Location
d'autos à court terme : on
vous vend une assurance qui n'en est pas
une
Lorsqu'on
vous vend une assurance pour un véhicule,
que ce soit votre voiture ou une location,
vous avez l'esprit tranquille. Vous croyez
qu'en cas de malchance ou même de
négligence de votre part, l'assurance
paiera! C'est faux! Vous avez déjà
loué une voiture à court terme?
Écoutez bien l'histoire d'un résident
de la région de Portneuf. Il a découvert,
à ses dépens, que certaines
assurances vous font littéralement
perdre la vôtre!
Journaliste-réalisateur : Maxime
Poiré
Chaque année, des dizaines de milliers
de Québécois prennent la route
au volant d'une auto ou d'une camionnette
louée auprès d'une compagnie
de location à court terme. Tout le
monde part en se croyant protégé
contre les imprévus. Mais savez-vous
vraiment ce que le commis vous a vendu comme
protection?
Le
résident de la région de Portneuf
est un traiteur spécialisé
dans la préparation de méchouis.
Un incident survenu avec une camionnette
louée chez Budget le plonge aujourd'hui
dans une tourmente judiciaire. La compagnie
de location lui réclame environ 20 000 $,
plus les frais et les intérêts.
Il refuse de payer ce montant : « On
va se battre jusqu'à la dernière
minute. »
Le camion loué
prend feu
Son histoire débute
au mois d'août 2001. Avec une employée,
il se rend chez Location d'autos Budget
sur le boulevard Hamel à Québec.
Il a besoin d'une camionnette supplémentaire
pour faire un méchoui. Le traiteur : « On
me demande où je vais avec le camion,
qui va le conduire. On me donne les tarifs.
On m'offre une assurance. J'ai décidé
de prendre leur assurance, pour me protéger
parce qu'on ne peut pas conduire un camion
sans assurance. »
Le
lendemain, deux employées du traiteur
ramènent le matériel et la
camionnette quand tout à coup, le
poêle à méchoui qu'elles
croyaient avoir éteint la veille
se rallume en roulant. La boîte arrière
s'enflamme. Elles s'empressent alors d'appeler
les pompiers, puis leur patron. C'est une
perte totale. Le traiteur avise Budget : « Je
me sentais en confiance parce que j'avais
pris une assurance. Pendant trois ou quatre
jours, je n'ai entendu parler de rien. Puis
ils m'ont dit qu'on avait été
négligents. »
Grossière
négligence, c'est l'expression qu'utilise
la compagnie Budget dans la poursuite de
18 356 $ qu'elle intente contre
le traiteur, ses employées et son
assureur.
Mais pourquoi peut-on parler de négligence
et lui réclamer cette somme, s'il
a pris la peine d'assurer le véhicule
en signant le contrat de location?
La fameuse clause
d'exonération
Le traiteur a dit
oui à l'EDS, l'exonération-dommages-sinistres,
et non pas à une assurance en cas
de dommages, comme il le croit. D'ailleurs,
s'il avait retourné son contrat et
lu attentivement, tout juste après
l'article 4 B, alinéa 6, il aurait
pu voir que « l'EDS n'est pas
un contrat d'assurance mais simplement une
renonciation de la compagnie à vous
réclamer des dommages sous certaines
conditions spécifiques ».
Il aurait alors compris que sa protection
EDS est nulle, si le véhicule est
utilisé « d'une façon
imprudente, dangereuse, abusive ou anormale,
ou de toute façon susceptible de
lui occasionner des dommages ».
Le traiteur reconnaît
qu'il n'a pas lu le contrat au complet.
Il ajoute que Budget lui a seulement demandé
s'il prenait l'assurance, sans lui fournir
plus d'explications.
Budget
a refusé d'accorder une entrevue
à La Facture. Mais le Regroupement
de loueurs de véhicules du Québec,
qui représente les principales compagnies
de location, a donné des explications
sur ce type d'exonération omniprésente
dans l'industrie. Selon le RLVQ, la clause
d'exonération n'est pas une assurance,
mais un transfert de risques. Le regroupement
explique que moyennant une somme d'argent
du locataire, le loueur accepte de prendre
certains risques, mais pas tous les risques.
