Les
Néo-Brunswickois n'ont plus les moyens
de conduire une voiture
Avoir une voiture coûte terriblement
cher au Nouveau-Brunswick. Les automobilistes
peuvent débourser jusqu'à
4000 $ par année pour assurer
leur véhicule! Une telle situation
en mécontente plus d'un. Si bien
que lors de la récente campagne électorale
provinciale, on leur a promis de réformer
le système d'assurance auto.
Journaliste-réalisateur : Maxime
Poiré
Ils n'ont
plus les moyens d'avoir une voiture
Au
printemps dernier, une vieille dame de Bathurst
a vendu son auto et a décidé
de faire ses courses avec sa brouette. Elle
n'avait plus le choix. Elle n'arrivait pas
à trouver une compagnie d'assurance
automobile qui lui convienne. Aujourd'hui,
plusieurs mois après les élections
provinciales, rien n'a changé pour
celle qui incarne le combat des Néo-Brunswickois
face à la hausse vertigineuse des
primes d'assurance auto. La vieille dame
dit que jamais elle ne payera 4000$ par
année pour assurer une voiture. Depuis
quelques temps, elle se risque à
conduire la camionnette de sa fille, même
si elle n'est pas assurée.
L'Association
acadienne et francophone des aînés
du Nouveau-Brunswick reçoit chaque
jour les appels de personnes âgées
désespérées par la
situation. Roger Doiron : « Un
homme a téléphoné ce
matin pour me dire qu'on lui demandait 3000 $
pour assurer son auto. Il devra donc abandonner
sa voiture parce qu'il n'a pas les moyens
de payer les primes d'assurance. »
Et ils sont nombreux dans cette situation.
Selon
Statistique Canada, le coût des primes
d'assurance automobile au Nouveau-Brunswick
a grimpé en moyenne de 75,6 %
entre juillet 2000 et juillet 2003.
La
Péninsule acadienne, à majorité
francophone, est durement touchée.
Plusieurs compagnies y ont doublé
et même triplé les primes.
Dans certains cas, elles refusent tout simplement
d'assurer les automobilistes.
Les mesures gouvernementales
: trop peu, trop tard
Au
printemps dernier, l'assurance automobile
est devenue un enjeu majeur de la campagne
électorale. En juin, le Parti conservateur
de Bernard Lord a été réélu
de justesse en promettant de régler
le problème. Immédiatement,
la province a exigé des compagnies
d'assurance qu'elles s'engagent à
baisser les primes de 20 % en moyenne.
En
contrepartie, le gouvernement a garanti
aux assureurs que le montant accordé
par un juge à une victime de la route
pour la douleur et la souffrance causées
par une blessure mineure serait limité
à 2500 $.
Pour
bien des gens, c'est trop peu, trop tard.
Que représente une baisse de 20 %
des primes après avoir subi des hausses
énormes? La Facture a rencontré
un Néo-Brunswickois qui travaille
dans une usine d'embouteillage d'eau de
source près de Caraquet. Sa femme
a un emploi saisonnier dans la région.
Ils ont deux voitures et, encore aujourd'hui,
ils arrivent difficilement à les
assurer. Le travailleur : « Ça
nous coûte au moins 250 $ par
mois. Avant, on payait 70 $ par mois;
c'était bon. On pouvait faire des
voyages et tout ça. Mais aujourd'hui,
c'est impossible d'aller où on veut. »
L'échec
de la réforme ne semble plus faire
de doute au sein de la population et des
membre du gouvernement commencent à
le reconnaître. Paul Robichaud, ministre
des Transports du Nouveau-Brunswick : « Les
assurances semblent vouloir diminuer mais
lorsque vous avez eu des augmentations de
70 % durant les deux dernières
années et que vous recevez une diminution
de 15 à 20 % , ce n'est pas
suffisant pour la grande majorité
des gens du Nouveau-Brunswick. »
Mais
la hausse des primes dépasse le simple
problème économique. Depuis
un an, la GRC a constaté qu'un nombre
croissant d'automobilistes circulent illégalement
sur les routes, sans être assurés.
L'été
dernier, une enseignante de Shippagan s'est
retrouvée dans cette situation. Elle
n'arrivait pas à dénicher
une compagnie pour l'assurer - elle et son
fils - à un prix raisonnable. Avant
de finalement trouver ce qu'elle cherchait,
elle a dû conduire sans assurance
auto durant deux longues semaines. Cette
enseignante : « J'ai
été obligée de le faire.
