Qui a droit à la prestation de décès
de la Régie des rentes du Québec?
La mort
d'un être cher est un dur coup. C'est
à ce moment-là qu'on pose
les derniers gestes d'amour envers la personne
disparue. Pour beaucoup, les rites funéraires
sont très importants. Mais tout cela
coûte cher. Cet homme de Laval est
loin d'être millionnaire. Les funérailles
de sa conjointe devaient être très
sobres, jusqu'au jour où on lui a
appris qu'il avait droit à une somme
d'argent imprévue.
Journaliste : Claude Laflamme
Réalisateur : Denis Paquet
Ce
résident de Laval a perdu sa femme
en août 2002 : « On
s'était entendus, mon épouse
et moi, pour des funérailles minimes,
si l'un ou l'autre partait. Alors pas d'exposition.
L'incinération, et c'est tout. Une
petite messe. C'était notre désir. »
L'homme a fait affaire avec une petite
entreprise de services funéraires
de Laval. Le résident de Laval : « Le
directeur m'a dit que j'allais recevoir
2500 $ pour le décès de mon
épouse. [ ] Alors j'ai dit :
"C'est très bien, on va dépenser
un peu plus". Ça a coûté
1000 $ de plus.[ ] Lorsqu'il m'a
dit que j'allais recevoir 2500 $, je
me suis senti un peu coupable de recevoir
un montant d'argent de prestation de décès,
puis de pas le dépenser. »
Le directeur des services funéraires : « S'il
a dépensé 1000 $ de plus,
c'était son privilège de le
faire. »
Cette somme de 2500 $ devait provenir
de la prestation de décès
qu'offre la Régie des rentes du Québec,
la RRQ. Croyant avoir droit à la
prestation, cet homme achète une
urne plus coûteuse. Il fait aussi
paraître deux annonces dans les pages
nécrologiques des journaux. Il explique
que s'il avait su qu'il ne recevrait pas
cette prestation, il n'aurait pas dépensé
tout cet argent. Il a l'impression de s'être
fait avoir par le directeur des services
funéraires.
Le directeur : « C'est
pas parce qu'on a pas fait notre effort
pour l'informer. C'est juste qu'il y a eu
un manque de communication. »
Il n'a pas droit à
la prestation
Peu
après les funérailles, le
résident de Laval remplit sa demande
de prestation de décès, et
l'envoie à la RRQ. Un mois plus tard,
il reçoit la réponse : demande
refusée. Motif : sa conjointe
n'a pas cotisé suffisamment au Régime
des rentes du Québec. Il ne comprend
pas : « Je me
suis penché sur ce que ma femme a
fait depuis 30 ans, et elle a eu dix ans
un commerce, elle a eu cinq ans un autre
commerce. » Le directeur
des services funéraires lui avait
demandé si sa femme travaillait : « Il
m'a dit, ça c'était très
clair, que son épouse a travaillé
toute sa vie. »
En effet, sa conjointe a travaillé
un nombre suffisant d'années pour
avoir droit à la prestation de décès.
Sauf que ses revenus n'étaient pas
toujours assez élevés pour
qu'elle cotise à la RRQ. C'est ce
qui explique pourquoi elle n'a pas droit
à la prestation de décès.
Pour son propre malheur, il a donc mal évalué
le travail de sa conjointe. Le directeur
des services funéraires : « Je
ne me suis jamais douté que son épouse
n'avait pas contribué suffisamment
(au régime des rentes). »
Des règles
d'admissibilité mal expliquées
Les règles d'admissibilité
à la prestation de décès
sont complexes. Retenons simplement que
le nombre d'années de cotisation
nécessaires pour y avoir droit varie
d'une personne à l'autre, et que
plusieurs facteurs sont considérés
pour la calculer.
Beaucoup de gens pensent avoir droit à
la prestation de décès de
la RRQ, alors que ce n'est pas le cas. Pour
la seule année 2002, plus de 9000
demandes ont été refusées,
soit une demande sur cinq.
Les
Québécois sont d'abord informés
de l'existence de la prestation de décès
par une brochure de la RRQ. Le résident
de Laval : « J'ai
relu et relu les brochures, et je n'ai jamais
vu que la prestation de décès
était conditionnelle. »
André Lafrance est professeur de
communications à l'Université
de Montréal. La Facture lui
a soumis la brochure de la RRQ, qui donne
de l'information sur toutes les prestations
disponibles pour les héritiers. Selon
M. Lafrance, ce document ne mentionne pas
clairement que les prestations de décès
ne sont pas attribuées automatiquement : « Vérifiez
si vous y avez droit! »
Est-ce que la brochure de la RRQ ne devrait
pas mieux expliquer que tout le monde n'est
pas admissible à la prestation de
décès? Herman Huot, de la
RRQ : « Peut-être
qu'on pourrait revoir la façon de
présenter les choses. »
Car
la brochure n'est pas claire. À la
page sur la prestation de décès,
on ne mentionne pas les conditions d'admissibilité.
Elles apparaissent ailleurs. Selon André
Lafrance, la page sur les prestations devrait
être plus explicite : « Dire
aux gens : "Peut-être"!
Et non pas, comme le texte l'affirme presque,
que c'est automatique. »
Le vendeur de services funéraires
est sans doute la personne la mieux placée
pour répondre aux questions des familles
endeuillées. Mais jusqu'où
peut-il aller quand il s'agit de la prestation
de décès? Le directeur des
services funéraires admet qu'il ne
connaît pas en détail les règles
d'admissibilité. Pourtant, il a assuré
son client qu'il avait droit à cette
prestation de décès.
Quant à M. Huot, de la RRQ, il estime
que l'entrepreneur de pompes funèbres
devait informer son client d'une possible
prestation, mais qu'il ne devait pas se
prononcer catégoriquement sur le
cas.
Nathalie Samson
La RRQ s'est entendue avec la Corporation
des thanatologues du Québec pour
diffuser l'information sur la prestation
de décès. Cette corporation
représente quatre salons funéraires
sur cinq au Québec. Nathalie Samson
en est la secrétaire générale : « C'est
malheureux. Je crois que le thanatologue,
dans un esprit de bien servir, est allé
au-delà de sa responsabilité. »
Et elle ajoute : « Ce
n'est vraiment pas le rôle des thanatologues
que de déterminer l'admissibilité.
[ ]Notre rôle, notre responsabilité
c'est d'informer les citoyens de l'existence
de cette prestation. Ensuite ça revient
vraiment au citoyen de prendre ses responsabilités,
puis d'aller voir. »
André Lafrance
Au contraire, André Lafrance, professeur
de communications, croit que les gens qui
travaillent dans les services funéraires
pourraient informer le public sur ce sujet,
s'ils étaient mieux préparés : « Ces
gens travaillent dans ce domaine depuis
des années. [ ] Je maintiens
que la communication verbale est 100 fois
préférable à la communication
écrite dans ce cas-là. »
Le résident de Laval : « Quand
on vit l'épreuve du décès,
on n'a pas les idées aussi claires
qu'en temps ordinaire. Vous voulez régler
au plus vite. »
En conclusion
Il y a donc énormément de
progrès à faire dans l'information
des citoyens sur la prestation de décès.
Et attention! cette prestation n'est pas
automatique. Il faut en faire la demande
par écrit - ce qui entraîne
bien sûr des délais - ou en
personne aux bureaux de la Régie
des rentes. Mais vous pouvez maintenant
savoir d'avance si, à votre décès,
vos héritiers y auront droit. Tous
les quatre ans, la Régie fait parvenir
à tous les travailleurs cotisants
un relevé dans lequel on vous donne
ce renseignement.