Les
contrats : des documents souvent illisibles
et incompréhensibles
Vous
êtes-vous acheté un téléviseur
ou encore une voiture dernièrement?
L'animateur de La Facture, Pierre Craig,
s'est acheté un véhicule neuf
en mai dernier. Mais avant de s'installer
derrière le volant, il a dû
signer cinq contrats. Il les a parcourus
un peu rapidement. Ce n'est qu'après
avoir signé qu'il a découvert
que l'une des clauses lui interdisait d'utiliser
son véhicule pendant plus de 30 jours
à l'extérieur du Québec
sans un consentement écrit de la
compagnie qui finance l'achat.
Pierre Craig a tout de même eu de
la chance : ses contrats étaient
lisibles. Ce qui est loin d'être toujours
le cas.
Journaliste
: Alain Roy
Réalisateur : Louis St-Pierre
Dans
une vie, on en voit passer des contrats!
Toutes sortes de contrats, que l'on signe
souvent les yeux fermés. Mais si
on ouvre grands les yeux, qu'est-ce qu'on
voit au juste? Des petits caractères?
Des clauses longues et incompréhensibles?
Pour se faire une idée, La Facture
a choisi cinq contrats au hasard. D'abord,
quatre contrats préimprimés
et non négociables (téléphone
cellulaire, carte de débit, location
de voiture, financement d'achats). Et pour
finir, un prêt hypothécaire,
le seul de ces contrats pouvant être
négocié.
Un petit groupe de consommateurs a accepté
de les décortiquer pour La Facture.
Quatre spécialistes ont aussi participé
à l'exercice : Judith Renaud,
optométriste, Benoît Moore,
professeur de droit, Jean-Yves Morin, linguiste,
et Madeleine Plamondon, directrice du Service
d'aide aux consommateurs de Shawinigan.
Les petits caractères
Les consommateurs recrutés par La Facture
se butent à un premier obstacle lorsqu'ils
tentent de déchiffrer les contrats :
des caractères si petits qu'ils sont
à peine lisibles. L'un d'entre eux
fait le constat suivant : « Sur
place, je n'aurais pas la patience de lire
des caractères [petits] comme ça.
Je ne porte pas de lunettes, mais j'en aurais
besoin pour les lire ».
Un autre consommateur avoue qu'il ne prend
pas le temps de lire de telles clauses lors
de l'achat d'un téléviseur : « C'est
long, c'est fastidieux; je veux ma télé ».
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L'optométriste
Judith Renaud
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Quant aux spécialistes qui collaborent
à l'enquête de La Facture,
ils en arrivent au constat suivant :
trois des cinq contrats sont pénibles
à lire. C'est le cas notamment du
contrat de crédit « Achetez
maintenant et payez plus tard »
de Crédiplan (Banque Nationale).
Certaines parties du contrat de location
de voitures de Toyota sont illisibles : « Je
n'ai pas été capable de lire
ce côté-là du contrat.
Pourtant, je suppose qu'il y a des choses
importantes dans cette section. C'est sûr,
toutes les garanties sont là ».
- Madeleine Plamondon, directrice du SAC
Un autre document est lui aussi en partie
illisible, selon Mme Plamondon :
le verso du contrat de service du téléphone
cellulaire Telus. Cette section est tellement
pâle qu'il est impossible de lire
quoi que ce soit : « Les
consommateurs pourraient aller en cour avec
un contrat aussi pâle ».
- Madeleine Plamondon, du SAC.
Une clause illisible peut être annulée
par un tribunal. Des articles de la Loi
sur la protection du consommateur et du
Code civil du Québec le permettent.
Mais ils sont très rarement invoqués
devant les tribunaux.
Des documents incompréhensibles
Une fois que le consommateur réussit
à lire le contrat, un autre obstacle
se présente : les textes sont
souvent incompréhensibles. Le commentaire
d'une consommatrice : « Il
faudrait que j'aille à l'université
quelques années pour pouvoir les
comprendre; mais même là, je
ne suis pas sûre de pouvoir comprendre
ces contrats-là ».
Jargon, termes techniques inconnus, phrases
interminables : il y a de quoi s'y
perdre. On a même découvert
dans la clause d'un contrat hypothécaire
une phrase de 122 mots! Le linguiste
Jean-Yves Morin : « En
haut d'une trentaine de mots, on est absolument
incapable, sans revenir sur la phrase plusieurs
fois, de comprendre son contenu ».
Le linguiste a calculé qu'il
faut à peu près une heure
pour lire attentivement un contrat.
Attention aux clauses qu'on
ne lit pas!
Le consommateur devrait lire attentivement
les contrats qu'il signe, car on accepte
parfois des clauses étonnantes! Par
exemple, dans le contrat de la carte de
débit Accès-D de Desjardins,
une clause mentionne que les « opérations
effectuées avec ces cartes sont assujetties
à des conditions et règles
particulières édictées
de temps à autre ». Cette
clause signifie que la banque pourra changer
les règles quand elle le voudra,
conclut le professeur en droit Benoît
Moore.
Il
y a aussi cette clause, perdue au verso
du contrat de Telus, qui engage le consommateur
à ne pas intenter de recours collectif.
La Facture a fait des vérifications
sur le sujet et cette clause de Telus est
de toute façon invalide au Québec.
En effet, même dans un contrat, personne
ne peut renoncer à un droit accordé
par une loi.
« Il y a une pression
tout le temps. La pression, c'est que tu
signes. Si tu ne signes pas, tu vas ailleurs.
Si tu vas ailleurs, ce sera le même
contrat. » - Un consommateur
Une complexité volontaire?
Des conditions tirées par les cheveux,
écrites en caractères minuscules,
avec des phrases trop longues et compliquées...
Pourrait-on dire que ceux qui écrivent
ces contrats pratiquent la complexité
volontaire?
« Est-ce qu'ils font exprès
pour décourager la lecture? Je vous
dirais, d'un côté, peut-être
que oui. D'un autre côté, je
vous répondrais, de façon
un peu caustique : pourquoi feraient-ils
cela? Parce que de toute façon, qu'on
les lise ou non, ils ne modifieront pas
leurs contrats. » - Benoît
Moore, professeur de droit
M. Moore ajoute que le client est
en partie responsable et que, s'il ne comprend
pas certaines clauses, il devrait avoir
le réflexe de poser des questions.
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Madeleine
Plamondon, du SAC
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Pour Madeleine Plamondon, du SAC, si les
contrats étaient bien écrits
et faciles à lire, les gens les liraient.
Elle estime qu'il faudrait établir
des normes dans ce domaine : « Il
faudra en venir à dire que tout contrat
doit être écrit avec une grosseur
de caractère minimale, et que les
exclusions, les restrictions et les limites
d'un contrat doivent être en caractère
gras. Il va falloir aller plus loin ».
Les lois vous protègent-elles contre
ce type de contrats? Non. Seul le Code civil
stipule que toute clause d'un contrat doit
être lisible et compréhensible
pour une personne raisonnable. Mais pour
utiliser cette loi, le consommateur doit
prouver que son contrat lui a fait subir
un préjudice. Très peu de
gens utilisent ce recours.
Est-il possible de faire mieux? Oui. Aux
États-Unis, certains États
vont jusqu'à réglementer le
nombre de syllabes par mot et le nombre
de mots par phrase pour s'assurer que les
contrats seront accessibles et compréhensibles
Hyperliens
Article
1436 du Code civil
Loi
sur la protection du consommateur
Service
d'aide au consommateur - Shawinigan
Chambre des notaires du Québec
Barreau
du Québec
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