Un prêtre
fraudeur leurre un immigrant français
qui, au début de cette histoire,
arrivait tout juste à Montréal.
Le prêtre lui donne de faux reçus
de charité. Le ministère du
Revenu a fini par découvrir le pot
aux roses.
Journaliste : François Dallaire
Réalisateur : Luc Charbonneau
Pourquoi
se méfier d'un prêtre?
Ce prêtre, à la fois catholique
et fraudeur, est dans la mire du ministère
du Revenu. Un cuisinier d'origine française
a fait la connaissance de ce prêtre
peu de temps après son arrivée
au Canada. En fait, le curé lui loue
un appartement. Tous les documents - le
bail et les chèques - sont faits
au nom du prêtre et de son église,
la « divine providence house »
Dans
le cadre de cette entente, l'abbé
confie l'entretien de son triplex à
son nouveau locataire. En échange
de ses services, le prêtre lui remet
un reçu pour don de charité.
Le cuisinier : « Il
me disait que je n'aurais pas de salaire
mais que je pourrais récupérer
un peu d'argent des impôts. Quand
il nous a apporté les papiers la
première fois, c'était dans
une enveloppe de la maison de la divine
providence. Il y avait des petites photos
de la Sainte Vierge, des souhaits de bonne
année, des " que Dieu vous protège
" et voilà. C'étaient
les reçus pour les impôts. »
Mais selon la loi, on ne peut pas obtenir
un reçu pour fin d'impôts pour
des services rendus. On peut obtenir de
tels reçus uniquement pour des dons.
Le cuisinier affirme qu'il n'en savait rien : « Je
venais d'arriver au Québec. Non seulement
je ne le savais pas; mais je ne m'en suis
jamais douté. De manière générale,
je suis quelqu'un d'assez croyant et j'ai
cru l'homme de foi. Pourquoi irais-je me
méfier d'un prêtre? »
De
1997 à 2000, le cuisinier joint à
sa déclaration de revenus les reçus
que lui remet l'abbé. Les montants
sont très élevés. Le
cuisinier avoue que l'arrangement lui convenait : « Je
me disais : ça rembourse disons le
1000 $ pour ramoner la cheminée,
l'argent que je mettais dans le décapage,
les peintures, l'entretien de la cour extérieure,
les factures d'eau. »
Les réclamations
du ministère du Revenu du Québec
Mais en 2001, à la suite d'une vérification
de Revenu Québec, le ciel s'assombrit.
Manon Tremblay, du ministère du Revenu
du Québec : « La
déclaration de revenus de ce contribuable
a attiré notre attention à
cause du montant élevé qui
était demandé en crédits
d'impôt pour dons de charité.
Donc, nous nous sommes intéressés
de près aux reçus en question
et on a d'abord constaté qu'ils étaient
faux. »
Revenu Québec réclame alors
au contribuable l'argent perçu en
trop, les intérêts et la somme
de 5000 $ à titre punitif. Total
des réclamations : 18 512 $.
Les
reçus en question ne venaient pas
de la « divine providence house »
mais plutôt de la paroisse Notre-Dame-du-Mont-Carmel,
rue Valdombre à Montréal.
Le cuisinier affirme qu'il a posé
une question à ce sujet au prêtre : « Il
me disait que c'était une sorte d'association
avec la divine providence. »
À l'adresse indiquée sur les
reçus, on retrouve un duplex qui
servait autrefois de lieu de culte. L'église
Notre-Dame-du-Mont-Carmel existe; mais elle
est située deux rues plus loin. C'est
à l'église que l'équipe
de La Facture rencontre le curé
de la paroisse, Pierangelo Paternieri. Le
curé a entendu parler de son confrère
fraudeur, lorsqu'il a reçu, l'hiver
dernier, la visite de deux personnes du
ministère du Revenu.
L'itinéraire
sacerdotal d'un drôle de prêtre
Mais que fait le prêtre fraudeur
avec des reçus de cette paroisse?
En fait, qui est-il? Cet homme, d'origine
croate, est ordonné prêtre
en 1976 et il part exercer son ministère
en Zambie. Affaibli par le paludisme, il
émigre quelques années plus
tard au Canada et offre ses services à
l'archevêché de Montréal.
