La
police leur donne une contravention de plus
de 100 $ à cause de leur casque
de moto
Il
y a au Québec près de 102 000 motos
qui circulent sur les routes durant la belle
saison. Tous ces motocyclistes et leurs
passagers portent un casque. On en compte
plus de 200 000. Mais faites attention,
il y a des casques légaux et des casques
illégaux!
Le
problème, c'est qu'on ne s'entend pas au
Québec sur ce qu'est un casque légal!
Des contraventions pour des
casques de moto jugés illégaux
Le
26 mai 2002, un homme étrenne sa nouvelle
moto - une Harley - dans les Laurentides.
Un policier l'arrête à l'entrée de Prévost
et vérifie son casque de moto. Un casque
tout neuf, acheté en même temps que la Harley.
Le policier avise le motocycliste que le
casque n'est pas conforme au code de la
sécurité routière : il lui manque l'étiquette
portant la mention FMVSS 218. L'absence
de ce sigle coûtera au motocycliste trois
points d'inaptitude et une contravention
de 105 $. Un mois plus tard, presque
au même endroit, l'histoire se répète. Un
autre homme est arrêté par la police parce
que l'étiquette de son casque n'est
pas conforme au code de la sécurité
routière : « Une
chose est sûre. Je n'ai pas envie d'attraper
des contraventions tout l'été ».
Les normes de la sécurité
routière
En vertu du code
de la sécurité routière, tous les casques
doivent respecter l'une des cinq normes
de fabrication mondialement reconnues. La
plus courante est symbolisée sous l'acronyme
« DOT » - Department
of Transportation. Cette norme américaine
s'appelle DOT FMVSS 218.
Une étiquette introuvable
Mario
Péloquin est le gérant de Moto Internationale
Montréal, le plus grand magasin d'accessoires
au Québec. Selon M. Péloquin, le fabricant
doit inscrire dans le casque les éléments
suivants pour respecter la norme « DOT » : l'étiquette
« DOT », la grandeur,
le message d'avertissement, la marque, le
pays d'origine et la date de fabrication.
Mais il n'y a aucune trace du sigle DOT FMVSS 218
exigé par les policiers. Le gérant affirme
qu'aucun des casques en magasin n'a cette
étiquette.
Serge Dextraze, président
de Cadex, est un expert dans les tests de
sécurité des casques. Il est perplexe lui
aussi : « Je n'ai
jamais vu de casque avec l'étiquette FMVSS 218 ».
Alors pourquoi exige-t-on
au Québec cette fameuse étiquette introuvable?
De nombreux motocyclistes se sont fait coincer.
La Facture a rencontré un chef de
police. Richard Girard, de la police de
Rivière-du-Nord, assure qu'il n'a pas émis
de directives sur le sujet.
Ce qu'en pense le juge
Nos
deux motocyclistes ont comparu le même jour
en cour municipale pour contester leur contravention.
Le juge Jacques Laverdure a été catégorique
: « Il faut que le casque
contienne une étiquette à l'intérieur, qui
spécifie que le casque respecte la norme
DOT FMVSS 218 […] Vous n'avez
pas cette étiquette-là, je regrette ».
Le juge affirme qu'il
ne fait qu'appliquer la loi à la lettre.
La loi stipule que « le casque
doit être muni, en tout temps, d'une étiquette
de conformité ». Mais la teneur
de l'étiquette n'est pas précisée.Cela donne
donc place à l'interprétation.
Des casques jugés
illégaux… seulement au Québec
La Facture
a posé la question à ceux qui ont créé la
norme, au département américain des Transports.
Voici la réponse de Washington : il n'est
pas nécessaire d'écrire le sigle FMVSS 218
sur le casque.
C'est
seulement au Québec que l'on exige la présence
de ce sigle sur les casques. La Facture a
demandé des explications à la SAAQ - la
Société de l'assurance automobile du Québec.
Cet organisme a écrit la loi et c'est donc
lui qui pourrait la faire clarifier. Pourtant,
la SAAQ a refusé une entrevue à La Facture.
L'expert Serge Dextraze
a testé la conformité d'un casque du même
modèle que celui de l'un de nos motocyclistes.
Selon M. Dextraze, les résultats démontrent,
sans l'ombre d'un doute, que le casque est
sécuritaire.
Il y a aussi les casques
non sécuritaires
Les motocyclistes
se disent victimes de harcèlement. Les policiers
rétorquent qu'ils ne font qu'essayer de
sauver des vies en éliminant de la route
les casques non sécuritaires, prisés par
bien des amateurs de moto. Le policier Richard
Girard : « Nous nous sommes
aperçus que, depuis plusieurs années, il
y a beaucoup de faux collants "DOT"
qui circulent. Des gens prennent des casques
non-conformes puis ils posent le collant
à l'arrière du casque ».
La Facture
a fait enquête, à l'aide d'une caméra cachée,
dans cinq commerces de la grande région
de Montréal. Trois magasins vendaient ouvertement
des casques non conformes au code de la
sécurité routière.
L'un d'eux offrait même de faux collants
« DOT ».
La
Facture a acheté un casque non sécuritaire
et y a apposé un faux collant « DOT ».
La vente de ce genre de casques est carrément
illégale. À première vue, un policier peut-il
facilement évaluer si un casque est conforme
à la norme « DOT »?
L'expert Serge Dextraze croit que oui.
« L'absence de mousse va automatiquement
déterminer si un casque est conforme. […]
Ça se voit à l'œil nu. »
Acheter la paix?
La controverse sur
l'étiquetage a pris de telles proportions
que Motovan, le plus important distributeur
canadien de casques, a décidé d'acheter
la paix. Motovan a donc exigé que les fabricants
asiatiques ajoutent une étiquette DOT FMVSS 218
dans chaque casque importé au printemps
dernier.
Dans
le milieu, on dit que le geste de Motovan
est une mauvaise solution car on se soumet
ainsi à une interprétation contestée de
la loi et on abandonne du coup tous les
motocyclistes qui ont déjà un casque sans
la fameuse étiquette. Mario Péloquin, de
Moto Internationale Montréal :
« Ceux qui ne l'ont pas vont
avoir de plus en plus de problèmes avec
les corps policiers. […] Il y a des milliers
et des milliers de personnes présentement
qui roulent avec des casques qui n'ont pas
cette étiquette à l'intérieur ».
C'est le cas de nos
deux consommateurs, qui roulent toujours
avec le même casque. L'un d'eux explique
qu'il ne voit pas pourquoi il serait pénalisé
à cause d'une mauvaise interprétation de
la loi. L'autre affirme qu'il n'a pas l'intention
de s'acheter un autre casque si le sien
est conforme au code de la sécurité routière.
Quand La Facture
a pris contact avec la Société de l'assurance
automobile du Québec en avril 2003, la SAAQ
n'avait jamais entendu parler du problème
et le qualifiait de mineur. L'équipe de
La Facture a insisté, et il y a maintenant
du nouveau.
Au début du mois
d'août, les corps policiers du Québec ont
reçu la directive de ne plus donner de contravention
pour des casques portant uniquement l'acronyme
« DOT ». Le 19 août,
la Société de l'assurance automobile du
Québec a officiellement annoncé à La
Facture qu'elle allait recommander au
ministre des Transports de modifier la loi.
L'acronyme « DOT »
sera reconnu.
Hyperliens
Code
de la sécurité routière
Société de l'assurance automobile
du Québec
Comité
d'action politique motocycliste
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