Il
paie 6000 $ pour une épilation
au laser qui ne donne aucun résultat
Notre apparence
a beaucoup d'importance, qu'on le veuille
ou non. Et comme nous ne sommes que des
humains, il y a souvent beaucoup de fragilité
et d'insécurité derrière
tout cela. Certaines entreprises misent-elles
sur cette fragilité pour nous soutirer
de l'argent en nous faisant des promesses
qu'elles ne peuvent pas tenir? On peut certainement
se poser la question en écoutant
l'histoire d'un résident de Saint-Hubert.
Il souffrait depuis longtemps des poils
qui lui couvrent tout le corps. On lui a
promis la lune. Ce n'est pas exactement
ce qu'il a obtenu.
Journaliste : Caroline Belley
Réalisatrice : Claudine Blais
Complexé
par ses poils
Cet
homme de Saint-Hubert est très complexé
par ses poils. Sur le bord d'une piscine,
il n'ose pas enlever son chandail. En fait,
il ne se met jamais torse nu, même
s'il fait très chaud : « Depuis
le secondaire que j'ai ce complexe, parce
ce que je me suis fait niaiser là-dessus
On m'appelait l'ours. J'étais le
seul qui était poilu quasiment. »
Il
rêve de ne plus avoir de poils : « Dans
les revues on voit ça, c'est tout
propre. J'aimerais être comme ça,
peut-être. » Et
il utilise tous les moyens possibles pour
atteindre cet idéal : « En
allant chez Epiderma, je pensais que ça
allait être comme ça, plus
de poils, toute la peau propre. C'était
comme un rêve. Ah, je n'aurai plus
de poils. Est-ce que je suis prêt
à investir 5800 $ quasiment
6000 $? Pour être bien dans ma
peau, je me suis dit que j'allais investir. »
En
décembre 2001, il signe un contrat
d'épilation au laser avec la succursale
Epiderma de Greenfield Park. Après
sept séances d'épilation échelonnées
sur 18 mois, il n'y a aucun résultat.
Il demande donc un remboursement à
sa succursale d'Epiderma. On refuse de le
rembourser, en lui mentionnant que les traitements
ont été faits.
Épilation permanente
garantie
Pourtant,
Epiderma promet que 90 % des poils
noirs seront éliminés. L'entreprise
ne garantit toutefois pas l'élimination
des poils blancs, des poils blonds et du
duvet. Mais le client de Saint-Hubert, lui,
a conservé tous ses poils noirs.
Une
équipe de La Facture s'est
rendue avec le client dans une autre succursale
d'Epiderma. Histoire de vérifier,
avec l'aide d'une caméra cachée,
si les promesses sont les mêmes, d'une
succursale à l'autre. Les seules
réserves émises concernent
les poils du bas de son dos. Les bras, le
devant, c'est sûr que ça va
marcher, selon l'employée d'Epiderma.
Le client demande : « Et
si les poils ne partent pas? »
La réponse de l'employée : « Y'a
la garantie. Ç'est impossible que
ça ne parte pas. »
En dépit de cette garantie, l'épilation
est, dans ce cas-ci, un échec évident.
Afin d'y voir plus clair, La Facture
a présenté le client au Dr
Ari Demirjian, dermatologue à l'Hôpital
général de Montréal.
Le Dr Demirjian : « Les
poils sont assez foncés et la peau
est assez blanche. Donc, théoriquement,
il devrait être un bon candidat pour
l'épilation au laser. [
] Il
y a toujours des exceptions; c'est un outil
très efficace, mais c'est un outil
avec des limites. Moi, quand je parle de
laser avec mes patients, je ne leur garantis
rien. »
Mais
chez Epiderma, on n'hésite pas! On
parle d'épilation définitive,
permanente. Selon le Dr Demirjian, on n'a
jamais une épilation permanente.
Il s'agit plutôt d'une réduction
permanente.
Pourquoi
Epiderma va-t-elle aussi loin dans ses prétentions?
Le Dr Stéphane Bergeron est le directeur
médical de l'entreprise et aussi
un ex-propriétaire d'Epiderma : « Une
épilation définitive ou permanente,
quant à moi, je m'en tiens à
la définition de la Food and Drug
Administration. » Le
Dr Bergeron fait référence
à la FDA, l'organisme gouvernemental
américain qui protège la santé
publique, parce qu'au Canada, il n'y a pas
de réglementation. Selon le Dr Bergeron,
la FDA a approuvé le laser comme
technique d'épilation permanente
et c'est cette technique qu'utilise Epiderma.
