Que
valent les jugements de la Cour des petites
créances?
Les
citoyens ont peu de moyens pour exiger réparation
des fraudeurs et arnaqueurs en tous genres.
Et c'est pire lorsqu'il s'agit de faire
valoir ses droits auprès d'une grande
entreprise qui, elle, est appuyée
par une armée d'avocats.
Pour
que les citoyens ordinaires aient accès
à un minimum de justice, on a créé
en 1971 la Cour des petites créances.
Mais il y a aujourd'hui une ombre au tableau.
De plus en plus de gens se demandent si
les jugements de la Cour des petites créances
valent simplement le papier sur lequel ils
sont imprimés.
Journaliste : Caroline Belley
Réalisateur : Louis Faure
En
novembre 2001,
une résidente de Longueuil achète
une voiture d'occasion de Prestige Auto.
Elle croyait faire une bonne affaire, mais
après avoir parcouru 50 kilomètres,
le véhicule a rendu l'âme.
Elle téléphone au vendeur
et exige un remboursement complet de la
voiture, soit 1350 $. Prestige Auto
refuse. La consommatrice décide alors
d'engager des poursuites.
Le jugement de la
Cour des petites créances :
et après?
Elle poursuit donc
Prestige Auto et son propriétaire
à la Cour des petites créances.
Un an et demi plus tard, le jugement tombe :
Prestige Auto devra verser plus de 2000 $
à la victime. Mais cette dernière
ne reçoit pas un sou : « Moi,
je pensais qu'une fois que j'allais avoir
le jugement, eh bien une instance de justice
allait tout mettre en oeuvre pour aller
récupérer
Je vais recevoir
un chèque par la poste, quoi! »
Eh bien non. Depuis
1995, la Cour des petites créances
n'exécute plus les jugement de ceux
qui gagnent leur cause. La consommatrice
devra donc se débrouiller seule pour
récupérer son argent. Elle
a d'abord essayé de comprendre les
procédures à suivre, dans
un document annexé au jugement de
la Cour.
Des
procédures qui coûtent cher
- comme engager un huissier, un avocat,
enregistrer un bref de saisie - et qui peuvent
en décourager plus d'un, selon Ronald
O'Nary, de l'ACEF du Nord de Montréal,
un organisme de défense des droits
des consommateurs : « S'il
faut payer 200 $ en frais d'huissier
pour tenter de récupérer 500 $
- tout en n'étant pas sûr d'y
arriver - cela peut rebuter un certain nombre
de consommateurs. »
Retracer l'arnaqueur
Avant
d'entreprendre des procédures de
saisie, la résidente de Longueuil
doit d'abord retracer le propriétaire
de Prestige Auto. Elle se rend chez le vendeur
de voitures pour lui montrer le jugement
et tenter de récupérer son
argent. Peu après son arrivée,
les locaux et le stationnement s'étaient
vidés. Il n'y avait plus personne!
Elle poursuit ses recherches. Elle se rend
à plusieurs endroits. Aucune trace
du propriétaire en question. Elle
en arrive à la conclusion qu'elle
n'arrivera pas à se faire rembourser
et que le jugement de la Cour des petites
créances ne vaut rien.
Recourir au greffier
de la Cour
Depuis janvier 2003,
le greffier de la Cour est autorisé
à assister les gens dans leurs démarches.
La résidente de Longueuil essaie
de ce côté. Elle revient bredouille
du bureau du greffier. Elle n'a obtenu aucune
information lui permettant de récupérer
son argent.
Au ministère
de la Justice du Québec, on confirme
que le greffier ne peut pas faire davantage.
Selon Me Jean-Philippe Richard-Cossette,
coordonnateur des services juridiques au
ministère de la Justice, le greffier
a pour mandat de donner des informations
générales, impersonnelles.
Toujours d'après le ministère,
le greffier n'analyse pas les dossiers des
gens, car il risquerait alors de donner
des avis juridiques, ce qui lui est interdit
par la loi.
L'enquête de
La Facture
Les démarches
de la consommatrice n'ayant rien donné,
l'équipe de La Facture
a décidé de mener sa propre
enquête. En faisant deux appels, La
Facture a réussi à obtenir
le chèque de la résidente
de Longueuil. L'équipe de La Facture
a d'abord téléphoné
à la Société de l'assurance
automobile, qui l'a référée
aux assurances Jevco. En effet, Prestige
Auto détenait un cautionnement de
100 000 $ auprès de la
compagnie d'assurances Jevco. Au Québec,
les vendeurs de voitures d'occasion doivent
détenir un cautionnement. Cet argent
sert à indemniser les consommateurs
lorsque le commerçant refuse de les
rembourser, s'il a fermé ses portes
ou encore s'il a déclaré faillite.
La
résidente de Longueuil et l'équipe
de La Facture se rendent chez Jevco.
La compagnie estime que le jugement est
payable en vertu du cautionnement. Jevco
remet donc à la femme un chèque
de 2290 $ qui comprend les intérêts
et tous les frais. Grâce au cautionnement,
la consommatrice vient de récupérer
le montant total du jugement de la Cour
des petites créances.
Pour tout savoir sur
le cautionnement
Elle ne savait pas
qu'elle pouvait avoir recours au cautionnement.
Le greffier de la Cour des petites créances
ne lui a pas donné cette information.
Pourquoi? Me Jean-Philippe Richard-Cossette : « Cette
information-là est du ressort des
gens. C'est à eux de prendre les
démarches nécessaires pour
trouver cette information. »
Ronald O'Nary, de
l'ACEF du Nord de Montréal, n'est
pas du même avis : « Ils
devraient nécessairement avoir la
liste de tous les endroits où il
y a des cautionnements parce que c'est par
là qu'on est sûr d'être
payé. C'est - il me semble - une
chose évidente que tout le monde
devrait savoir, d'abord les greffiers. »
En conclusion
La Facture
a finalement retrouvé le propriétaire
de Prestige Auto. Il était au palais
de justice de Valleyfield, où il
comparaissait pour vol de voiture. Il n'a
pas eu l'air très touché par
les ennuis de sa cliente.
Hyperliens
Les
petites créances
Informations
sur la Division des petites créances.
Site du ministère de la Justice du
Québec.
Coordonnées
des palais de justice du Québec
Site du ministère
de la Justice du Québec.
Réseau
juridique du Québec : Guide des petites
créances
Dossier assez
complet sur les petites créances.
Le texte a été rédigé
par le ministère de la Justice du
Québec et l'Association du jeune
Barreau de Montréal.
ACEF
du Nord de Montréal
Section
du service d'aide aux consommateurs, pour
des demandes d'information, de l'aide individuelle
ou collective.
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