Un
entrepreneur abandonne le chantier d'une
maison
Lorsqu'on
entreprend des travaux de rénovation
dans une maison, il y a pire que les imprévus.
Il y a les malentendus. C'est ce qui est
arrivé à cette famille montréalaise,lorsqu'à
la suite de malentendus, l'entrepreneur
a laissé le chantier.
Journaliste
: François Dallaire
Réalisateur : Luc Charbonneau
De
la moisissure partout
Un
couple croyait avoir fait un bon achat en
payant 210 000 $ pour un triplex
dans le quartier Villeray de Montréal.
Dès les premiers mois, ils ont aménagé
le sous-sol. Au printemps 2002, ils ont
fait une salle de bain, deux bureaux et
une salle de jeux.
Une fois les travaux
terminés, mystérieusement,
tous les membres de la famille éprouvent
différents malaises - des étourdissements,
de violents maux de têtes, des problèmes
respiratoires. Une tache de moisissure au
sous-sol attire leur attention. La propriétaire :
« On a d'abord ouvert
là où il y avait une tache,
on a fait faire un test, et par la suite,
on a fait d'autres ouvertures dans le sous-sol
pour voir si c'était répandu
et de quelle façon. Il y en avait
partout, c'était à un niveau
très élevé. Quand ils
ont eu l'ensemble des tests et qu'ils se
sont rendus compte de l'étendue des
moisissures, ils nous ont demandé
d'évacuer immédiatement. Je
pense que j'ai eu les résultats le
12 décembre et on est sortis d'ici
le 15. »
Toute la famille
déménage à Saint-Jean-sur-Richelieu,
chez les parents de la propriétaire.
Durant les mois suivants, ils ouvrent les
murs du sous-sol et découvrent que
la présence de moisissures pourrait
être reliée à l'absence
de drain français.
De
mauvaise surprise en mauvaise surprise
Tout
en poursuivant les anciens propriétaires,
ils confient les travaux à une jeune
entreprise spécialisée, entre
autres, dans l'imperméabilisation
des murs. L'entrepreneur s'aperçoit
alors que les fondations doivent être
refaites au complet. Montant de la facture
: 95 000 $. La propriétaire
: « C'étaient deux
vices cachés et en cours de travaux,
un troisième s'est ajouté.
Ils ont commencé l'excavation, ils
nous ont appelés pour nous annoncer
qu'il semblait y avoir des hydrocarbures
dans le sol. »
Aux travaux de réfection des fondations,
s'ajoutent maintenant des travaux de décontamination
de la terre imbibée de mazout. Une
firme spécialisée est engagée
comme sous-traitant par l'entrepreneur pour
procéder au transport et à
la décontamination de la terre. Mais
c'est l'entrepreneur qui sera chargé
de l'excavation.
Une
facture trois fois plus élevée
que prévu
Lors d'une conversation
avec le sous-traitant, la propriétaire
apprend avec soulagement que le coût
de tous ces travaux se limitera à
15 000 $. La propriétaire
parle alors avec l'ingénieure du
sous-traitant en charge des travaux et le
maître de chantier de l'entrepreneur.
La propriétaire : « Je
leur ai dit : "Si jamais vous
voyez que ça augmente, avisez-moi
parce que j'arrêterai les travaux
à ce moment-là. Je n'ai pas
plus d'argent que ça, je ne pourrai
pas vous payer plus que ça." »
Mais surprise! à
la fin des travaux de décontamination,
l'entrepreneur demande trois fois plus d'argent
que prévu, soit 46 432 $.
En fait, c'est 15 000 $ pour le
seul travail de décontamination effectué
par le sous-traitant, le reste pour divers
travaux reliés à l'excavation.
Jusqu'à
maintenant, la propriétaire a toujours
respecté les échéances
des paiements. Mais cette fois, elle conteste
cette facture. L'entrepreneur menace d'abandonner
le chantier. Puis, un matin, il met sa menace
à exécution. La propriétaire :
« Ils ont ramassé
tout ce qui leur appartenait - qui n'était
pas installé - et ils sont partis.
