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Mardi 16 septembre 2003  

          REPORTAGE

Les couvreurs sans licence

Il faut se méfier lorsqu'un entrepreneur frappe à votre porte et vous offre de refaire votre toit. Il pourrait bien vous faire plutôt les poches. De nombreux propriétaires de maison du Québec ont déjà été victimes de ce type de fraude. Les consommateurs sont-ils protégés contre ces escroqueries? La Régie du bâtiment du Québec a le mandat de contrôler les arnaqueurs de ce genre, mais est-elle vraiment efficace?

Journaliste : Yvan Lamontagne
Réalisateur : Claudine Blais


Une dame est propriétaire d'un duplex à Montréal. À l'automne 2002, le toit coule. Le travail doit être fait rapidement. Un entrepreneur lui offre alors de refaire le toit pour 3900 $, taxes incluses. Il demande un acompte de 1000 $ pour acheter du matériel. Il propose de revenir quelques jours plus tard pour faire le travail. Le supposé couvreur n'est jamais revenu.

Cette propriétaire fait partie d'un trop grand nombre de personnes flouées par un couvreur fraudeur qui ne détient pas de licence de la Régie du bâtiment du Québec. Elle lui a fait confiance sans vérifier sa compétence et lui a donné 1000 $ en acompte.

« Une vingtaine de fois, je suis restée à la maison parce qu'il devait venir. [...] Je n'ai jamais plus entendu parler de cet homme. » - La propriétaire

Le fraudeur en question a son annonce dans les Pages jaunes. Mais à la Régie du bâtiment du Québec, il n'y a aucun numéro de licence à son nom. Il donne plusieurs adresses à ses clients, mais elles sont toutes fausses.

« Ce n'est pas quelque chose qu'on admet facilement, se faire rouler. [...] J'ai eu confiance. Il y avait le père, la mère, le fils, toute une famille. Je pensais que c'était une famille honnête. » - La propriétaire

La Facture a trouvé les parents du couvreur fraudeur. Ils prétendent n'avoir rien à voir avec les couvertures de toit et ajoutent qu'ils ne veulent pas entendre parler de leur fils. Le fraudeur est introuvable. Mais selon les sources de La Facture, il travaillerait toujours illégalement comme couvreur.

La Facture a voulu connaître l'ampleur de ce phénomène d'illégalité chez les couvreurs. Sur l'île de Montréal, La Facture a découvert que 23 couvreurs répertoriés dans les Superpages de Telus ne possèdent pas la licence de la Régie du bâtiment du Québec. Cela signifie qu'un couvreur sur quatre travaille illégalement. Dans les Pages jaunes de la région de Québec, on répertorie 11 couvreurs, soit presque 1 sur 5, qui fonctionnent sans licence ou avec une licence expirée.

La propriétaire du duplex a bien demandé au couvreur s'il avait sa licence de la Régie. Le fraudeur lui a répondu que oui et qu'il allait lui montrer sa carte lorsqu'il reviendrait. En fait, tout couvreur est obligé d'afficher son numéro de licence. Que ce soit sur ses contrats, sur ses véhicules ou dans les annonces publicitaires qui paraissent dans les annuaires téléphoniques.

Quelles sont les responsabilités des annuaires téléphoniques dans tout cela? Pierre Carrière, du Groupe Pages jaunes, donne la réponse suivante : « On a quelques centaines de milliers d'annonceurs. Quand on rencontre un client, on agit de bonne foi et on présume que le client aussi agit de bonne foi. […] Nos représentants rencontrent nos clients et les informent de l'importance de bien s'annoncer, mais aussi des sanctions qui pourraient leur être imposées [par la Régie] s'ils ne suivaient pas les règles du jeu. »

La Régie du bâtiment du Québec est le seul organisme mandaté pour intervenir dans la rénovation résidentielle. Michel Lebuis, de la RBQ : « L'objectif ultime, ce n'est pas de poursuivre les entrepreneurs, c'est de les amener à régulariser leur situation. Mais c'est sûr que si des gens commettent des infractions, la Régie prend ses responsabilités et les poursuit ».

L'an dernier, la Régie du bâtiment a engagé plus de 130 poursuites contre des couvreurs. L'un d'entre eux fait de la publicité pour ses deux compagnies dans les Pages jaunes. Deux compagnies sans licence, aux pratiques parfois douteuses. En janvier dernier, La Facture en parlait dans un de ses reportages. Le couvreur en question faisait alors face à deux poursuites de la Régie du bâtiment du Québec : l'une pour avoir agi sans licence, et l'autre pour avoir utilisé le nom de quelqu'un d'autre en vue d'obtenir un contrat.

