POUR NOUS JOINDRE
Vous avez une histoire qui pourrait intéresser La Facture? Racontez-la-nous!

ADRESSE
1400, boul. René-Lévesque E.,
3e étage,
Montréal (Québec) H2L 2M2

TÉLÉPHONE
Montréal : (514) 790-2636
Extérieur : 1 800 790-2636

TÉLÉCOPIEUR
(514) 597-7972

REDIFFUSION
Le samedi 19 h 30 à RDI

Dans toutes vos communications, pour plus de rapidité, veuillez nous laisser votre numéro de téléphone.

Vous désirez obtenir une copie d'un reportage ou d'une émission?
Communiquez avec le Service des ventes au (514) 597-7825.

 

Mardi 3 février 2004  

          REPORTAGE
 

Une locataire poursuivie par son propriétaire, 16 ans plus tard

À une époque, au Québec, un propriétaire disposait de trente ans pour faire exécuter un jugement obtenu contre vous pour non-paiement de loyer. En janvier 1994, ce délai a été ramené à 10 ans. Pour les jugements antérieurs à la réforme, le compteur repartait à zéro à partir du premier janvier 1994, pour une période de 10 ans. Une locataire de Montréal a récemment eu la surprise de recevoir de mauvaises nouvelles sur une affaire qu'elle avait oubliée depuis longtemps.

Journaliste : Yvan Lamontagne
Réalisatrice : Claudine Blais


Une dette du passé

Début octobre, cette locataire de Montréal reçoit une lettre d'avocat. On la menace de saisie, si elle ne paie pas dans les trois prochains jours les 5531 $ qu'elle doit à un ancien propriétaire. Une affaire qui date de 16 ans.

En effet, elle a habité au 389, rue Denonville, appartement 1 à Longueuil, du premier juillet jusqu'en décembre 1987. En janvier 88, elle quitte son appartement sans payer son loyer. La raison de son départ précipité : un homme qu'elle connaît serait devenu une menace pour elle et pour sa fille. La locataire : « Il est arrivé par la cour arrière, a pris la bicyclette de ma fille de trois ans, et l'a lancée par la fenêtre de sa chambre. […] Je suis partie dans la peur, je suis partie vite. Il fallait que je parte. Je ne pouvais pas rester là. »

Elle dit qu'elle a tenté à l'époque de s'entendre avec son propriétaire. Elle lui aurait proposé un mois de loyer pour le dédommager :  « Le propriétaire m'indiquait qu'il fallait que je donne trois mois de loyer si je voulais m'en aller. C'était de cette façon qu'il fallait résilier un bail. Je n'avais pas l'argent. C'est sûr que j'aurais aimé m'entendre avec lui. »

La décision de la Régie

La Facture a consulté le dossier de cette locataire à la Régie du logement. En 1988, son ancien propriétaire fait des démarches auprès de la Régie pour être payé. La Régie expédie à la locataire un avis d'audition. Mais la lettre ne lui parvient pas, et elle est retournée à l'expéditeur. La locataire : « On est en 2003, ça date de 1987. Je n'en avais jamais entendu parler. […] J'ai toujours été dans l'annuaire. […] Je n'ai jamais mis d'énergie à essayer de m'effacer, de me cacher. »

En juin 88, la Régie du logement rend une décision en faveur du locateur, en l'absence de la locataire. Décision qui oblige cette dernière à payer plus de 2000 $ au locateur pour les dommages dans l'appartement et les coûts rattachés à la résiliation du bail. Mais la locataire n'aurait jamais reçu copie de la décision de la Régie. Aujourd'hui, elle serait prête à payer ce montant de plus de 2000 $. Mais pas question de payer les 3000 $ d'intérêts qu'on lui réclame 15 ans plus tard : « C'est sûr que je n'ai pas l'intention de payer 5531 $ [au locateur]. Je n'ai pas les moyens de payer ça et je trouve que c'est abusif. […] J'aimerais bien tenter de rejoindre [le locateur] pour essayer de m'entendre avec lui sur un mode de paiement et sur un montant raisonnable. »

Le locateur ne l'a jamais rappelée. Entre-temps, La Facture apprend que sa compagnie est radiée depuis 1997. Le locateur, joint par La Facture, précise qu'il n'était pas le propriétaire, mais plutôt le gestionnaire de l'immeuble sur la rue Denonville. L'édifice appartenait et appartient toujours à son cousin, et c'est ce dernier qui veut se faire payer. Sauf que son nom n'apparaît ni sur le bail, ni sur la décision de la Régie du logement.

Que peut faire la locataire?

Elie Chahwan est un avocat spécialisé dans les causes devant la Régie. Selon lui, la locataire pourrait se défendre devant les tribunaux et invoquer simplement que la compagnie en question est radiée. Me Chahwan : « Si le jugement a été rendu pour cette compagnie en particulier, et que la compagnie n'existe plus, la dette n'existe plus. »

Me Elie Chahwan

L'avocate Josée Gagnon représente le véritable propriétaire de l'immeuble. Elle a refusé, tout comme le propriétaire, d'accorder une entrevue à La Facture. Elle ne partage pas du tout l'avis de son confrère Elie Chahwan. Selon Me Gagnon, la dette demeure, parce que son client est toujours propriétaire de l'immeuble, un argument que conteste Me Chahwan : « Je pense que la locataire aura des chances de succès, si elle demande l'opposition à la saisie. »

La locataire n'a contacté aucun avocat jusqu'ici. Ce qui la fait frémir pour le moment, c'est cette dette inscrite à son dossier de crédit comme mauvaise créance : « Je commence à bâtir mon crédit. […] Qu'est-ce que je peux faire? Une faillite? Tout le monde va être perdant. » Elle explique qu'elle n'a pas de voiture, qu'elle a le strict minimum comme mobilier, et qu'elle n'a plus de salaire.

Pour Me Josée Gagnon, la dette n'est pas négociable. La locataire est une employée auxiliaire de la Ville de Montréal. Elle ne travaille pas en ce moment. Il n'y a donc pas de salaire à saisir. Cette saisie ne sera possible que si elle travaille à nouveau pour le même employeur. La locataire  : « Je ne suis pas dans une situation où je peux payer ça. Je suis de bonne foi et c'est tout. C'est tout ce que j'ai, ma bonne foi. »

En conclusion

Cette locataire a peu de moyens, mais elle n'est pas assez démunie pour avoir droit à l'aide juridique, si elle fait face à une saisie. Elle a peut-être une porte de sortie. Le bureau de l'avocate qui représente son ancien propriétaire a fait savoir à La Facture que la locataire peut soumettre une offre de remboursement, et qu'elle sera étudiée.