Compagnies
aériennes en faillite : des voyageurs
sont laissés sur le carreau
Bien
de gens économisent pendant des mois
- parfois des années - pour partir
en voyage. Ils achètent enfin les
billets. Et du jour au lendemain, le voyage
dont ils rêvent est annulé
par une compagnie aérienne ou un
grossiste qui ferme ses portes.
Les agences de voyage
- qui vendent ces billets - peuvent-elles,
doivent-elles protéger les consommateurs?
Journaliste : Julie Miville-Dechêne
Réalisateur : André Gariépy
Un remboursement
qui tarde à venir
L'hiver
dernier, une résidente de la région
de Montréal s'achète deux
forfaits pour la République dominicaine.
Les billets reviennent à 3 677 $;
soit 400 $ de moins qu'avec les autres
agences. C'est une grosse somme pour cette
femme de ménage. Deux semaines avant
le départ, elle n'a toujours pas
reçu ses billets d'avion. Elle tente
en vain de contacter son agent de voyage.
Elle finit par le joindre. C'est la douche
froide : « Il
m'annonçait que la compagnie de qui
j'avais acheté les billets avait
fait faillite. Je lui ai demandé
s'il faisait une blague. Il m'a dit que
non, que la compagnie avait fait faillite.
Je lui ai dit " je fais quoi moi? ".
Il m'a conseillé de ne pas paniquer.
Je lui ai répondu que oui, je devrais
paniquer, car je partais dans moins de huit
jours. »
Air Colombus, qui tentait depuis un an
de prendre son envol, a fermé ses
portes le 7 mars 2003. Cette fermeture a
lésé 4 000 clients. Dont
cette résidente de Ste-Anne -des-Plaines.
Ce voyage était important pour elle.
Elle devait rejoindre en République
dominicaine son frère et sa belle-sur
très malade. La résidente
de la région montréalaise
s'endette et achète deux autres forfaits
avec un vol d'Air Transat. Elle prend ce
risque car son agent de voyage l'assure
que ses billets d'Air Colombus lui seront
remboursés d'ici un mois. Lorsqu'elle
revient de son voyage, à la fin mars,
elle n'a toujours pas reçu de remboursement.
Un
autre résident de la région
montréalaise attend depuis près
d'un an le remboursement de quatre billets
de Canada Air Charter pour la Tunisie. Il
avait déboursé 3 996 $
pour ces billets. Le 3 juillet 2002, la
veille du départ, on lui annonce
que son vol est reporté de 48 heures.
Le 6 juillet, quelques heures avant le décollage,
le voyage est annulé. Canada Air
Charter venait de fermer ses portes.
Les agences de voyage
ne se considèrent pas responsables
Plus de 8 000 voyageurs ont été
pris au piège dans la mésaventure
de Canada Air Charter. Bien des agents de
voyage ont vendu des billets en sachant
que le transporteur n'avait pas de permis
de vol. L'Office des transports du Canada
avait même interdit la vente de billets.
L'Association canadienne des agences de
voyages - ACTA - recommandait d'aviser les
clients du risque. Le résident montréalais,
qui avait acheté quatre billets pour
la Tunisie, affirme qu'on ne lui a rien
dit. Quant à l'agence de voyage qui
lui a vendu les billets, elle a d'abord
plaidé l'ignorance au téléphone.
Elle a ensuite refusé à La
Facture une entrevue à la caméra.
Selon
Louis Jolin, professeur au Département
d'études urbaines et touristiques
de l'UQÀM, l'agence de voyage a pris
des risques en vendant les billets d'un
transporteur qui n'avait pas tous les permis
requis.