De nous mettre dans une situation si difficile,
ça ne se fait pas. Puis il va falloir
qu'on termine, parce qu'il faut protéger
les fondations des voisins aussi. »
La Facture
se rend devant les bureaux de l'entrepreneur
à Montréal et joint le président
de l'entreprise. Ce dernier refuse de nous
accorder une entrevue mais au téléphone,
il soutient qu'il y avait une entente verbale
pour 40 000 $. D'ailleurs, il
a fourni une série de factures justifiant
ses travaux, mais ces factures n'ont pas
été soumises à la propriétaire
pendant les travaux, mais après ceux-ci.
La propriétaire
: « Je ne comprends pas
pourquoi il ne m'a pas avisée avant
d'aller plus loin parce que c'était
très clair que je n'avais que 15 000 $. »
L'entrepreneur
a- t-il le droit de délaisser un
chantier ? Oui, si le client ne remplit
pas ses obligations comme, par exemple,
payer ses dettes. Mais attention! dit cette
avocate. Ce droit n'est pas absolu. Pour
l'exercer, l'entrepreneur doit justifier
ses dépenses au moment où
elles se produisent. Me Pauline Roy :
« À mon avis,
il n'aurait pas dû quitter le chantier.
Il y a un problème de preuves. S'il
voulait démontrer que cet argent
lui était dû, il aurait dû
rendre compte de tous les travaux qui avaient
été faits. Or, elle avait
demandé qu'il rende compte de ses
travaux et il ne l'a pas fait. C'est comme
si, non seulement elle a signé un
chèque en blanc, mais je pense qu'elle
a ouvert son compte de banque. »
La Facture
consulte l'ex-directeur du Département
de génie civil de l'École
polytechnique de Montréal. L'ingénieur
Jules Houde estime que 15 000 $,
« c'est déjà
un prix généreux , même
assez élevé et que 47 000 $,
ça n'a pas de bon sens ».
Des
travaux mal faits
Entre-temps,
la propriétaire fait analyser la
qualité des travaux effectués
à ce jour par l'entrepreneur et découvre
plusieurs malfaçons. L'entrepreneur
prétend que seuls des travaux mineurs
ont été mal faits. Pour en
avoir le cur net, La Facture
a fait inspecter les lieux par son expert.
L'ingénieur décèle
de nombreuses erreurs. Jules Houde :
« Ils n'ont pas employé
la bonne technique pour les coffrages.[ ]
L'empattement, ça démontre
que la personne qui a fait ça ne
connaît pas son métier. [ ]
Il y a des erreurs importantes, majeures. »
À son avis, il faudra reprendre certains
travaux.
L'hiver approche,
cela fera bientôt un an que la famille
réside de façon temporaire
à Saint-Jean-sur-Richelieu. Trois
fois par semaine, la propriétaire
accompagne ses enfants dans le quartier
Villeray de Montréal, afin de conserver
ses places en garderie. Au besoin, elle
va chercher ses affaires dans un entrepôt.
Ce n'est pas la vie qu'elle a imaginée
en portant son choix sur ce triplex et cet
entrepreneur. La propriétaire :
« L'entrepreneur aurait
dû normalement terminer ses travaux,
et s'il avait des réclamations à
nous faire, les faire devant les tribunaux,
pas partir du chantier, nous laisser sans
aucun recours et avec un paquet de problèmes ».
En
conclusion
Pour éviter
tous ces problèmes, les deux parties
- les propriétaires et l'entrepreneur
- auraient dû signer un deuxième
contrat et s'entendre sur un prix portant
uniquement sur la décontamination.
Mais, comme dans ce cas c'est la parole
de l'un contre celle de l'autre, un juge
aura à trancher.