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Mardi 7 octobre 2003  

          REPORTAGE

Une erreur de son agent bloque la vente de sa maison

Lorsque vient le temps de vendre sa maison, on se dit, la mort dans l'âme, qu'il va falloir payer une commission plutôt salée à son agent immobilier. Et les commissions suivent bien sûr la valeur des maisons, qui n'arrête pas de grimper. Des commissions de 10 000 à 20 000 $, ça mange sérieusement un gain de capital! À ce prix-là, il est difficile d'accepter qu'une faute de votre agent mette en péril la vente de votre maison. Mais il y a pire : votre maison peut littéralement être prise en otage, comme cela est arrivé à un résident de Gatineau.

Journaliste : Julie-Miville-Dechêne
Réalisateur : André Gariépy


L'offre d'un premier acheteur

En avril dernier, ce résident de Gatineau reçoit une offre d'achat pour sa maison. L'acheteur, qui a eu un coup de foudre pour la maison, offre le prix demandé : 164 900 $. La promesse d'achat est acceptée à une condition : l'acheteur doit obtenir un prêt hypothécaire d'ici 15 jours. Le quinzième jour, l'acheteur reçoit de ING Direct une approbation de financement, assortie de six conditions, notamment celle de fournir une preuve qu'il a payé ses dettes.

L'acheteur envoie la lettre d'ING Direct à son agente immobilière. Cette dernière fait suivre le document à l'agente du vendeur, en mentionnant que tout est en règle, qu'il reste des détails à régler avec la banque, mais que « tout est terminé ». Erreur! Au Québec, l'acheteur doit obtenir un prêt hypothécaire sans aucune condition. Ce que cet acheteur n'avait pas obtenu. Cependant, un financement conditionnel n'élimine pas automatiquement l'offre, selon l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec - ACAIQ. François Pigeon, de l'ACAI : « L'agent immobilier qui reçoit ce document devrait dire à son acheteur qu'il faut un financement non conditionnel, qu'il faut prévoir des délais. » Donc, l'agente de ce premier acheteur n'a pas suivi cette procédure. Mais ce n'est pas tout. L'agente du vendeur n'aurait pas pris la peine d'informer l'acheteur qu'elle mettait à la poubelle sa promesse d'achat.

Un manque de communication étonnant, surtout quand on sait que les deux agentes sont à l'emploi du même bureau de Royal Lepage. L'agente du vendeur n'aurait même pas cru bon de tenir son client au courant. Le vendeur : « Je suis très fâché contre mon agente. Elle nous a dit carrément qu'elle n'avait pas de nouvelles du premier acheteur, que rien n'avait été fait du côté du financement. »

Le code de déontologie des agents leur interdit pourtant de dissimuler des faits pertinents à leur client. L'ACAIQ ne peut se prononcer sur ce cas, mais condamne en principe ce genre de conduite. François Pigeon : « Moi, j'appelle ça de l'incompétence. On n'a pas bien travaillé »

Un deuxième acheteur entre en jeu

Dès le lendemain, l'agente du vendeur trouve un deuxième acheteur et le pousse à faire au plus vite une offre d'achat au même prix de 164 900 $. L'offre est acceptée. Le deuxième acheteur  : « On a senti la pression. Il fallait prendre une décision le jour même si on voulait la maison. Finalement, on a accepté de présenter une offre le samedi soir. »

L'agente du vendeur commence dans le métier. Elle n'a que trois mois d'expérience. Comme elle est l'agente à la fois du vendeur et de ce deuxième acheteur, elle n'a pas à partager la commission de 10 700 $. Aurait-elle cherché à empocher plus d'argent? Son patron juge la question mesquine. Richard Beaulieu, directeur-propriétaire de Royal Lepage dans la vallée de l'Outaouais : « Toucher toute la commission, pour cette agente, ce n'est pas illégal; c'est même plaisant. »