Ces poursuites n'ont jamais empêché le couvreur en question d'obtenir de nouveaux contrats. La Facture a filmé une de ses équipes au travail en mai dernier, à Montréal. Il n'y avait aucune identification sur le camion de la compagnie, mais le propriétaire des lieux nous a confirmé qu'il a bel et bien fait affaire avec ce couvreur. Celui-ci refuse de nous accorder une entrevue, mais affirme ne plus faire de couverture.

Comment se fait-il qu'un si grand nombre de couvreurs travaillent dans l'illégalité, sans être dérangés par la Régie du bâtiment du Québec?

Un autre entrepreneur-couvreur répond aux questions de La Facture. Il tient à rester anonyme. Il explique pourquoi il travaille illégalement depuis trois ans : « Si notre bilan ne présente pas un fond de roulement de 10 000 $, il n'est pas possible pour nous d'avoir une licence. Ce n'est pas parce que j'ai perdu de l'argent dans les années passées que ça fait de moi un mauvais entrepreneur. Alors à mes yeux, j'ai toujours une licence ».

Selon ce couvreur, les risques de se faire prendre par la Régie sont minimes. Même sans permis, il s'annonce dans les Pages jaunes. Il y affiche le numéro de sa licence expirée. Il prétend gagner entre 300 000 $ et 500 000 $ par année.

La Régie du bâtiment a 150 inspecteurs et 40 enquêteurs spéciaux dans toute la province. Mais ces derniers ciblent-ils les bons chantiers? La Régie établit ses priorités d'intervention en tenant compte des déclarations de travaux des municipalités. Avec les permis municipaux, la Régie obtient de l'information sur les contrats et les entrepreneurs. Mais il y a un problème. Dans bien des villes, les propriétaires n'ont pas besoin de permis pour faire refaire leur toit.

De toute évidence, la Régie passe à côté d'un grand nombre de couvreurs fraudeurs en se basant sur les demandes de permis municipaux. Lorsqu'elle attrape un couvreur au travail sans licence, il est passible d'une amende allant de 700 $ à 2800 $.

« Vous avez beau donner l'amende à qui vous voudrez. Si le gars n'est pas identifiable ni facile à retracer, il va continuer à travailler et vous ne pourrez rien faire contre lui », ajoute l'entrepreneur-couvreur, qui a tenu à rester anonyme.

C'est exactement ce que vit la propriétaire du duplex, qui veut poursuivre le couvreur. Celui-ci est introuvable. « La première lettre, je l'ai écrite le 14 décembre 2002; la deuxième, le 19 décembre; la troisième, c'était le 21 février. Et [ainsi de suite], je les ai toutes. »

La dame a tout de même fait refaire le toit par un professionnel ayant une licence, qui lui garantit son travail. Il lui a fait signer un contrat, portant la mention « Payable à la fin des travaux ».

Si la Régie du bâtiment du Québec était plus efficace dans ses interventions, peut-être que cette propriétaire n'aurait pas perdu son acompte de 1000 $. L'entrepreneur-couvreur consulté a même quelques suggestions pour la RBQ. « Pour les entrepreneurs sans permis [...], les mauvais entrepreneurs, je pense [qu'on pourrait saisir] leurs biens, leur équipement. Faire en sorte d'empêcher les véhicules de circuler. Il y a plein de moyens [de les arrêter]. »

Peut-on parler d'actions « frileuses » de la part de la Régie du bâtiment du Québec? « Non, ce ne sont pas des actions frileuses, ce sont tout simplement des priorités d'action qu'on se donne en fonction de nos ressources, des moyens du bord », répond Michel Lebuis.

« Je me suis fait avoir, encore à mon âge, et je ne l'admets pas. Je me suis fait avoir sur toute la ligne », conclut la propriétaire.

 

En conclusion, si quelqu'un sonne à votre porte et vous offre de refaire votre toit, demandez-lui s'il a son permis de vendeur itinérant de l'Office de la protection du consommateur. La loi l'exige. Dans tous les cas, ne faites affaire qu'avec les couvreurs qui ont un numéro de licence émis par la Régie du bâtiment du Québec, et prenez la peine de vérifier la validité de ce numéro auprès de la Régie. De plus, exigez un contrat détaillé, et si on vous demande un acompte, versez le plus bas montant possible. Enfin, ne faites surtout jamais de paiement final avant que les travaux ne soient terminés.

 

Hyperliens

Office de la protection du consommateur

Régie du bâtiment

« Pensez-y :  le travail au noir, c'est toujours trop cher! »
Un document de la Régie du bâtiment du Québec