Coussins
gonflables reconstruits:
qui payera la facture?
Suite
de l'enquête
de la Facture
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L'équipement
standard des véhicules neufs comprend des coussins gonflables. C'est
un système formé d'une capsule et d'un sac.
Lors d'un accident, la capsule produit un gaz qui gonfle le sac. Ce
dernier se déploie pour éviter normalement à l'automobiliste d'être
blessé et, parfois, de mourir.
Dans
un reportage précédent, La
Facture a montré les dangers potentiels que représentaient
des coussins gonflables réusinés par une entreprise de
Québec, Coussins gonflables Demers.
Rappel de quelques faits
Cette
compagnie a vendu 11 000 coussins gonflables au Canada entre 1998 et
2001.
La majeure partie de ces coussins ont trouvé preneurs au Québec, soit
7795.
En dépit d'un ordre de rappel lancé par la Société de l'assurance automobile
du Québec en novembre 2001, seulement 238 coussins avaient été désactivés
ou remplacés, le 11 mars dernier.
C'est dire que des milliers d'automobilistes se promènent avec, juste
sous le nez, une bombe qui peut exploser lors d'un accident.
Jusqu'ici, on ne rapporte aucun décès ni blessure attribuable au déploiement
d'un coussin Demers.
Qui est responsable de la situation?
N'aurait-on
pas dû vérifier la qualité de ces coussins reconstruits?
Selon Denis Guay, le président-directeur général de Mouvement
Carrossiers Québec, il revenait à la SAAQ, de se pencher sur les méthodes
de reconstruction des coussins Demers.
Le propriétaire du lave-auto qui a fait installer des coussins reconstruits
sur sa voiture pensait que la SAAQ en vérifiait la qualité.
Il faut savoir qu'il n'existe aucune loi ni règlement spécifique aux
coussins gonflables reconstruits. Toutefois, les pièces de rechange
sur une voiture sont de juridiction provinciale.
Et,
au Québec, c'est la SAAQ qui en est responsable.
Or, celle-ci n'inspecte pas les produits réusinés, confirme maître Claude
Gélinas, porte-parole de la Société.
Pour la SAAQ, il n'y avait aucune raison de penser en 1998 que les coussins
Demers représentaient un danger potentiel.
Pas
de doute, pourtant...
Pourtant, la Société possédait déjà des indices lui permettant
de douter de la qualité des coussins Demers.
La Facture a découvert que le Groupement des assureurs automobiles,
le GAA, a tenu une importante réunion sur la sécurité des coussins gonflables
en 1998.
Le
GAA, dont le rôle est de superviser l'indemnisation des dommages
matériels lors des accidents de la route, a des liens étroits
avec la SAAQ.
Au
cours de la réunion, le GAA expose ses craintes sur les coussins fabriqués
par Stéphane Demers, comme l'explique Brigitte Corbeil,
sa vice-présidente et directrice générale,: «Il n'y avait pas
de tests scientifiques sur les coussins qu'il construisait.»
La SAAQ avait délégué son expert en coussins gonflables à la rencontre.
La Facture n'a pu lui parler, mais a reçu de la Société
une déclaration sous serment de l'expert.
Il y reconnaît avoir été présent à la réunion, mais jure avoir quitté
les lieux avant que la question de la fiabilité des coussins Demers
soit abordée.
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Autrement
dit, il n'a pas entendu les arguments qui mèneront le GAA à prendre
une importante décision.
Selon Brigitte Corbeil, la v-p de l'organisme, le danger potentiel que
représentent les coussins Demers incite le GAA à recommander à ses membres
l'utilisation exclusive de coussins d'origine du manufacturier.
Est-il possible que la SAAQ n'ait rien su de cette décision? Brigitte
Corbeil répond : «Nos gens techniques avec leurs gens techniques
se parlent sur une base régulière.»
La SAAQ reste sur ses positions
Ce qui n'empêche pas la SAAQ de rester sur ses positions.
«Il
n'y avait aucun moyen de savoir que ces coussins-là étaient défecteux
…avant que l'on puisse faire les tests,» soutient maître Claude
Gélinas, porte-parole de la Société.
Il faudra attendre trois ans après la réunion du GAA pour que les tests
soient faits.
Et la SAAQ décline toute responsabilité.
La SAAQ s'en lave les mains
Mais qui va payer?
À la question, le propriétaire du lave-auto répond que ce n'est pas
à lui de débourser les quelque 3000 $ que coûtent des coussins d'origine.
C'est qu'il craint d'être poursuivi par l'ami auquel il a vendu son
véhicule.
Il rappelle que sa voiture répondait aux normes de la SAAQ qui, pour
preuve, lui a remis une vignette.
Mais
la Société voit la chose autrement, comme l'explique Maître Gélinas,
porte-parole de la SAAQ : «Compte tenu qu'on est dans une relation
commerciale … il est très clair que tout ce processus est à la charge
des personnes concernées qui se sont procurées ces coussins-là.»
Les
individus payeront mais aussi certaines compagnies
Ce
sont non seulement des individus mais aussi des compagnies d'assurance
qui devront payer.
Car, cinq compagnies sur 134 ont transgressé la norme du GAA et obligé
leurs clients à installer quelque 300 coussins reconstruits dans leur
véhicule.
Elles se sont engagées à défrayer le remplacement de ces coussins.
Mais que se passera-t-il dans le cas de 7000 autres coussins Demers
encore en circulation, et qui ont été installés, pour la plupart, par
des carrossiers?
