Est-ce possible de perdre du poids avec
des traitements au laser dans les oreilles?
Au
retour des fêtes, c'est la grande
culpabilité. Les gymnases sont pleins
et tout le monde mange sa petite salade
le midi. On en rit. Mais pour certaines
personnes, la culpabilité, la santé
vacillante et le mal de vivre causés
par l'obésité sont permanents.
Bien des gens sont prêts à
tout pour s'en sortir. Serez-vous étonnés
d'apprendre que certains profitent de cette
situation? Pour une femme de Boisbriand,
perdre du poids faisait partie d'un grand
projet de vie.
Journaliste : Julie Miville-Dechêne
Réalisateur : Louis St-Pierre
Cette
femme de 28 ans souffre d'obésité : « On
vit dans une société où
la minceur est importante. Dans mon cas,
je commence à avoir des problèmes
de santé, je ne suis pas bien dans
ma peau. C'est pour ça que je veux
perdre du poids.[ ] J'ai tout le temps
eu un surplus de poids. Les dernières
années, plus que jamais. J'aimerais
fonder une famille. Avec ce poids, je ne
peux pas me permettre de tomber enceinte,
car il y a trop de risques pour moi et le
bébé. »
Le laser, une solution
miracle?
Le printemps dernier,
elle tombe sur une publicité des
Centres d'arrêt Stop-tabac. Ces centres
offrent maintenant des traitements de perte
de poids. Une petite phrase la séduit : « Le
patient n'est pas obligé de combiner
la diète recommandée aux 3
heures de laser doux ».
Le laser est apparu
comme la solution miracle : « Oui,
parce que j'ai beaucoup de misère
à me motiver, parce je vois ça
comme une énorme montagne, parce
que j'en ai beaucoup à perdre. Je
me suis dit que c'était peut-être
la solution, pour m'aider à commencer. »
Elle
choisit le programme personnalisé
à 914 $, qui comprend des produits
naturels, de l'aide pour changer ses mauvaises
habitudes alimentaires, et bien sûr,
trois heures de laser de faible puissance.
On stimule les terminaisons nerveuses, un
peu comme les aiguilles dans les traitements
d'acupuncture. On a dit à cette femme
que le traitement au laser agissait sur
le métabolisme, qu'il activait la
digestion, et qu'elle allait perdre du poids.
Stephen Wallack est
propriétaire de l'entreprise. Cet
expert en marketing est devenu naturothérapeute
il y a 3 ans. M. Wallack : « À
la base, ça fonctionne pour tout
le monde. C'est un ajustement biologique.
[ ] Le laser est à peu près
de la grosseur d'un crayon, placé
sur l'oreille, un peu à l'intérieur,
et sur tout le contour de l'oreille. [ ]
L'effet maximum est ressenti par les clients
dans une période de cinq à
neuf semaines. Ils se retrouvent un jour
devant un plat qu'ils mangeaient habituellement,
et rendus à la moitié, ils
n'ont plus faim. »
Stop-poids conseille
à la jeune femme de suivre un régime.
Une semaine plus tard, les résultats
semblent encourageants. La cliente : « J'avais
perdu 10 livres, je pesais 340 livres. J'étais
contente. Je ne suis pas sûre que
ce soit le laser qui ait fait la différence.
J'ai plutôt l'impression que j'ai
fait plus attention, j'ai évité
les aliments qui font engraisser. »
L'échec du
traitement : à qui la faute?
Mais
après ses trois traitements au laser,
elle a toujours aussi faim, elle fait des
accrocs à son régime, et tout
bascule. La jeune femme : « J'ai
perdu 14 livres, puis j'ai repris du poids,
et la dernière fois que je me suis
pesée chez mon médecin, j'étais
rendue à 367 livres. »
Elle pesait plus qu'avant les traitements.
Elle demande donc un remboursement à
la consultante en nutrition de Stop-poids.
Sans succès. M. Wallack : « Notre
traitement n'était pas un échec
pour cette cliente. En cours de route, elle
a cessé de faire des efforts, elle
s'est remise à consommer des boissons
gazeuses, à manger de la pizza, à
mal manger. »
La cliente reconnaît
qu'elle n'a pas suivi le régime à
la lettre, mais elle précise qu'au
départ, on lui avait dit que ce n'était
pas nécessaire.
