Une
marge de crédit non sollicitée
Un
résident de la région de Sherbrooke a eu
la surprise de sa vie quand il s'est rendu
compte qu'on lui avait accordé un prêt assez
important qu'il n'avait jamais demandé.
Mais ce qui l'a inquiété au plus haut point,
c'est que quelqu'un d'autre dépensait l'argent
de ce prêt.
Journaliste
: Claude Laflamme
Réalisateur : André Gariépy
En
juillet 2002, un couple veut acheter des
électroménagers et il souhaite faire financer
une partie de son achat, soit 883 $,
en profitant de la formule « Rien
à payer avant un an ».
Comme monsieur a déjà eu des
difficultés financières, c'est
madame qui fait la demande de crédit,
qui est refusée. Le couple décide
donc de faire appel au frère de monsieur.
Celui-ci accepte d'endosser le prêt pour
883 $, et signe la demande de crédit
à titre de codemandeur.
Le crédit
est accordé non pas par le magasin,
mais par la CitiFinancière, un important
prêteur d'argent. Les électroménagers sont
livrés dans les jours qui suivent.
Quelques
semaines plus tard, en visite chez le couple,
le codemandeur réalise que le couple a échangé
les électroménagers qu'il avait achetés
pour des appareils plus luxueux. Selon eux,
la CitiFinancière leur a accordé une marge
de crédit de 7000 $ et non de 883 $.
Mais ces nouveaux appareils coûtent beaucoup
plus cher, plus de 3000 $. Le couple
assure cependant le codemandeur que ce dernier
n'est plus responsable de la dette initiale
de 883 $.
« J'avais
un doute, dit le codemandeur. Je trouvais
ça drôle d'être libéré de ça et puis
je trouvais ça drôle qu'ils aient eu une
marge de crédit de 7000 $ quand ils
ne pouvaient même pas avoir 883,28 $. »
Pour
en avoir le cœur net, le codemandeur se
rend chez les Spécialistes de l'électroménager
à Sherbrooke. On l'envoie chez CitiFinancière.
Une surprise de taille l'attend : « La
CitiFinancière m'a mis au courant que j'étais
embarqué pour 3200 $ (j'étais embarqué
pour 7000 $, mais le couple était rendu
à 3200 $ et quelques) ».
Sans
avertir le codemandeur, la CitiFinancière
a ouvert une marge de crédit de 7000 $
chez les Spécialistes de l'électroménager
pour lui et sa belle-sœur. Contrairement
à ce qu'il pensait, la demande de crédit
ne se limitait pas au seul achat de 883 $.
Le codemandeur affirme qu'au moment de l'achat,
il n'a jamais été question d'une marge de
crédit qui pourrait être plus élevée.
Subitement,
le couple quitte la région sans prévenir
le codemandeur. La belle-sœur, qui avait
fait la demande de crédit, déclare faillite
peu de temps après. La CitiFinancière se
tourne alors vers le codemandeur. Elle le
tient maintenant seul responsable de la
dette de 3242 $.
Me
Daniel Belleau est avocat dans le domaine
de la consommation : « Lui
réclamer 3000 $ alors qu'on ne renvoyait
qu'à un montant de 800 $, à la base
même, peu importe que ce soit un cas de
consommation, il y a un problème. Deuxièmement,
il fallait que monsieur puisse donner un
consentement libre et éclairé, et lorsqu'on
lui a présenté des documents, on ne parlait
que d'un montant de 800 $. Alors, comment
a-t-il pu s'engager pour plus de 800 $? »
Les
Spécialistes de l'électroménager ont refusé
d'accorder à La Facture une
entrevue à la caméra. Ils admettent par
contre n'avoir jamais parlé de limite de
crédit au codemandeur. Ils affirment que
ce n'était pas à eux de le faire.
Le
formulaire que le codemandeur a signé ne
fait aucune mention d'une marge de crédit
de 7000 $. Par contre, dans ce formulaire,
on parle d'un contrat joint en annexe. Le
codemandeur affirme qu'il n'a jamais vu
cette annexe.
Ce n'est qu'après avoir porté plainte auprès
de la CitiFinancière qu'il a obtenu une
copie du contrat qu'on aurait dû lui remettre
au moment de la signature. Un texte de trois
pages écrit en petits caractères et pas
facile à comprendre.
Me Daniel
Belleau : « Il faut absolument
que le consommateur puisse comprendre de
façon simple, claire, nette et précise,
dès le moment où il appose sa signature,
le montant pour lequel il s'engage ».
Non seulement le contrat de la CitiFinancière
est incompréhensible, mais en plus, il
contrevient à la Loi sur la protection
du consommateur.
Me Belleau :
« On aurait dû trouver un
document qui s'apparente à ce qu'on appelle
l'annexe 4 de la loi, qui est très claire,
à son article 1, montant jusqu'à concurrence
duquel le crédit est consenti ».
Pour
que le contrat soit légal, la CitiFinancière
aurait dû indiquer clairement la limite
de 7000 $.
Me Belleau
: « Et c'est très clair qu'en voyant
le montant d'argent, une personne normale,
un consommateur raisonnable aurait compris
qu'il pouvait avoir un engagement jusqu'au
montant retrouvé à l'annexe 4, ce qui n'est
pas le cas ici ».
La
Facture a tenté de savoir pourquoi la
CitiFinancière utilise un contrat illégal.
Que ce soit à Sherbrooke, à la société
mère à New York ou à Montréal, partout
on a refusé une entrevue à l'équipe de La Facture.
L'utilisation de contrats illégaux par
la CitiFinancière pourrait avoir de graves
conséquences sur ses activités au Québec.
Elle pourrait perdre son permis de prêteur
d'argent émis par l'Office de la protection
du consommateur.
Yves
Leclair, de l'OPC : « Si
elle utilise des contrats non conformes,
c'est une raison qu'on peut invoquer pour
ne pas renouveler son permis de prêteur
d'argent ».
En attendant,
le codemandeur s'est résigné à payer la
CitiFinancière.
Il y a du nouveau
dans cette histoire
La CitiFinancière
a finalement laissé tomber sa réclamation
de 3242 $. Le codemandeur n'a
eu à rembourser que les 883 $ pour
lesquels il s'était engagé. Quant au contrat
de la CitiFinancière, décrit comme illégal
par l'Office de la protection du consommateur,
il est en ce moment même étudié avec une
grande attention par le service juridique
de cet organisme. Une décision sera prise
d'ici la mi-octobre. La Facture vous
en reparlera.
Hyperlien
Loi
sur la protection du consommateur
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