on perd au minimum
entre deux heures et deux heures et demie
par jour. » La propriétaire
explique que cette maison devait leur coûter
environ 210 000 $ : « Aujourd'hui,
avec la main-d'uvre, on est rendu
à 270 000 $. »
Le contrat de vente
de la Maison du patriote a une clause spéciale
sur les délais de livraison. Cette
clause la décharge de toute responsabilité
même si elle retarde de six mois la
livraison des matériaux. Voici l'opinion
de Me Patrick Choquette : « Ce
que l'entrepreneur dit, c'est qu'il va faire
ce qu'il peut, mais que s'il ne réussit
pas à livrer à la date prévue,
le client n'a aucun recours et ne peut pas
résilier le contrat. [
] Je
serais tenté de croire qu'un tribunal
ne retiendrait pas ce droit que s'est donné
le manufacturier, d'une quittance par anticipation
face au consommateur. Autrement dit, le
consommateur ne perdrait pas son droit de
poursuivre pour des dommages, à la
suite de délais de livraison qui
seraient inadmissibles. »
En conclusion
Le couple de
Saint-Sauveur-des-Monts se propose d'exiger
un dédommagement devant les tribunaux.
Ce ne sera pas facile. L'entreprise s'est
placée sous la protection de la Loi
sur les faillites en mars 2003. Quant à
l'autre client, il attend sa maison depuis
un an et demi, et il vient enfin de recevoir
sa livraison. En guise de compensation,
la Maison du patriote lui a fourni une maison
de qualité supérieure.
|