Opérée
d'urgence aux États-Unis, son assureur
refuse de payer
Une résidente
de Montréal subit d'urgence une opération
lors d'un voyage à l'étranger.
Elle n'avait aucune inquiétude puisqu'elle
détenait une assurance voyage de 1 million
de dollars. Mais aujourd'hui, son assureur
refuse de payer.
Journaliste : Pierre Craig
Réalisateur : Louis Faure
Une
résidente de Montréal a l'impression
d'avoir une épée de Damoclès
au-dessus d'elle. Chaque matin, elle se
demande si une agence de recouvrement ne
viendra pas lui exiger la somme de 80 000 $.
Elle a subi aux États-Unis
une opération considérée
comme urgente. Comme elle détenait
une assurance voyage de 1 million de dollars,
elle ne s'est pas inquiétée.
Mais aujourd'hui, les médecins et
l'hôpital américain exigent
qu'elle acquitte toute la facture. Son assureur,
la Green Shield, refuse de payer. La résidente : « On
ne m'a jamais informée qu'il pourrait
y avoir un problème avec le paiement
à l'hôpital. »
Une opération
d'urgence aux États-Unis
Tout commence le
11 janvier dernier. La résidente
montréalaise, qui travaille pour
une agence de voyage, se rend très
fréquemment aux États-Unis.
Elle était chez des amis au Connecticut
lorsqu'elle a commencé à se
sentir mal. C'était un samedi : « J'avais
le cou bloqué. J'avais de la difficulté
à me déplacer, à descendre
les escaliers. Le dimanche matin, je me
suis réveillée, c'était
encore pire et puis j'avais la main engourdie.
J'avais de la difficulté à
tenir des objets. »
Inquiète,
elle se rend à l'hôpital. Selon
sa police d'assurance, seuls les soins considérés
comme urgents sont couverts et elle doit
les faire autoriser. Elle communique avec
son assureur, la Green Shield, et parle
à un responsable : « Ils
m'ont dit: "Oui c'est beau". Et
puis, ils m'ont donné un numéro
de téléphone et une liste
des choses à faire approuver. En-dehors
de la consultation, des médicaments,
des tests sanguins et des radiographies,
il fallait les contacter pour obtenir l'autorisation. »
À
son arrivée à l'hôpital,
elle demande au préposé à
l'admission d'obtenir l'autorisation de
son assureur avant d'entreprendre des soins
plus élaborés. On lui fait
passer une imagerie par résonance
magnétique. Le neurochirurgien de
garde est appelé d'urgence. Le verdict
du docteur Hilary Onyiuke: une hernie cervicale
comprime sa moelle épinière
et a peut-être même commencé
à la sectionner.
La résidente
montréalaise : « Il
ne savait pas si j'allais retrouver l'usage
de ma main. Tout dépendait si la
colonne était coupée déjà
ou si c'était juste pincé. »
Joint par La Facture, le médecin
américain confirme que l'état
de la malade méritait des soins d'urgence.
Le Dr Hilary Onyiuke, neurochirurgien au
John Dempsey Hospital : « Il
n'était pas question qu'elle quitte
la salle d'urgence. Elle souffrait tellement.
Je ne vois vraiment pas comment elle aurait
pu partir! » Le
neurochirurgien annonce à la patiente
qu'elle doit être opérée
dans les 24 heures. Cette annonce met la
patiente dans tous ses états : « J'étais
en état de choc. Jamais rien de semblable
ne m'était arrivé. »
Le médecin lui déconseille
fortement de se faire transporter au Québec.
La patiente accepte l'intervention chirurgicale
à condition que son assureur donne
le feu vert.
L'opération
est extrêmement délicate. Un
disque de silicone est inséré
dans sa colonne et tenu en place par une
plaque de métal. L'intervention est
un succès. La patiente retrouve la
mobilité de sa main droite.
Volte-face de l'assureur
De retour au Québec,
elle reçoit, le 20 janvier, une lettre
réconfortante de son assureur, la
Green Shield. Pendant trois mois, elle ne
reçoit que des relevés de
frais. C'est son assureur qui reçoit
les factures à payer.
Mais le 14 avril,
tout bascule! Sans explications, les relevés
de frais deviennent, pour la résidente
montréalaise, des factures à
payer. Il y en a pour plus de 80 000 $.
