Il
achète un garage qu'il ne pourra
jamais exploiter
Un jeune
mécanicien de Cap Chat, en Gaspésie,
se retrouve dans le pétrin après
avoir acheté un garage, sans vérifier
adéquatement les règlements
de zonage. Il voulait créer son propre
emploi, il a investi toutes ses petites
économies pour y parvenir. Mais à
la toute dernière minute, il a compris
qu'il s'était fait avoir.
Journaliste-réalisateur : Maxime
Poiré
Un garage
dans une zone résidentielle
Ce
jeune mécanicien a travaillé
pendant presque sept ans sur des bateaux.
Afin de devenir son propre employeur, il achète
un garage à Cap Chat en novembre 2000.
Coût de la transaction : 16 000 $.
Ce qui a poussé l'homme de 33 ans à
revenir sur la terre ferme : être près
de sa famille - sa conjointe et ses deux enfants.
En 2002 il quitte pour de bon son emploi en
mer, qui le tenait loin des siens de nombreux
mois par année. Il tente de démarrer
son entreprise. Mais la municipalité
de Cap Chat lui réserve une surprise.
La conjointe du mécanicien : « Le
huissier est arrivé chez nous avec
une mise en demeure : vous avez quatre jours
pour cesser vos activités. »
La Ville prétend que le garage,
qui a pourtant été bâti
il y a plus de 40 ans, est dans une zone
résidentielle. C'est ainsi que le
jeune mécanicien apprend qu'il est
interdit de réparer des voitures
à cet endroit : « Pour
moi, c'était un garage, ça
a toujours été un garage.
Dans ma tête et dans la tête
de bien des citoyens de Cap Chat c'est un
garage et non pas un entrepôt. »
C'est
à ce moment que la bataille s'engage
contre Cap Chat. Depuis deux ans, comme
Don Quichotte, il se démène
pour avoir le droit d'exploiter son commerce,
mais la Ville refuse systématiquement
d'apporter une modification au zonage. Le
mécanicien : « On
se bat contre la Ville mais la Ville ne
veut rien savoir. Ils sont convaincus que
c'est résidentiel, et on ne peut
rien faire, à part un entrepôt. »
Se fier au compte
de taxes?
Mais que s'est-il passé au moment
de la vente? Qu'est-ce que le propriétaire
précédent lui a dit? Le mécanicien :« Il
m'a dit que le code d'utilisation, c'était
6411. Et que j'avais le droit de réparer
des voitures ici. Il y en avait dans la
cour et il y en avait plusieurs dans le
garage. C'était assez dur de ne pas
le croire. »
La Facture a vérifié
auprès de la Municipalité
régionale de comté ce que
signifie le code d'utilisation 6411 que
l'on retrouve sur le compte de taxes du
mécanicien. Dans le document qui
définit la codification des immeubles,
il est écrit en toutes lettres que
le code 6411 réfère à
un service de réparation d'automobiles.
Un garage. Le mécanicien a cru que
le code d'utilisation indiquait qu'il avait
le droit d'exploiter le garage.
Selon
Me Daniel Bouchard, spécialiste en
droit municipal, il ne faut pas se fier
au code d'utilisation. Il donne ce conseil
aux acheteurs de propriétés : « Les
gens croient que le compte de taxes est
indicateur de ce qu'ils peuvent faire. C'est
une erreur courante, qu'il ne faut pas faire.
Le compte de taxes, il faut le mettre de
côté. Même le rôle
d'évaluation, il faut le mettre de
côté. Ce que l'évaluateur
indique dans le rôle, c'est ce qu'il
observe comme usage exercé. Il n'est
pas là pour vérifier la légalité
de ce qui se fait. Il se peut que l'usage
exercé ne soit pas autorisé
par la réglementation municipale.
Il faut donc comprendre que le compte de
taxes ne confère pas de droit, il
ne fait que décrire ce qui se passe
dans l'immeuble. C'est tout. »
Donc, pour savoir vraiment ce qui est permis
dans un secteur, il faut absolument se renseigner
auprès du service d'urbanisme de
sa municipalité. Mais avant d'acheter,
le mécanicien n'a pas pris cette
précaution, ce que déplore
Judes Landry, maire de Cap Chat : « Il
aurait fallu qu'il s'informe sur le zonage
à l'urbaniste de la Ville de Cap
Chat. [ ] Il aurait appris qu'il n'était
pas dans une zone commerciale, qu'il était
dans une zone résidentielle. »
Le vendeur ne leur
a rien dit
Si le couple avait poussé son enquête,
il aurait appris qu'à l'été
2000, quelques mois avant l'achat du garage,
le vendeur avait reçu une mise en
demeure de la municipalité. Le maire
Landry : « Ils
faisaient des réparations d'automobiles,
du débosselage, et ainsi de suite.
Ce n'était pas permis dans cette
zone. »
Le jeune couple explique que le vendeur
ne leur a jamais dit qu'il y avait eu des
problèmes avec la municipalité.
Le vendeur a refusé d'accorder une
entrevue à la caméra à
La Facture. Au téléphone,
il prétend avoir informé correctement
l'acheteur. Pourtant, dans le contrat de
vente notarié, le vendeur déclarait
n'avoir reçu aucun avis d'une autorité
compétente mentionnant que l'immeuble
n'est pas conforme aux règlements
et lois en vigueur. Pas un mot sur la mise
en demeure.
La position de la
municipalité
Aujourd'hui, le mécanicien et sa
conjointe songent à poursuivre le
vendeur. Ils mettent aussi en doute l'attitude
de la municipalité, qui a laissé
traîner la question de l'usage de
ce garage durant plusieurs années,
avant qu'ils n'en deviennent propriétaires.
La conjointe : « Pourquoi
n'ont-ils pas arrêté quelqu'un
avant nous? Aujourd'hui, on veut mettre
du pain sur notre table avec cette entreprise,
et ils nous disent non. C'est aujourd'hui
qu'ils décident de nous mettre des
bâtons dans les roues. Pourquoi ne
l'ont-ils pas fait avant? C'est là,
je trouve, qu'il manque quelque chose. »
Le mécanicien : « Je
n'ai pas bâti ce garage. Il était
là. S'il était là et
qu'il n'était pas légal, pourquoi
l'a-t-on mis ici? On a demandé ça
à la Ville, et tout ce qu'ils trouvent
à me dire, c'est que quelqu'un n'a
pas fait son travail. »
Le maire Landry : « Il
y a quelque chose qui n'a pas marché.
Il a l'ambition d'avoir un commerce à
Cap Chat, je comprends ses idées
et on est avec lui à 100 %.
Sauf que dans cette zone, il s'est produit
une erreur, et aujourd'hui, on est pris
avec le problème. »
Le
mécanicien : «
T'aurais le goût de t'en aller. Je
voulais rester ici en région. [ ]
J'ai mis tout mon argent dans ça,
et je ne peux rien faire. »
En conclusion
Le mécanicien a été
forcé de louer un autre local commercial
à Cap Chat pour y installer son garage.
Il se retrouve donc avec un loyer à
payer, en plus de l'hypothèque qu'il
a à rembourser. Un conseil: dans
ce genre de situation, donnez à votre
notaire le mandat précis de vérifier
si l'usage que vous comptez faire du bâtiment
que vous achetez est autorisé. C'est
son domaine et de plus, votre notaire a
une assurance responsabilité qui
vous protège en cas d'erreur de sa
part.
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y a lieu, l'information complémentaire
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