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Mardi 25 novembre 2003  

          REPORTAGE

Une maison est vendue à l'insu des propriétaires

Un couple de Montréal s'est fait voler… sa maison! Des fraudeurs ont vendu la maison sans que les propriétaires s'en rendent compte. Un tour de passe-passe que ce couple n'est pas près d'oublier.

Journaliste : Yvan Lamontagne
Réalisateur : Louis Faure


Une parfaite escroquerie

Ces résidents s'en souviendront longtemps. Leur maison a été vendue à leur insu. Le propriétaire a d'abord cru qu'on lui jouait un tour. Mais il était loin de rigoler lorsqu'il a trouvé dans sa boîte aux lettres un acte notarié confirmant la vente de sa maison : « Ça, ce n'est pas la signature de ma femme, et ça, ce n'est pas ma signature. En janvier dernier, des gens se sont présentés chez un notaire de la Rive-Sud. Ils ont pris mon identité, celle de ma femme et celle d'un professeur de l'Université de Montréal. »

L'usurpation d'identité est parfaite : un faux acheteur, de connivence avec un faux vendeur. Le propriétaire : « La personne qui jouait mon rôle s'est présentée chez le notaire avec un collier cervical et des béquilles. C'était le jour de la signature des actes. Quand on lui a demandé des pièces d'identité, la personne a dit :  "Je sors de l'hôpital, j'ai eu un accident, tout est à l'hôpital, je vous envoie ça demain." Mais le lendemain, il n'y a pas eu de pièces d'identité. »

La transaction se fait malgré tout. La maison est vendue entre les fraudeurs. Ce type de vol est relativement nouveau pour les enquêteurs aux crimes économiques de la Sûreté du Québec. L'agent Michel Forget : « Quelqu'un navigue en haut de ça et place les joueurs aux bons endroits. On voit la structure se développer quasiment comme une pièce de théâtre. »

Cette pièce de théâtre se joue au bureau d'un notaire à Saint-Lambert. Le propriétaire de la maison : « Ce qui est surtout grave, c'est le fait qu'on ait signé cet acte sans mes pièces d'identité ni celles de ma femme. » Le notaire David Dolan comprend mal que son collègue ait pu se faire prendre dans une transaction de ce genre. Il rappelle que les notaires ont l'obligation, en vertu de la loi, de vérifier l'identité des gens.

Le notaire en question refuse d'accorder une entrevue à La Facture. Le syndic de la Chambre des notaires prévoit prendre des mesures disciplinaires contre lui. Le notaire David Dolan : « Il (le notaire) va avoir de beaux problèmes parce qu'il devra prouver qu'il a vérifié l'identité des parties, comme il devait le faire, et qu'il a conservé la preuve de vérification, tel que l'exige le règlement sur la tenue de dossiers. »

La maison aurait pu se vendre plus de 400 000 $, selon le propriétaire. Les fraudeurs l'ont vendue 300 000 $, et il y a eu une hypothèque de 243 000 $, signée avec la CIBC. Les fraudeurs empochent donc l'hypothèque.

CIBC : la grande perdante dans cette affaire

Mais la banque aurait-elle pu prévenir une fraude du genre? À l'Ordre des évaluateurs agréés du Québec, on pense que oui. Et plusieurs banques seraient de moins en moins exigeantes lorsqu'il s'agit d'accorder un prêt. Céline Viau, secrétaire générale de l'Ordre, explique que certaines banques, pour réaliser au plus vite la transaction, ne font pas une évaluation rigoureuse. Par exemple, des banques se contentent d'une évaluation faite à la va-vite qui consiste à passer devant la propriété en voiture pour vérifier si la maison existe. Me David Dolan : « Si les institutions financières avaient l'obligation de faire faire une évaluation et d'aller à l'intérieur de la maison, il n'y aurait certainement pas eu de fraude dans ce cas-ci. On aurait tout de suite découvert le pot aux roses. »

La CIBC refuse également d'accorder une entrevue à La Facture. La banque a simplement fait savoir à La Facture, par écrit, qu'elle avait agi avec toute l'éthique et la rigueur appropriées dans ce dossier.

