En septembre
dernier, La Facture vous racontait l'histoire
de ce résident qui a écopé
d'une contravention pour avoir stationné
son véhicule à moins de cinq
mètres d'un passage pour piétons.
Ce reportage soulevait aussi toute la question
de la sécurité des piétons
au centre-ville. La Facture a du nouveau
sur le sujet.
Journaliste
: Pierre Craig
Réalisateur : André Gariépy
Le Code de la sécurité routière
interdit de stationner à moins de cinq
mètres des passages pour piétons.
La Facture a découvert que la
Ville de Montréal ne tient pas compte
de ce règlement.
À
Montréal, il y a cinq accidents par
jour impliquant des piétons. Impossible
de vous dire combien de ces accidents ont
lieu dans des passages pour piétons.
Mais une chose est certaine: le conducteur
d'un camion stationné à quelques
centimètres d'un passage pour piétons
ne verra ni un enfant ni une personne handicapée
en voiturette motorisée au moment
de quitter à reculons son stationnement.
Des passages pour
piétons dangereux
Un stationnement
collé à un passage pour piétons : un
cas exceptionnel, nous affirme la Ville
de Montréal? C'est loin d'être
sûr! La Facture a parcouru
les rues du centre-ville en compagnie d'Ottavio
Galella, un expert indépendant en
signalisation routière.
Ottavio Galella
L'équipe de
La Facture se rend d'abord à
l'intersection des rues Peel et Ste-Catherine,
au cur de Montréal. Voici ce
que remarque notre expert : « Ce
stationnement n'a pas de raison d'être
puisque des traverses piétonnes au
coin de Peel et Ste-Catherine sont fréquentées
par des milliers de piétons à
l'heure, tous les jours de la semaine. Et
les manuvres d'un véhicule
placé près de la traverse
piétonne à cet endroit, ça
peut créer des situations potentiellement
dangereuses. »
La Facture
en a fait l'expérience. Il faut redoubler
de prudence pour stationner dans ces espaces
collés aux passages pour piétons
ou en sortir. Le reportage vous présente
la scène suivante : une
camionnette qui franchit à reculons
deux passages pour piétons!
Mais il y a pire.
Plus à l'est,à l'angle de
St-Denis et St-Antoine, le stationnement
est carrément situé à
l'intérieur du passage pour piétons.
Ottavio Galella : « Malheureusement,
ce stationnement est vraiment de trop. La
manuvre de stationnement empiète
sur le passage pour piétons. »
L'équipe de
La Facture se dirige ensuite vers
le nord. Elle se rend sur le Plateau Mont-Royal,
devant la station de métro Mont-Royal.
Les stationnements débordent au-delà
des lignes d'arrêt obligatoire. Encore
une fois, la Ville ignore le Code de la
sécurité routière qui
interdit de stationner à moins de
cinq mètres d'une ligne d'arrêt!
Dans ce cas-ci, on est en flagrante violation
du règlement. Alors, il faut soit
modifier le Code de la sécurité
routière, soit éliminer les
stationnements illégaux!
Quelques
rues plus loin, l'équipe de La
Facture découvre un passage pour
piétons qui ressemble plutôt
à un piège! Notre expert : « Celui-ci
est l'un des plus problématiques
que j'ai remarqué. Advenant que ce
véhicule ait à reculer pour
quitter son stationnement et que le feu
soit vert pour les piétons alors
il y a un problème très sérieux.
Les piétons seraient coincés
entre deux automobiles. »
Comment la ville
fait-elle pour coller un stationnement si
près d'un passage pour piétons
? Ottavio Galella : « Encore
une fois, c'est le désespoir pour
créer le plus de stationnements possible. »
Les parcomètres,
ça rapporte!
À Montréal,
les parcomètres génèrent
des revenus de 22 millions de dollars par
année. Un parcomètre situé
au centre-ville peut rapporter à
lui seul plus de 2500 $ par année.
Ottavio Galella : « Un
seul stationnement pourrait générer
autant de revenus qu'un petit condominium
pour une municipalité. Donc, ça
peut être très important. »
La sécurité
a un prix! Pour rendre l'une de ces intersections
conforme aux normes du Code de la sécurité
routière, il faudrait retirer sept
stationnements et bien sûr leurs parcomètres.
