Le
propriétaire encaisse son dépôt
même si aucun bail n'est signé
Une résidente
de Montréal a donné un dépôt
de 925 $ pour un appartement. Elle
croyait qu'elle réservait ainsi le
logement pour cinq jours, le temps de voir
si elle le prenait. Elle a finalement perdu
le dépôt et l'appartement.
La
résidente montréalaise convoitait
depuis longtemps un appartement pour son
fils dans l'immeuble juste en face de chez-elle.
Un logement de trois pièces est finalement
annoncé en septembre. Elle demande
à la surintendante de le réserver
pour le faire visiter à son fils.
La surintendante de la tour d'habitation
Le Ramezay avise la résidente que
pour réserver l'appartement, il faut
d'abord vérifier sa solvabilité.
L'aspirante locataire remplit donc un formulaire
de demande de renseignements personnels
- qui n'est pas un bail . La surintendante
lui demande alors un dépôt
de 925 $. La consommatrice comprend
que le chèque serait encaissé
seulement en novembre, moment prévu
pour l'occupation éventuelle du logement.
Cette toute petite
clause dans le formulaire
La consommatrice remet donc un chèque
de 925 $ à la surintendante.
Contrairement à ce qu'elle croyait,
le chèque est encaissé dès
le lendemain et non en novembre. L'aspirante
locataire : « Je
lui ai demandé comment se fait-il
que le chèque soit déjà
encaissé? Elle me répond que
c'est comme ça, "on vous a dit
qu'on allait l'encaisser tout de suite".
Je lui ai dit que jamais elle ne m'avait
parlé de ça! Elle répond
que oui, que le chèque devait être
encaissé tout de suite et que je
n'aurais pas à payer le loyer du
mois de novembre. »
La consommatrice reconnaît qu'elle
a eu l'imprudence de laisser la surintendante
remplir le chèque. Cette dernière
a donc daté le chèque du jour
même. Pourtant, selon l'aspirante
locataire, la surintendante a assuré
que le chèque allait être encaissé
en novembre.
En
signant ce formulaire, la résidente
croit que l'administration du Ramezay lui
réservera l'appartement convoité,
le temps que son fils aille le visiter.
Elle croyait que ce formulaire ne l'engageait
à rien. Et c'est là qu'elle
fait erreur. Ce formulaire comporte une
petite clause, lourde de conséquences,
qu'elle n'a pas lue. Il est écrit,
en caractères minuscules, que le
locataire s'engage à signer un bail,
dans les cinq jours, sur approbation de
sa solvabilité. Et on ajoute que
si le locataire est accepté et que
c'est lui que se désiste, le dépôt
ne lui est pas remboursé.
Elle perd son dépôt
de 925 $
L'aspirante locataire explique que la surintendante
de l'immeuble a refusé de lui rendre
son chèque : « Elle
m'a dit que j'étais solvable et que
comme je n'avais pas signé le bail,
elle n'allait pas me rendre le chèque. »
Dans le formulaire, le propriétaire
se donne cinq jours pour accepter ou refuser
un locataire. La consommatrice croyait pouvoir
bénéficier de ce même
délai de cinq jours, n'étant
plus certaine de vouloir louer l'appartement
pour son fils. Elle affirme qu'on ne lui
a jamais expliqué que si elle refusait
de signer le bail, elle perdait son dépôt.
L'avocate
Carmen Palardy constate qu'en vertu du formulaire,
l'aspirante locataire n'a pas le choix de
signer un bail. Cette clause n'avantage
donc que le propriétaire. Me Palardy : « Ce
que ça dit, c'est que le locataire
s'engage à signer un bail dans les
cinq jours. Pendant ces cinq jours, il ne
peut pas retirer son offre.[ ] La plupart
des gens ne savent pas qu'ils s'engagent
à signer un bail en signant ce document.
