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« On nous met tous dans le même sac que les fraudeurs »

Québec compte rejeter des centaines de demandes de parrainage de réfugiés, après avoir resserré ses règles en raison de fraudes passées. Une décision qui provoque la colère de plusieurs organismes expérimentés.

L'entrée d'un bureau du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration.

Des organismes dénoncent la rigidité du gouvernement Legault concernant le programme de parrainage de réfugiés.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

« On ne comprend pas », lance François Rheault, l’air dépité.

Président d’un comité d’accueil de réfugiés qui réunit sept paroisses de la banlieue de Québec, il a récemment appris qu’une cinquantaine de dossiers de parrainage de réfugiés, déposés par son organisme depuis 2022, vont être rejetés par le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI).

On nous a mis devant un fait accompli et ça me scandalise. Ça fait 45 ans qu’on fait du parrainage, on a commencé avec les boat people. On n’a jamais eu aucune plainte et maintenant, on nous soupçonne de cacher de l’argent, lâche-t-il.

La raison invoquée par Québec pour refuser ces demandes? Le fait d’avoir demandé un dépôt de garantie aux futurs parrainés. Mais c’est ce qu’on fait depuis toujours. On n’a rien à cacher, soutient François Rheault.

Ces sommes, explique-t-il, permettent durant la première année de trouver un logement, des vêtements et de s’occuper des besoins de base.

La règle, c’est de ne pas faire de profits sur le dos des réfugiés. Nous, on n’en fait pas. On est bénévoles.

Une citation de François Rheault, président du Comité d’accueil aux réfugiés St-Yves

On demande environ 20 000 $, dont 10 000 $ au dépôt du dossier et le reste avec des mensualités. On demande à la famille [des parrainés] de se cotiser pour couvrir ces frais. Rien ne va dans nos poches. On dépose l’argent dans un compte bancaire et tous les intérêts leur reviennent, évidemment, insiste le président de ce comité de la Capitale-Nationale.

Or, cette pratique est désormais interdite, selon le gouvernement du Québec, en raison de fraudes décelées dans ce programme.

Comme l’ont révélé des enquêtes de Radio-Canada et du Devoir, 18 organismes ont déjà été suspendus. Certains ont par exemple demandé de l’argent à des réfugiés pour que ceux-ci soient parrainés ou pour divers services. D’autres conservaient les intérêts liés à des placements ou ont fourni à Québec de faux documents.

Une décision pour renforcer l’intégrité du programme

De nombreux autres organismes ont eux aussi été informés, dans les derniers mois, d’une volonté similaire du MIFI.

C’est catastrophique, tonne Alessandra Santopadre, qui dirige le programme de parrainage pour le diocèse de Montréal. Inacceptable, renchérit Jenny Jeanes, vice-présidente du Conseil canadien pour les réfugiés.

Des centaines de réfugiés, qui attendent de venir au Québec depuis plusieurs années, sont directement visés et pourraient ne jamais franchir l’Atlantique, déplorent ces organismes.

Six organismes ont reçu des intentions de rejet et ont été rencontrés en entrevue, confirme Gabriel Bélanger, porte-parole du MIFI.

Aux yeux du ministère de l’Immigration, ces décisions permettent de renforcer l’intégrité du programme.

Depuis que le MIFI a connaissance de l’usage des dépôts de sécurité, il indique aux organismes y ayant recours que cette pratique n’est pas permise, ajoute Gabriel Bélanger.

Si les organismes le souhaitent, ils pourront réviser le nombre de demandes soumises, en respect de leur capacité financière.

Une citation de Gabriel Bélanger, porte-parole du MIFI

Il y a eu des abus, admet François Rheault. Des organismes ont profité de la situation et ont facturé des frais pour des services. Est-ce que le MIFI va maintenant trop loin? Oui. On nous met tous dans le même sac que les fraudeurs.

Vers la fin du parrainage collectif?

Au Québec, 825 demandes d’engagement de parrainage collectif de réfugiés sont permises chaque année. Chaque organisme, selon son expérience et sa situation géographique, peut déposer entre 10 et 30 demandes.

Ces organismes, qui croulent déjà sous les demandes, devraient donc réunir des centaines de milliers de dollars, par eux-mêmes, s’ils veulent poursuivre leur mission, dénonce Hugo Ducharme, coordonnateur au Service jésuite des réfugiés.

Comment réunir ces sommes sans demander des fonds? L’argent ne pousse pas dans les arbres.

Une citation de Hugo Ducharme, coordonnateur au Service jésuite des réfugiés

Le ministère nous dit de faire une collecte de fonds avec les paroisses. Mais comment peut-on trouver ces sommes? s’insurge François Rheault.

Cette décision gouvernementale pourrait sonner le glas du parrainage collectif pour ces organismes. Ça met en péril le programme, juge Jenny Jeanes.

[Ce dépôt] est essentiel pour s’assurer que les personnes déplacées puissent démarrer une nouvelle vie de bon pied.

Une citation de Jenny Jeanes, vice-présidente du Conseil canadien pour les réfugiés

Si on nous enlève cette possibilité, ça va devenir impossible, estime François Rheault. Pourtant, on parle de familles, de vrais réfugiés, qui sont dans des camps. Des gens de la Syrie, de l’Afghanistan, de la République démocratique du Congo, du Rwanda. Au mieux, on pourra faire venir chaque année une ou deux familles, avec des collectes. C’est tout.

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