Le RLVQ reconnaît que ce concept n'est
pas bien compris des clients, que les gens
ont tendance à prendre cette clause
pour de l'assurance.
Une clause mal expliquée
aux clients
La Facture
a voulu vérifier comment les compagnies
de location présentent l'EDS ou son
équivalent à leurs clients.
L'équipe de La Facture, munie
d'une caméra cachée et accompagnée
du traiteur, a magasiné chez six
compagnies différentes de la région
de Québec. Dans la plupart des cas,
les loueurs de voitures ne donnent pas,
à prime abord, d'explications sur
l'exonération, et ne parlent que
d'assurance en général. La
Facture se rend aussi chez Hertz, qui
ne fait pas partie du Regroupement des loueurs
de véhicules. C'est l'endroit où
la confusion entre l'assurance et l'exonération
est la moins marquée. Mais encore
là, rien n'est fait pour expliquer
clairement qu'il ne s'agit pas d'une assurance.
Le traiteur : « Je
trouve que les commis en charge des locations
de voitures ne sont pas informés.
Ce sont eux qui ont besoin de formation. »
Dans tous les cas,
ce n'est qu'en insistant auprès des
commis que La Facture arrive à
obtenir plus d'explications. Voici ce que
dit un employé de Discount pour expliquer
un point du contrat précisant que
l'ECD n'est pas un contrat d'assurance : « On
n'est pas des courtiers d'assurance, on
est des locateurs d'autos. L'ECD, c'est
une protection. Exonération en cas
de dommages. Dans le langage commun, on
va dire que c'est de l'assurance. Ce n'est
pas de l'assurance, c'est une couverture.
C'est une protection que je vous vends. »
Un commis d'Avis donne l'explication suivante : « C'est
sûr qu'on est portés à
utiliser le terme assurance à chaque
fois, parce que tout le monde comprend.
Quand on parle des protections, les gens
ne comprennent pas. »
Robert Lalonde
Au Regroupement des
loueurs de véhicules, on est conscients
qu'il y a un problème. Robert Lalonde,
président du Regroupement : « Il
est tellement plus facile pour nos employés
d'utiliser un mot qui est compris de tout
le monde, que d'utiliser un terme que, souvent,
les gens ne comprennent pas. Le mot exonération
n'est pas un mot qui fait partie du langage
commun dans la location de véhicules.
Les gens sont souvent propriétaires
d'un véhicule et possèdent
une police d'assurance. Ils ont tendance
à interpréter notre exonération
comme étant une assurance, et malheureusement,
nos employés pour faciliter la tâche,
vont souvent utiliser le terme assurance. »
Au Bureau d'assurance
du Canada, on confirme que les contrats
de type EDS, en raison des clauses d'exclusion
qu'on y retrouve, n'offrent pas la même
couverture qu'une assurance régulière.
Andrée Cadieux, du BAC : « C'est
une protection inférieure à
la protection de la police des propriétairesd'automobiles
au Québec. »
Pour le Regroupement
des loueurs de véhicules, il ne faut
pas dramatiser la situation : « On
parle d'exceptions. C'est dans de très
rares cas que nos clients ne sont pas couverts,
et la politique de notre industrie c'est
qu'on donne toujours le bénéfice
du doute au client. »
Le traiteur de la
région de Portneuf n'a pas eu le
bénéfice du doute : « Aujourd'hui
si on m'avait dit que je n'étais
pas assuré, j'aurais pris une autre
assurance. »
En conclusion
Le traiteur a décidé
de régler hors cour avec Budget quand
il a calculé les énormes frais
d'avocats qu'impliquait un procès.
Attention donc à
ces clauses d'exonération! Vous n'êtes
pas couverts si, par exemple, on juge que
vous avez conduit de façon anormale
ou imprudente. Ça laisse beaucoup
de place à l'interprétation.
La façon
la plus sûre de vous protéger,
c'est de demander à votre compagnie
d'assurance auto d'inclure l'avenant 27
à votre contrat. Ça ne coûte
que quelques dollars et vous êtes
couverts à 100 % si vous louez
à court terme.
À partir de
cette semaine, vous trouverez, s'il
y a lieu, l'information complémentaire
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