Souvent, on leur dit de remplir le formulaire
parce qu'on a besoin de renseignements personnels
pour vérifier si on va vous louer
l'appartement ou pas. »
Outre le délai de cinq jours, le
dépôt de 925 $ pose un
problème. En caméra cachée,
l'équipe de La Facture a vérifié
s'il est pratique courante au Ramezay d'exiger
le paiement du premier mois de loyer avant
même qu'un bail ne soit signé.
Lorsque nous demandons à la surintendante
pourquoi il faut donner un chèque
avant même d'avoir signé un
bail, cette dernière avoue qu'elle
ne le sait pas et que ça a toujours
fonctionné comme ça. Devant
nos questions pressantes, elle explique
ce à quoi on s'engage en signant
le formulaire. L'aspirante locataire soutient
qu'elle n'a pas eu droit à cette
mise en garde. Expliquée ou non,
cette pratique est illégale au Québec.
Selon Me Palardy, si le bail n'est pas signé,
le locataire ne devrait jamais avoir à
verser de l'argent à un propriétaire : « C'est
totalement abusif, c'est de l'enrichissement
injustifié. »
Même son de cloche à la Corporation
des propriétaires immobiliers du
Québec. Michel Riverin : « C'est
ce qu'on appelle un guet-apens ou un contrat
unilatéral. C'est abusif. Nous ne
cautionnons pas cette clause. »
Des pratiques illégales
L'entreprise Cromwell Management est propriétaire
du Ramezay. L'équipe de La Facture
a tenté d'obtenir des explications
par téléphone quant à
leurs pratiques. À deux reprises,
on lui a raccroché au nez. L'équipe
de La Facture s'est alors rendue
au bureau de la compagnie, où elle
n'était pas du tout la bienvenue.
On lui a carrément fermé la
porte au nez. L'équipe de La Facture
n'est pas la seule à avoir été
rudoyée par le personnel de Cromwell
Management. L'aspirante locataire a vécu
l'expérience lorsqu'elle a tenté
de récupérer son argent. Comme
le ton montait, elle a voulu appeler son
fils à la rescousse : « Elle
me débranche le téléphone.
Là, j'essaie de rebrancher. [ ]
et elle me tape sur le bras en me disant
non et elle m'arrache le fil de téléphone.
Je lui ai dit : " mais vous êtes
en train de me taper sur les bras!" »
Devant
l'entêtement de Cromwell à
ne pas la rembourser, la consommatrice se
résigne alors à signer un
bail. La surintendante lui dit que c'est
trop tard. En moins d'une semaine, elle
perd donc son dépôt et la possibilité
de louer l'appartement.
Cromwell Management est une compagnie ontarienne.
Récemment, l'entreprise a acquis
un certain nombre de tours d'habitation
à Montréal. Assez gros joueur
sur le marché locatif montréalais,
Cromwell fait quand même fi de la
loi québécoise en matière
de logement. Michel Riverin, de la Corporation
des propriétaires immobiliers du
Québec : « L'entreprise
devrait se conformer aux règles qui
nous régissent via la Régie
du logement et le Code civil du Québec.
On n'est pas en Ontario ici. »
Quant à l'aspirante locataire, elle
remet en question ces pratiques : « Je
trouve ça malhonnête quand
même! Ils ont huit immeubles à
gérer, s'ils font ça huit
fois sur dix, et bien ça leur fait
pas mal de sous ça quand même!
[ ] Je leur faisais confiance. Mais
là, on a abusé de ma bonne
foi! »
En conclusion
La consommatrice n'a maintenant qu'un seul
recours : poursuivre Cromwell Management
devant la Cour des petites créances
pour récupérer son argent.
Au Québec, les lois sont très
claires : vous n'avez EN AUCUN CAS à
verser une somme d'argent à un locateur
tant que vous n'avez pas signé de
bail. Et à la signature du bail,
le seul montant qu'on peut vous réclamer,
c'est le premier mois de loyer.
Hyperliens
Trouver
un logement Éducaloi
donne des conseils sur la recherche d'un
logement et les droits de l'aspirant locataire.
On y aborde notament les questions du dépôt
pour louer un logement et de l'annulation
d'un bail conditionnel.