Le président-directeur général de Mouvement Carrossiers Québec, Denis
Guay, répond : «La responsabilité contractuelle, quand tu
vends une auto, si c'est le carrossier qui a vendu l'auto à un client,
c'est sûr et certain qu'il va absorber la note.»
Mais, ceux qui, comme le propriétaire du lave-auto, ont acheté directement
leurs coussins de la compagnie Demers, n'ont pas vraiment de recours
: la compagnie, rappelons-le, a déclaré faillite.
En attendant, ces automobilistes peuvent se procurer une trousse d'information
préparée par l'Office de la protection du consommateur, qui explique
les recours à leur disposition.
Il
faut retenir ceci : un
automobiliste ne peut pas réclamer le coût de remplacement des coussins
à sa compagnie d'assurance si ce n'est pas elle qui l'a obligé à les
installer.
Une police d'assurance protège un automobiliste en cas de sinistre,
mais pas contre un vice caché, comme c'est le cas pour les coussins
Demers.
Un
commerçant lui ouvre un compte de crédit sans son consentement
La
plupart des chaînes de magasins, comme les quincailleries à grande
surface, ont leur propre carte de crédit.
Un
couple de Laval a demandé une carte de crédit d'une quincaillerie
à grande surface par l'entremise de son entrepreneur, responsable
des travaux d'agrandissement de sa maison.
Mais à sa grande surprise, la demande de crédit a été détournée au
profit d'un quincaillier.
Le rêve d'une salle familiale
Le
couple de Laval rêvait d'une salle familiale. En septembre 2000, il
demande à un entrepreneur qui lui a été recommandé de construire la
pièce.
Les parties signent un contrat qui tient compte des préoccupations
budgétaires du couple. Ce dernier dispose de 30 000 $ et insiste auprès
de l'entrepreneur pour qu'il respecte son budget.
Les
travaux débutent et s'effectuent dans la bonne humeur.
Comme le couple fait confiance à l'entrepreneur, il lui remet 27 000
$ pour la main d'œuvre et l'achat des matériaux, sans exiger de factures
prouvant qu'il les a payées.
Le rêve s'effrite
Bientôt
un conflit éclate : l'entrepreneur réclame 10 000 $ supplémentaires.
Le couple refuse de les lui donner.
Alors l'entrepreneur abandonne le chantier non terminé et annonce
au couple qu'il recevra une facture.
Deux jours plus tard, il reçoit une facture au montant de 12 000 $
de la quincaillerie d'une petite municipalité des Laurentides située
à une centaine de kilomètres de sa résidence.
Le couple se demande pourquoi l'entrepreneur s'est procuré des matériaux
aussi loin. Autre chose que le couple ne comprend pas : un compte
a été ouvert au nom de la femme dans cette quincaillerie, sans qu'elle
en ait fait la demande.
Que s'est-il passé?
Comment
le quincaillier a-t-il fait cela? Il s'est tout simplement servi d'une
demande de carte de crédit faite auprès de la société-mère à laquelle
il est l'affilié.
Or, la femme a rempli cette demande uniquement pour permettre à l'entrepreneur
de vérifier sa solvabilité.
La Facture a rejoint le propriétaire de la quincaillerie. Il
affirme qu'il fait ça depuis 35 ans.
Mais
Sylvain Guernon, un avocat spécialisé en droit commercial,
est d'avis que le quincaillier aurait intérêt à revoir ses habitudes
: «Lorsque madame… a signé pour une ouverture de crédit… ce
qu'elle voulait, c'était une ouverture de crédit auprès de (la) société-mère,
et non pas un contrat qui a été passé directement avec (son affilié).»
D'ailleurs, le vice-président de la société-mère confirme l'analyse
de maître Guernon.
Et la société-mère condamne l'ouverture du compte-maison par son affilié,
sans l'autorisation de la cliente.
Toutefois, elle estime que le quincaillier est aussi une victime :
il a bel et bien livré les matériaux pour lesquels il n'a pas été
payé.
Le marchand prend des mesures pour se faire
payer
Le
marchand réagit au non-paiement de la facture de 12 000 $ en enregistrant
une hypothèque légale sur la maison du couple de Laval.
Un huissier annonce à ce dernier que la maison sera mise aux enchères
deux mois plus tard et qu'il devra alors avoir quitté les lieux.
Le couple n'est pas d'accord et conteste les réclamations : il est
convaincu que le règlement de la facture de 12 000 $ était compris
dans les 27 000 $ qu'il a versés à l'entrepreneur.
Ce dernier n'a pas de permis de la Régie du bâtiment.
Rejoint à sa résidence, il refuse de répondre aux questions de La
Facture.
Entre temps, le couple a dû verser 5 000 $ à un autre entrepreneur
pour terminer les travaux, et a engagé un avocat dont les honoraires
s'élèvent jusqu'ici à 10 000 $.
Une rencontre inutile
Pourtant le litige entourant la facture de 12 000 $ aurait pu se régler
à l'amiable lors d'une rencontre entre la femme, le quincaillier et
un directeur de la société-mère.
Le directeur a dit au quincaillier qu'il ne poursuivait pas la bonne
personne tandis que le commerçant a reconnu qu'il s'était fait
berner par l'entrepreneur, un proche parent.
Cela
n'a pas empêché le quincaillier de continuer à réclamer pendant un
an le paiement de la facture.
Pendant ce temps, le couple a craint de perdre sa maison.
Finalement le quincaillier a décidé de radier l'hypothèque légale.
Toutefois, le couple estime que le commerçant devrait payer une partie
des frais d'avocat engagés pour la faire radier. Car, estime-t-il,
ce n'est pas lui qui a fait une erreur, mais le quincaillier.