Notre expert : « Donc,
moins de revenus pour la Ville et moins
de services pour les usagers, sauf que les
piétons s'y sentiraient davantage
rassurés. »
Des mastodontes au
centre-ville
Ceux qui aménagent
ces stationnements dans nos rues n'ont pas
pensé aux autobus ou encore aux poids
lourds, qui, croyez-le ou non, font des
livraisons au centre-ville. Pierre MacKay
conduit des camions depuis 30 ans. Il manuvre
dans les rues encombrées de la ville : « Regardez,
ça n'a pas de bon sens du tout, vraiment
pas. C'est impensable. On ne pourra pas
se rendre chez le client comme ça.
Ce n'est pas évident. Je ne suis
pas capable de tourner. »
Les
voitures stationnées trop près
des carrefours transforment les camions
en dangers publics pour piétons.
Le camionneur est maintenant à l'est
du centre-ville, au coin des rues Amherst
et Ste-Catherine. Une voiture est stationnée
tout près du passage pour piétons.
Elle gêne. Ce véhicule devrait
être à cinq mètres du
passage pour piétons. Pierre MacKay : « On
serait déjà passés!
Même les piétons de mon côté
attendent, ils ne savent plus ou aller.
C'est un endroit dangereux très dangereux.
Je ne peux pas me permettre de reculer non
plus c'est trop dangereux. Il pourrait y
avoir des piétons en arrière
de mon camion. »
C'est la même
chose à Québec
À Québec
aussi, on déroge aux normes du Code
de la sécurité routière.
Le Code interdit tout stationnement à
moins de cinq mètres d'une borne-fontaine.
L'équipe de La Facture a trouvé
un parcomètre qui se trouve à
moins de 1,6 mètre d'une borne-fontaine!
À cet endroit, les pauvres automobilistes
doivent choisir entre deux infractions!
Marc Desrivières
est Directeur du transport à la Ville
de Québec : « Dans
un monde idéal, ce stationnement
ne devrait pas être là! »
La Ville va-t-elle l'enlever? M.
Desrivières : « Nous
allons formuler cette recommandation au
conseil d'arrondissement, et ce seront les
élus de l'arrondissement qui prendront
la décision. »
Deux poids, deux mesures
Pierre Perron est
Directeur de la sécurité des
transports au ministère des Transports
du Québec. À deux pas de son
bureau, l'équipe de La Facture
lui a montré un stationnement
qui, encore une fois, menace la sécurité
des gens qui empruntent ce passage piétonnier.
Les municipalités doivent-elles respecter
ce règlement du Code de sécurité
routière, qui interdit les stationnements
à moins de cinq mètres des
traverses pour piétons? Pierre Perron
répond que oui.
Mais
pour le Code de la sécurité
routière, il y a deux poids, deux
mesures. La police force les citoyens ordinaires
à respecter cette loi provinciale.
Par contre, Québec est impuissant
à obliger les municipalités
à le faire. Pierre Perron : « Le
gouvernement fait confiance aux municipalités,
on est dans le cadre d'une décentralisation,
il faut responsabiliser les autres paliers
de gouvernement. »
Puisque le ministère
des Transports ne peut pas forcer les villes
à respecter la loi, il ne lui reste
qu'une solution: adapter la loi aux désirs
des villes et revoir à la baisse
ses normes de sécurité!
Sous peu, les véhicules
pourront donc en toute légalité
stationner à moins de cinq mètres
des passages pour piétons! Pierre
Perron : « Il
faut s'asseoir avec les municipalités,
il faut s'entendre sur une harmonisation,
parce qu'on ne peut pas laisser une norme
s'en aller de tous les sens. »
En conclusion
Aucun élu
de Montréal n'a accepté de
nous accorder une entrevue à la caméra.
Mais les autorités de la Ville de
Montréal nous ont affirmé
que si on applique la loi en interdisant
le stationnement à moins de cinq
mètres des passages pour piétons,
les automobilistes ne respecteront pas ce
règlement! En terminant, La Facture
vous lance un défi :t rouvez- une
seule intersection du centre-ville de Montréal
qui respecte la loi!