Il fallait vivre. Il y en a beaucoup qui
ne le disent pas mais moi, j'aime mieux
le dire. [ ] La loi nous oblige à
nous assurer mais les primes coûtent
trop cher. Qu'est-ce qu'on fait? »
Pourquoi en est-on
rendus là?
Au
Québec, le régime d'assurance
automobile est mixte. Les compagnies privées
se chargent de la carrosserie tandis que
le secteur public - la SAAQ - s'occupe des
blessures et des décès, et
ce, sans égard à la responsabilité.
Au
Nouveau-Brunswick, c'est bien différent.
Le système est entièrement
contrôlé par le secteur privé.
Ces entreprises assurent tant l'aspect matériel
que le côté humain, comme par
exemple, la réadaptation et les frais
médicaux. Mais ce qui caractérise
vraiment ce système, c'est qu'une
victime a le droit de poursuivre le responsable
de l'accident devant les tribunaux, notamment
pour la souffrance et la douleur qu'elle
a subies. C'est pour ça que les assureurs,
exaspérés, ont exigé
un plafond de 2500 $ pour les compensations
liées aux blessures mineures, comme
le coup de fouet cervical.
En
dix ans, la hausse des réclamations
aurait creusé un trou de 342 millions
de dollars dans les finances des compagnies
oeuvrant au Nouveau-Brunswick, selon le
BAC - Bureau d'assurance du Canada. Le BAC
est sévère envers le système
en vigueur au Nouveau-Brunswick. Robert
Tremblay, du BAC : « Si
vous demandez constamment des compensations,
cela aura inévitablement un impact
sur les primes. C'est l'ensemble des consommateurs
qui écope. »
Au
Nouveau-Brunswick, une véritable
industrie gravite autour des accidents de
voiture. Par exemple, dans les pages jaunes,
on retrouve de nombreuses publicités
d'avocats offrant leurs services aux victimes
de la route. L'avocat Stéphane Viola
plaide la majorité de ses dossiers
dans ce domaine. Selon lui, la hausse des
primes n'a rien à voir avec le droit
de poursuite accordé aux accidentés.
Daniel
Gardner ne voit pas les choses du même
il. Ce professeur de droit de l'Université
Laval à Québec est spécialiste
des régimes d'assurance auto. Il
croit que tant que le système de
poursuites sera en place au Nouveau-Brunswick,
les compagnies d'assurance n'auront pas
le choix de garder les primes élevées.
Daniel Gardner : « Je
ne veux pas défendre ici les compagnies
d'assurance mais avec le système
actuel qui permet les poursuites, avec les
frais que cela représente - tout
cela étant des données que
les assureurs ne peuvent pas contrôler
- je pense que les assureurs n'avaient absolument
pas le choix. C'était ça ou
tout simplement se retirer du marché
des assurances. On ne demandera quand même
pas à une compagnie d'assurance privée
de fonctionner à perte. »
La
population veut des changements significatifs
et rapides. Roger Doiron, de l'Association
acadienne et francophone des aînés
du Nouveau-Brunswick : « On
s'attend à ce que le gouvernement
mette ses culottes et décide vraiment
pour la population, pour les gens d'ici.
Nous, on maintient qu'un régime public
est la solution pour venir à bout
de toutes ces augmentations de primes. »
Paul Robichaud, ministre des Transports
du Nouveau-Brunswick : « Il
est de plus en plus évident que le
gouvernement se dirige vers un système
public, compte tenu de l'attitude des compagnies
d'assurance envers les consommateurs. »
L'enseignante de Shippagan : « Il
est temps que le gouvernement agisse et
vite. C'est cher, trop cher. On ne vit pas. »
En conclusion
Le
gouvernement du Nouveau-Brunswick a créé
un comité qui doit revoir en profondeur
le système d'assurance auto. On en
saura plus en décembre. On parle
d'un régime public sans égard
à la responsabilité, qui regrouperait
toutes les provinces maritimes.
Au
Québec, pendant ce temps, c'est le
contraire qui pourrait se produire. Le gouvernement
libéral réfléchit à
la possibilité d'éliminer
certaines parties de notre système
d'assurance auto sans égard à
la responsabilité.
Annonce
de la réforme de l'assurance automobile Site du gouvernement
du Nouveau-Brunswick. Vous y trouverez notamment
de l'information sur la réforme annoncée
le 29 juillet 2003, sur les modifications
à la loi sur les assurances ainsi
que sur les audiences publiques.