Est-ce seulement
la faute de la jeune femme ou est-ce plutôt
le traitement au laser qui n'a pas donné
les résultats voulus? Lyne Mongeau
a étudié 200 produits amaigrissants
à l'Institut de santé publique
du Québec : « Aucune
étude scientifique ne démontre
que le laser est efficace pour la perte
de poids. [ ] Aucune documentation
ne vient appuyer ça! Ce sont de fausses
allégations, selon moi. »
En médecine
alternative, en auriculothérapie
plus précisément, on croit
que tous les organes du corps sont représentés
dans l'oreille, à la manière
d'un ftus inversé. Raymond
Bourret est président de l'Ordre
des acupuncteurs : « Nous
pouvons aller stimuler des régions
particulières, des organes, des fonctions,
traiter un genou ou un il, en agissant
sur l'oreille directement. »
Mais attention! dit Raymond Bourret,
l'acupuncture ne fera maigrir personne,
elle ne peut qu'aider quelqu'un dans sa
démarche : « C'est
de l'ordre du miracle. C'est complètement
irréaliste de penser que trois séances
d'une heure de n'importe quoi puissent amener
une personne obèse à perdre
ce poids. Les problèmes de poids
sont très complexes. »
M. Wallack maintient
que son entreprise a une recette qui fonctionne.
Il refuse cependant de fournir des preuves : « C'est
notre formule. Allez-vous demander à
un parfumeur de donner sa recette de parfum? »
Des promesses irréalistes
Sauf qu'on ne parle
pas de parfum ici, mais de santé.
Une équipe de La Facture,
avec une caméra cachée, est
allée à la clinique pour vérifier
quelles sont les promesses faites aux futurs
clients, s'ils suivent tout le programme
Stop-poids. À la clinique, on avance
que si le programme est bien suivi, les
chances de succès sont de 80 à
85 %.
Raymond
Bourret
Raymond Bourret,
de l'Ordre des acupuncteurs estime que c'est
irréaliste : « Cela
n'existe pas, je n'ai jamais vu ça,
peu importe les approches utilisées.
La seule chose qui permet d'avoir de tels
résultats, c'est l'opération
de l'estomac. On enlève les trois-quarts
de l'estomac, et la personne maigrit, parce
qu'elle n'est plus capable de manger. »
Lyne Mongeau, conseillère
scientifique de l'Institut national de santé
publique du Québec : « Quand
on a un problème de poids, on est
prêt à faire beaucoup de choses,
et il y a des gens qui profitent de ça.
On a besoin d'un contrôle de cette
industrie. On n'oblige pas ces gens à
démontrer l'efficacité de
leur stratégie avant de la mettre
en marché. »
Quant à M.
Wallack, il n'avait aucune étude
à montrer à La Facture,
prouvant l'efficacité de son traitement.
Stephen
Wallack
Le Collège
des médecins a déjà
averti deux fois Stephen Wallack que sa
publicité risquait d'enfreindre la
Loi médicale et le Code des professions,
car on mentionne « ajustement
glandulaire », une expression
qui serait réservée aux médecins.
M. Wallack : « Rien
ne m'a été démontré
de la part du Collège des médecins
sur l'ajustement glandulaire - un terme
que nous avons inventé chez nous
pour expliquer comment les choses se passaient
- qu'ils ont un droit de regard quelconque
sur ça. »
Lyne Mongeau : « Ça
ne donne rien de penser qu'on va trouver
un gadget, une poudre, un produit naturel,
un exerciseur ou une potion quelconque qui
va attaquer directement les surplus de graisse.
Ça ne se peut pas. » La
cliente : « Le
programme miraculeux n'existe pas. C'est
de l'exploitation dans le fond. Ils se servent
des gens vulnérables pour vendre
leur produit. »
En conclusion
La jeune femme
a finalement reçu le 11 décembre
un remboursement de 914 $. Selon l'Office
de la protection du consommateur, la clinique
de Stephen Wallack ne respecte pas la Loi
sur la protection du consommateur. Légalement,
cette clinique serait considérée
comme un studio de santé. Selon l'OPC,
M. Wallack devrait donc faire signer des
contrats à ses clients. Il doit aussi
déposer une caution à l'OPC.
Deux obligations qu'il ne remplit pas.
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