La Green Shield a arrêté ses
paiements. Son assureur considère
maintenant que son état n'était
pas urgent. La patiente : « Je
ne voyais pas comment je pouvais retourner
au Québec dans la condition dans
laquelle j'étais. Puis aussi, de
la façon dont les choses m'ont été
présentées, je n'avais pas
vraiment le choix. »
Le Dr Hilary Onyiuke : « Elle
se trouvait dans la salle d'urgence et elle
souffrait beaucoup. Elle ne pouvait pas
lever le bras. Si ça, ce n'est pas
une urgence, qu'est-ce qui en est une! »
Le
neurochirurgien Georges L'Espérance
est fréquemment appelé pour
témoigner comme expert devant les
tribunaux. Il est membre de la Société
des médecins experts du Québec : « Si
on est aux USA, dans un bon hôpital,
il me paraît difficile pour un patient
d'aller à l'encontre de l'opinion
de son chirurgien. »
L'assureur de la
résidente montréalaise prétend
que son cas n'était pas urgent. Aurait-elle
pu revenir au Québec pour s'y faire
opérer gratuitement? La Régie
de l'assurance maladie du Québec
est convaincue que non. Nathalie Pitre,
responsable des relations avec la presse,
à la RAMQ : « Nos
médecins experts ont conclu qu'il
s'agissait d'une situation urgente, donc
que l'intervention devait se faire de façon
immédiate. Alors, nous acceptons
de rembourser madame. »
La Régie va
rembourser quelques milliers de dollars
- au maximum - à la résidente
montréalaise. Jean-Pierre Ménard
est un avocat spécialisé dans
les causes médicales. La Facture
lui a soumis le contrat d'assurance voyage
de la résidente montréalaise.
Selon lui, cette décision de la Régie
de l'assurance maladie a beaucoup de poids : « On
mentionne bien clairement que si la Régie
refuse de payer, on ne paiera pas ! Or,
la Régie a reconnu qu'il y avait
situation d'urgence, je pense que ça
place l'assureur dans une position nettement
plus difficile pour refuser de payer, parce
que le critère légal est à
peu près le même. »
L'assureur reproche
aussi à la patiente de ne pas lui
avoir demandé son autorisation avant
de se faire opérer. La patiente était
pourtant convaincue que c'est l'hôpital
américain qui l'avait fait. La Green
Shield a refusé d'accorder une entrevue
à la caméra à La
Facture.
Selon l'Association
canadienne des compagnies d'assurances de
personnes, c'est la personne assurée
elle-même qui doit mettre son assureur
en contact avec son médecin à
l'étranger.
Me
Ménard croit que la résidente
montréalaise ne pouvait pas faire
plus : « Elle
a fait exactement ce qu'il fallait qu'elle
fasse. Elle a communiqué avec son
assurance. Elle a donné les coordonnées
à l'hôpital. Je ne pense pas
qu'on puisse lui reprocher quoi que ce soit
parce que le reste, c'est une question d'appréciation
médicale. »
La résidente
montréalaise était pourtant
convaincue, au moment où elle a reçu
ses soins aux États-Unis, que son
assurance la couvrirait. Me Ménard : « Quand
l'assureur pense avoir une prise - même
si elle est pas très forte - pour
ne pas payer, moi j'ai vu plusieurs des
cas où on a tenté le coup. »
En conclusion
En attendant, on
réclame toujours à la résidente
plus de 80 000 $ de frais médicaux.
Tout ce qu'elle peut faire pour l'instant,
c'est d'attendre la poursuite de l'hôpital
américain pour poursuivre à
son tour sa compagnie d'assurance. C'est
une histoire que La Facture va suivre.
Une question importante
se pose maintenant. Jusqu'à quel
point les compagnies d'assurance sont-elles
en conflit d'intérêt quand
elle choisissent entre minimiser leurs coûts
et notre santé?
Hyperliens
Deux reportages de La Facture
sur des sujets connexes :
Services
assurés hors du Canada La Régie
de l'assurance maladie du Québec
vous informe sur les
services professionnels et hospitaliers
auxquels vous avez droit
lorsque vous êtes à l'extérieur
du pays.