Des
agences de recouvrement la menacent depuis
trois ans
De grandes entreprises respectables mettent
parfois les honnêtes gens dans des
situations impossibles et s'en lavent les
mains. Comme si leur temps était
trop précieux pour le perdre à
s'occuper convenablement des clients, qui
les font pourtant vivre.
Un exemple? Il aura
fallu l'intervention de La Facture
pour qu'une entreprise aussi importante
que Rogers AT & T reconnaisse finalement
- mais du bout des lèvres - qu'elle
a gâché la vie d'un couple
du Bas-Saint-Laurent durant trois longues
années.
Journaliste-réalisateur : Maxime
Poiré
Le
Bic, dans le Bas-Saint-Laurent. Un site
enchanteur et calme, où il fait bon
vivre. Une résidente du Bic et son
conjoint sont loin de passer des jours tranquilles
dans cet endroit paisible depuis que des
agents de recouvrement leur font la vie
dure.
Essayer un téléphone
cellulaire
En juin 2000, un représentant de
la compagnie de télécommunications
Rogers AT & T contacte cette résidente
par téléphone. Il lui offre
un forfait d'une année pour l'utilisation
d'un téléphone cellulaire,
avec la possibilité d'essayer l'appareil
durant deux semaines avant de prendre une
décision finale. La résidente
du Bic : « Il
m'a dit que je ne prenais aucun engagement,
que j'avais 15 jours pour l'essayer et que
si ça ne fonctionnait pas bien, je
pouvais tout renvoyer par Purolator sans
problème. »
Elle reçoit le téléphone
et décide, après réflexion,
que l'offre ne lui convient pas. Elle réexpédie
alors le cellulaire à Rogers, 12
jours après l'avoir reçu.
Elle peut le prouver puisqu'elle a conservé
ses preuves d'achat et d'expédition.
C'est clair : elle a annulé correctement
son engagement, et Rogers At & T ne
peut rien lui réclamer.
Un engrenage infernal
Quelques semaines plus tard, elle reçoit
une facture de Rogers. La compagnie lui
réclame 200 $ « pour
avoir résilié son contrat
de façon anticipée ».
La cliente du Bic se fâche. Elle contacte
Rogers pour savoir ce qui se passe. On lui
dit d'envoyer l'information nécessaire
(facture et preuves écrites) par
télécopieur. Depuis, la cliente
n'a jamais eu de nouvelles de la compagnie.
Pourtant, elle a contacté Rogers
à plusieurs reprises. Malgré
ses explications et ses envois, personne
ne se rend compte qu'une erreur semble s'être
produite, et le dossier est machinalement
transféré à une agence
de recouvrement.
Un
engrenage infernal s'amorce et la résidente
du Bic commence aussitôt à
recevoir des appels téléphoniques.
« Quand ils ont envoyé
ça à l'agence de recouvrement
Nor-Don, le monsieur était tellement
méchant avec moi. Il hurlait, il
jurait. Ça fait peur. Finalement,
tu te demandes ce qui va se passer. Quand
je voyais des autos passer tranquillement
devant la maison, je me disais que c'était
peut-être quelqu'un qui venait chez
moi. Ça finit par faire peur et,
je ne le cache pas, j'ai pleuré. »
La Facture a contacté l'agence
Nor-Don, dont les bureaux sont à
Montréal, pour en savoir plus sur
les techniques de recouvrement. Le porte-parole
de l'agence n'a pas voulu accorder d'entrevue
à la caméra. Au téléphone,
il explique que ses 85 agents ont traité
plus de 6 millions d'appels ces 3 dernières
années. Il ajoute que la résidente
du Bic n'a jamais porté plainte officiellement,
et qu'il est maintenant difficile pour lui
de retracer ce qui a vraiment pu se produire.
Devant le refus de payer de la cliente,
Nor-Don ferme le dossier à l'automne
2000. Le temps passe et l'affaire Rogers
semble réglée. Mais deux ans
plus tard, en septembre 2002, Rogers AT&
T revient à la charge, et la résidente
du Bic reçoit plusieurs lettres.
Contre toute attente, la compagnie donne
un mandat à une nouvelle agence de
recouvrement : la Métropolitain.
Cette entreprise réclame aujourd'hui
bien plus qu'au début. Selon la dernière
lettre, datée du 29 avril 2003, la
cliente doit maintenant 532,37 $. La
cliente n'a pas l'intention de payer ce
montant.
Avec
l'agence Métropolitain, le ton change.
On ne crie pas au téléphone,
mais on envoie plutôt des lettres
qui ne laissent aucune place à la
discussion. L'agence menace la cliente d'amorcer
une poursuite judiciaire, qui pourrait mener
à une saisie de salaire ou à
une saisie de tout bien non exempté.
La résidente du Bic: « C'est
sûr que ça ne me tente pas
d'aller en cour parce que je n'ai pas à
aller en cour avec ça. Je ne suis
pas en tort. Quand je vois une poursuite
judiciaire, je vois des frais. Il va falloir
que j'aille me défendre. »
Pour savoir si ces menaces sont fondées,
La Facture a tenté de rencontrer
le responsable de Métropolitain à
Montréal. Mais ce fut peine perdue;
la porte est restée fermée.
Devant ce refus et pour déterminer
si les gestes de cette agence sont légaux,
La Facture s'est tournée vers
l'Office de la protection du consommateur.
L'OPC supervise les activités des
agences de recouvrement au Québec.
En vertu de l'article 34 de la Loi sur le
recouvrement de certaines créances,
« un titulaire de permis ou son
représentant ne peut suggérer
que, à défaut de paiement,
des poursuites judiciaires seront intentées ».
L'agence a donc commis une infraction en
agissant de la sorte, et ce dans un dossier
où la cliente n'a rien à se
reprocher.
La
Facture a insisté pour obtenir
des explications de Rogers à la caméra.
La responsable des communications de l'entreprise
n'a pas voulu rencontrer l'équipe
de La Facture. Mais l'intervention
de La Facture a forcé la compagnie
à revoir le dossier. Et trois ans
après les faits, Rogers a finalement
reconnu son erreur initiale. Voici l'extrait
de la lettre que Rogers a fait parvenir
à La Facture :
« Il appert
que [la cliente] a bien retourné
l'appareil téléphonique
à Rogers AT & T. [
]
Un problème de nature purement
fortuite est malheureusement survenu. » |
Rogers a fait ses excuses à sa cliente,
tout en précisant qu'il s'agissait
d'un cas isolé. Quoi qu'il en soit,
la résidente du Bic n'aura finalement
rien à payer. Rogers s'est assurée
auprès des agences de recouvrement
que le dossier était bel et bien
fermé.
La cliente n'en revient toujours pas d'avoir
eu tous ces problèmes, avec une grosse
compagnie en plus : « Ça
ne m'a rien coûté financièrement,
mais je trouve que c'est un prix à
payer au niveau personnel. Tout ce que je
vis, je trouve ça assez rock and
roll. »
En conclusion
Pour Rogers AT & T, l'histoire s'arrête
peut-être là, mais pas pour
la résidente du Bic. Elle a porté
plainte pour menaces et harcèlement
à l'Office de la protection du consommateur
contre l'agence de recouvrement Métropolitain.
Les juristes de l'OPC étudient le
dossier. Ils pourraient aller jusqu'à
intenter une poursuite contre cette agence.
Hyperliens
Loi
sur le recouvrement de certaines créances
Gouvernement
du Québec
Office
de la protection du consommateur
|