Les policiers ont arrêté jusqu'ici quatre personnes. D'autres fraudes semblables ont été commises. Selon l'agent Forget, on compte 14 transactions dans le Grand Montréal, d'une valeur totale de 2,6 millions de dollars. Dans trois cas, la transaction s'est faite à l'insu des propriétaires. Sept institutions financières sont touchées par les arnaques, et plusieurs notaires ont donné leur aval aux transactions.

Tout savoir sur votre propriété

Le couple présenté dans ce reportage se demande encore aujourd'hui comment les fraudeurs ont fait. La propriétaire : « Ça me renverse que des gens aient pu faire tout ça sous notre nez, à notre barbe. » Quant à son conjoint, il se demande bien où les fraudeurs ont pris l'information.

Et bien! ce n'est pas si compliqué. N'importe qui peut obtenir toute l'information sur votre propriété, rien qu'avec l'adresse. D'abord, il faut trouver le numéro de lot sur le site Internet de la Ville de Montréal. Ce numéro est essentiel pour fouiller dans les banques de données du Bureau de la publicité des droits. Le journaliste de La Facture a retrouvé dans Internet les renseignements sur la vente (frauduleuse) de la maison du couple : le prix, la date et le numéro de l'acte. Une fraude qui apparaît ici dans un registre officiel, comme un document légal.

Les fraudeurs cherchent surtout des maisons libres de toute hypothèque, comme celle du couple de Montréal. Il est ainsi plus facile pour eux d'emprunter. Avec le numéro de cadastre ou de lot, n'importe qui peut savoir si une maison est payée ou non. C'est du domaine public.

Grâce à ces informations publiques, les fraudeurs ont pu obtenir non seulement les titres de propriété, mais également le contrat de mariage du couple. Tout ce qu'il faut pour faire bonne impression chez le notaire. Le sergent Michel Forget : « Ce propriétaire n'aurait pas pu faire plus pour se prémunir contre une telle fraude. Ces habiles fraudeurs ont pris sa maison et l'ont hypothéquée à son insu. »

Récupérer les titres

Toutes les parties en cause admettent depuis le début que le couple est bel et bien victime de fraude. Mais après plus de huit mois, les titres de propriété frauduleux ne sont toujours pas radiés. Le propriétaire : « Comment se fait-il qu'il n'y ait pas un président de la CIBC qui dise : "Eh! Eh! Il faut arrêter ça là! Il faut lui redonner sa maison." Pourquoi ne font-ils pas ça? Je ne le sais pas. »

David Dolan

Le notaire David Dolan se fait rassurant : « C'est un cas d'exception, mais il n'a pas perdu sa maison. Il va ravoir ses titres; le plus vite possible, on le lui souhaite. »

Mais les propriétaires dorment mal. Ils sont stressés parce qu'ils ne savent pas quand ça va se terminer. La dame : « Quand on est à la retraite, on a d'autres projets que de se faire du mauvais sang pour des choses comme ça, dont on n'est pas responsables et dont personne ne peut se protéger. »

En conclusion

Enfin, ça bouge dans le dossier du couple! Un juge de la Cour supérieure a déclaré nul l'acte de vente passé devant le notaire de Saint-Lambert. Il a ordonné la radiation des inscriptions d'hypothèque et de vente de la maison au Bureau de la publicité des droits. De leur côté, les propriétaires poursuivent la banque et le notaire devant la Cour des petites créances pour défrayer leurs frais judiciaires et obtenir un dédommagement minimal.


Hyperliens

Vos papiers SVP
Des renseignements sur l'obligation d'identification officielle lors de transactions ou autres.
Site de la Chambre des notaires du Québec

L'acte d'évaluation d'un bien immobilier
L'Ordre explique quelles sont les normes suivies lors de l'évaluation de biens immobiliers.
Ordre des évaluateurs agréés du Québec

Registre foncier du Québec
Un registre public, où on retrouve une grande partie des transactions immobilières réalisées en territoire québécois. Les citoyens peuvent y avoir accès et retracer, entre autres, l’historique des transactions faites sur un lot depuis sa création

Registre des droits personnels et réels mobiliers
Le registre RDPRM, qui a vu le jour en 1994, contient des informations, entre autres, sur les régimes matrimoniaux, l'hypothèque sur un véhicule et les contrats de location sur une maison mobile.


Vous pouvez revoir l'émission Place publique en compagnie de l'animatrice Madeleine Roy et du journaliste Yvan Lamontagne.