Mais le Dr Bergeron fait erreur. La Facture
a contacté la FDA . D'après
la FDA, on doit parler de réduction
permanente des poils, jamais d'épilation
permanente.
Or,
dans tous les documents d'Epiderma, on vante
une épilation permanente et définitive.
Ces promesses sont toutefois nuancées
par de la directive de la FDA, reproduite
en très petits caractères
dans les documents de l'entreprise.
Selon
Me Pauline Roy, cette nuance est insuffisante
et n'éclaire pas le consommateur : « C'est
un peu emberlificoté! [
] Leur
publicité nous laisse croire que
tous les poils à traiter vont être
éliminés de façon permanente.
Pour les consommateurs, c'est extrêmement
difficile de s'y retrouver. Ce qui fait
qu'effectivement, ça peut avoir un
caractère trompeur. »
Un leurre pour le
consommateur?
Epiderma sait bien
se mettre en valeur. Dans ses dépliants
publicitaires, l'entreprise se targue d'être
le plus important réseau de cliniques
et d'avoir 325 partenaires au Québec.
Ce n'est pas faux! Mais Epiderma, c'est
avant tout 12 établissements. Et
les centaines de partenaires, ce sont des
centres de soins esthétiques qui
leur envoient des clients. Quant à
la direction médicale, maintes fois
mentionnée, elle est constituée
du seul Dr Bergeron, qui travaille à
temps plein, dans un hôpital. C'est
lui le porte-parole quand il s'agit de défendre
l'efficacité du laser. Et lorsque
La Facture lui demande si ce n'est pas
un leurre pour le consommateur, le Dr Bergeron
répond : « Non
pas du tout. Je pense que l'explication
que l'on donne est tout à fait adéquate.
On leur explique très bien que la
pilosité disparue ne réapparaîtra
pas mais qu'on ne s'attend pas à
une disparition de 100% de la pilosité. »
Le
client de Saint-Hubert s'attendait à
la disparition complète de ses poils.
Les promesses étaient alléchantes;
mais pour ce consommateur, il n'y a eu aucun
résultat. Que s'est-il passé
? Le Dr Bergeron refuse d'aborder le cas
de ce client. Il affirme qu'il ne connaît
pas son dossier. Il avance tout de même
une explication : « On
a de rares cas que l'on ne comprend pas
du point de vue médical; un sur 500,
un sur mille, selon la sélection
qui est faite, où le laser n'est
pas efficace. » Le Dr
Bergeron affirme que les employés
sont au courant de cette donnée et
qu'ils doivent en parler aux clients : « C'est
enseigné, ce que ça veut dire,
c'est que les gens doivent le dire. »
Le client de Saint-Hubert
affirme qu'il n'aurait pas signé
de contrat si Epiderma lui avait laissé
entrevoir que le traitement n'allait peut-être
pas fonctionner, qu'il y avait une possibilité
que cela ne fonctionne pas.
Au verso du contrat signé par ce
client, il est néanmoins écrit,
en petits caractères, que « le
client reconnaît avoir été
informé de cas exceptionnels où
le traitement est inefficace »;
une façon pour Epiderma de se protéger.
Me
Roy : « En se
laissant cette porte ouverte, c'est comme
s'ils mettaient une clause de non-responsabilité
qui n'est pas valable. On s'engage ou on
ne s'engage pas. [
] Ce sont eux les
spécialistes et ils doivent être
en mesure, lorsqu'ils acceptent un client,
de dire : " ben vous, ça va
être efficace ". Et si ce n'est
pas efficace, s'ils se sont trompés
dans leur évaluation, ils devraient
continuer les traitements ou rembourser
le client. »
Au lieu de rembourser
son client, Epiderma lui offre plutôt
de payer à nouveau pour poursuivre
les traitements. Le client refuse. Quatre
mois plus tard, c'est la surprise. Peu de
temps après l'appel de La Facture
chez Epiderma, l'entreprise se ravise et
rembourse son client.
En conclusion
Dans le domaine du laser, il n'y a aucune
réglementation. N'importe qui peut
acheter un laser et commencer à faire
de l'épilation sans aucune formation.
A cause des risques de brûlures, l'Association
des dermatologues du Québec a demandé
au gouvernement de rendre obligatoire une
formation et un encadrement médical.
Le ministère de la Santé va-t-il
agir? La Facture a posé la
question. On nous a répondu que rien
n'est prévu de ce côté.
Hyperlien
Association
canadienne de dermatologie
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