Aux yeux de l'ACAIQ, cette situation est très risquée. François Pigeon : « Cet agente doit faire preuve d'une extrême prudence, car elle est en conflit d'intérêt. Elle a le droit de l'être, mais lorsqu'elle l'est, elle doit être extrêmement prudente. »

Et c'est l'imbroglio

Dimanche, l'agente du premier acheteur, ignorant toujours qu'un deuxième acheteur avait fait une offre, finit par rappeler l'agente du vendeur. C'est à ce moment qu'elle apprend que la propriété est déjà vendue : « J'étais abasourdie. Je me disais qu'elle n'avait pas pu revendre la maison, puisque mon client l'avait déjà achetée. »

Quant au premier acheteur, il est furieux. Il trouve cela d'autant plus injuste que, le lendemain, il obtient son fameux prêt hypothécaire sans condition.

La Facture a tenté d'obtenir la version de l'agente du vendeur : « Je ne suis qu'un intermédiaire. Je prends les documents, je les soumets aux parties. On décide ensemble quoi faire. » Sur les conseils de l'avocat de Royal Lepage, elle a refusé de répondre à des questions plus précises au sujet de cette affaire.

Autre mystère : l'agente du vendeur a fait signer la deuxième offre d'achat, et ce n'est que 48 heures plus tard qu'elle a fait annuler la première promesse d'achat. Selon François Pigeon, de l'ACAIQ, il s'agit d'une faute professionnelle sérieuse : « Et le risque, c'est que les deux acheteurs réclament des droits sur la propriété et qu'ils décident de bloquer la vente de la maison. » C'est exactement ce qui est arrivé.

Emprisonné dans sa propre maison

Le jeudi soir, le vendeur recevait la visite de l'huissier : « Je reçois un document disant que le premier acheteur voulait avoir la maison, qu'il fallait que je la lui vende dans les 48 heures. » Le premier acheteur a déposé en cour un avis de préinscription. Cela revient à bloquer la vente de la maison. Le deuxième acheteur fait aussi valoir ses droits de propriété : « On a un contrat de vente. C'est fait. C'est légal. On a suivi toutes les règles, alors on veut cette maison. »

Le vendeur se sent pris au piège. Il ne peut plus vendre sa maison: « Pour l'instant, nous sommes prisonniers. Nous sommes obligés de recourir aux avocats. »

Les mois passent. C'est interminable pour le vendeur, qui doit financer la construction de sa nouvelle maison, où une aile sera réservée à sa belle-mère malade.

Une simple vente de maison est devenue un imbroglio judiciaire incroyable. Aujourd'hui, tout le monde se retrouve en cour. Quatre avocats négocient en coulisse. Un règlement partiel intervient juste avant d'aller devant le juge. Le vendeur s'est résigné à verser une compensation de 11 000 $ au deuxième acheteur pour qu'il lâche prise. Pour l'instant, Royal Lepage s'en tire. La facture est salée pour le vendeur. Mais il pourra finalement vendre sa maison au premier acheteur. Il n'est plus prisonnier de sa maison, mais il trouve injuste de devoir payer pour ce qu'il considère comme les erreurs de son agente : « J'aurais mieux fait de vendre moi-même. Je pense que j'aurais fait mieux qu'eux. Ils ont commis des erreurs. Ils ne veulent rien faire pour les corriger. »

En conclusion

Le bureau local de Royal Lepage semble faire bien peu de cas des problèmes de son client et de la perte financière subie par le vendeur. Ce dernier a décidé de s'adresser directement au président de l'agence immobilière, à Toronto. Il n'a reçu aucune réponse de l'entreprise, qui n'a même pas envoyé d'accusé de réception. Le vendeur et le deuxième acheteur poursuivent maintenant Royal Lepage. Une plainte a aussi été déposée à l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec.

Hyperliens

Le Consommateur est protégé (format pdf)
Association des courtiers et agents immobiliers du Québec

L'achat d'une maison étape par étape
Société canadienne d'hypothèque et de logement