Monseigneur André Rivest, directeur
du clergé à l'archidiocèse
de Montréal : « On
parle des années 86, 87 et 88. Il
n'a pas eu de mandat sauf qu'à titre
personnel et de façon temporaire,
on lui a demandé de soutenir les
efforts dans une paroisse italienne de Montréal
puisqu'il parle très bien l'italien. »
À l'église Notre-Dame-du-Mont-Carmel,
il occupe diverses fonctions reliées
à la prêtrise. Mais à
cause de son mauvais caractère, son
droit de pratique lui est retiré
dans tout le diocèse de Montréal.
Monseigneur Rivest : « Cet
abbé avait un tempérament
assez vif. Il pouvait avoir une relation
agressive parfois avec des paroissiens et
aussi des confrères prêtres. »
Mais
avant d'être relevé de ses
fonctions, il s'empare d'une pile de vieux
reçus de la paroisse. Père
Paternieri : « C'est
choquant parce que je ne sais pas où
il habite, où il est. Sinon je l'aurais
appelé pour lui demander ce qu'il
était en train de faire; surtout
au nom de la paroisse, qui n'est pour rien
là-dedans. »
Le prêtre fraudeur a vendu récemment
son triplex où habitait le cuisinier.
C'est chez la nouvelle propriétaire
que La Facture l'a retracé.
Cependant, la propriétaire n'a pas
hésité à mentir pour
protéger son ami, le curé.
Elle a dit qu'il n'était pas là,
que ce n'était pas lui. Information
démentie par le cuisinier qui confirme
que l'homme dans le triplex, c'était
bel et bien le curé.
Le cas du cuisinier n'est pas unique. Il
y aurait une dizaine de cas. Le prêtre
fraudeur a aussi émis des reçus
au nom d'autres personnes, dont un contribuable
qui habite sur la rue Jeanne-Mance. La
Facture a rencontré sans caméra
ce résident. L'homme explique que
le curé faisait son rapport d'impôt.
Dans la déclaration, le prêtre
ajoutait un reçu pour don de charité.
Le contribuable affirme qu'il n'a jamais
vu les montants réclamés.
Il ajoute qu'il ne faisait que signer la
déclaration. Lorsque le chèque
du gouvernement arrivait, il le déposait
dans son compte et donnait la moitié
du montant au curé pour « ses
bonnes uvres ».
Tous ces cas feront l'objet d'une nouvelle
cotisation. Mais selon le cuisinier, la
réclamation du ministère est
contestable, du moins en partie : « Je
ne veux pas d'ambiguïté du tout.
Je veux payer ce que j'ai trop perçu.
Je veux dire que ces 9000 $, je veux
les rembourser. Peu importe le temps que
ça va prendre, peu importe les moyens,
je vais rembourser cette somme-là.
Ce que je ne comprends pas, ce sont les
pénalités. Je ne reconnais
pas les pénalités infligées
ainsi que les intérêts. »
Selon
Manon Tremblay, le ministère du Revenu
a dû choisir entre deux options dans
ce cas-ci : la négligence ou la fraude.
Manon Tremblay : « Le
ministère comprend que ce monsieur
était de bonne foi, qu'il a été
victime d'une autre personne. Donc, on lui
impose une pénalité pour négligence
parce qu'on considère qu'il aurait
dû prendre certaines précautions,
ce qu'il n'a pas fait. »
Le contribuable affirme qu'il n'a jamais
été inquiété
pendant ces quatre années et qu'il
croyait que ce qu'il faisait était
parfaitement légal : « Je
n'ai jamais eu l'ombre d'un doute que cette
chose-là pouvait être illégale.
Pour moi, c'était un prêtre
et ce que représente l'idée
d'un prêtre. »
En conclusion
À ce jour, aucune accusation n'a
été portée contre l'abbé.
Dans une autre affaire, par contre, il est
poursuivi par le ministère de la
Solidarité sociale, à qui
il doit plus de 18 000 $ pour
des prestations reçues alors qu'il
n'y avait pas droit. Quant au cuisinier,
il a demandé au ministère
du Revenu d'annuler les pénalités
qu'on exige de lui. Il attend toujours une
décision.
Hyperliens
Charité
bien ordonnée IInformations
sur les dons de charité
Ministère du Revenu du Québec