Quant à la cliente de Ste-Anne-des-Plaines,
en partance pour la République dominicaine,
elle n'avait pas reçu, elle non plus,
de mise en garde de son agent. On ne lui
a jamais dit qu'Air Colombus était
une jeune compagnie fragile, qui venait
d'annuler ses vols durant six semaines,
faute de clients. L'agent de voyage se justifie
en disant qu'il faisait confiance à
Air Colombus, qu'il a agi en toute bonne
foi et il ajoute : « C'est
sûr qu'on se sent un peu désolé
de tout ça mais on est quand même
juste l'intermédiaire là-dedans »
Ce même agent écrit dans ses
contrats qu'il ne peut en aucun cas être
tenu responsable des services non rendus
par les compagnies de transport ou les hôtels.
Une clause qui n'a aucune valeur, selon
Louis Jolin.
Les responsabilités
des agences de voyage
En ne parlant pas des difficultés
de Colombus et de Canada Air Charter, les
agents de voyage auraient manqué
à leurs devoirs. Louis Jolin : « L'agent
de voyage doit exercer son rôle selon
les règles de l'art. C'est un conseiller
en voyage; il doit donner toute l'information
nécessaire au consommateur. Il ne
peux pas volontairement sous-estimer un
fait important, qui pourrait amener le consommateur
à prendre une décision différente »
Le
code de déontologie des agents de
voyage et la loi sur la protection du consommateur
interdisent à un commerçant
de passer sous silence un fait important.
Louis Jolin va plus loin : « Selon
la loi de la protection du consommateur
et le code civil, les agents de voyage ont
une obligation de résultats. Ils
sont notamment responsables du fait d'autrui,
c'est-à-dire des fournisseurs. »
La loi exige aussi que toutes les agences
de voyage - détaillants ou grossistes
- alimentent des fonds de cautionnement
destinés à rembourser les
consommateurs en cas de faillite.
Un fonds de cautionnement
à sec
Les deux voyageurs lésés
devraient donc être remboursés
par le fonds de cautionnement et ils ont
fait des demandes de remboursement en bonne
et due forme. Mais ils doivent s'armer de
patience. Le fonds des grossistes est à
sec à la suite d'une série
de faillites, comme celle de Tours Amico,
Tico Tours et Canada 3000. L'Office de la
protection du consommateur gère ce
fonds dégarni. Et le pire qui pourrait
arriver maintenant, c'est une faillite d'Air
Canada.
Déjà, le gouvernement a avancé
6 millions de dollars au fonds. Les voyageurs
lésés doivent attendre entre
six mois et un an avant d'être remboursés.
Comment
renflouer ce fonds de cautionnement? L'Office
de la protection du consommateur et l'industrie
négocient secrètement depuis
des mois une nouvelle formule. Il y a fort
à parier que la facture sera refilée
au consommateur. Jean Jacques Préaux,
porte-parole de l'Office de la protection
du consommateur : « Comme
toute protection, le consommateur aura probablement
à payer plus cher. Mais si on paie
plus cher et qu'on est assuré de
ne pas perdre son argent, c'est peut-être
une bonne chose. Alors qu'en ce moment,
ce n'est pas évident. »
En conclusion
La résidente montréalaise
tire des leçons de sa mésaventure : « Économiser
400 $ pour en perdre 4 000
Je
ne pense plus racheter ce type de forfaits. »
Le voyageur qui avait acheté des
billets pour la Tunisie a finalement été
remboursé par l'Office de la protection
du consommateur après 11 mois d'attente.
Quant à la cliente qui voulait aller
en République dominicaine, elle a
reçu un chèque six mois après
avoir fait une demande de remboursement.
Un conseil pour les
résidents québécois : faites
toujours affaire avec une agence de
voyage car si vos vacances sont annulées
à la suite d'une faillite par
exemple, vous serez indemnisés
par le fonds de cautionnement. Par
contre, si vous avez acheté
vos billets directement du transporteur
aérien, vous ne serez pas remboursés.
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Hyperliens
Les
recours possibles en cas de pépins
Barreau du Québec
Fermeture
ou faillite d'une agence de voyage
Office de la protection
du consommateur
Office
des transports du Canada
Association
canadienne des agences de voyage
Institut
canadien des conseillers en voyages
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