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Jeepy Tremblay : renouer avec la musique et donner au suivant

Portrait du musicien Jeepy Tremblay souriant.

Le musicien Jeepy Tremblay enregistre un album.

Photo : Radio-Canada / Pierre Beaudoin

  • Pierre Beaudoin

Après avoir vécu dans la rue à Vancouver durant quatre ans, le musicien Jeepy Tremblay réalise son rêve d’enregistrer un album. Son parcours rempli d’épreuves, mais empreint de résilience, l’amène à offrir à son tour son soutien aux gens de la rue.

C’est à l’aube de la cinquantaine que Jean-Paul Tremblay, alias Jeepy, se pose dans la région de Vancouver quelque temps après avoir quitté le Québec, à l'automne 2019, guitare à la main. Parti à l’aventure, il s'est lancé à la découverte de [s]on Canada tout en interprétant ses chansons dans les rues.

Se sentant à un tournant de sa vie, sans attache, et ayant des enfants déjà grands, il est poussé par le besoin de poursuivre ses rêves.

La musique, c’est un appel. On ne peut rien faire contre ça. Il fallait que je parte.

Une citation de Jeepy Tremblay, musicien de rue
Le musicien de rue Jeepy Tremblay dans une station de SkyTrain de Vancouver.

Le musicien de rue Jeepy Tremblay dans une station de SkyTrain de Vancouver

Photo : Fournie par Jeepy Tremblay

Lorsqu’il arrive à New Westminster, en banlieue de Vancouver, il s'installe par choix et besoin de solitude, dit-il, dans un petit boisé, près de la rivière Fraser. Il survit grâce à la générosité des passants tandis qu’il travaille sur sa musique.

Mais, en mars 2020, alors que la pandémie frappe, les rues se vident. Il n’y a personne pour l’écouter chanter, et l’argent pour survivre se fait rare. Il glisse alors vers une descente aux enfers mêlée de drogue pour oublier la faim. Au cours des années qui suivent, Jeepy Tremblay dit qu'il atteint le fond et est traversé par des idées noires.

Aujourd’hui, c’est avec beaucoup d’émotion qu’il raconte son histoire et dit qu’une lettre de son fils lui a donné la force de persévérer. 

Jeepy Tremblay se rend au studio.

Le témoignage de Jeepy Tremblay recueilli en février 2024.

Photo : Radio-Canada

L'écriture, mon exutoire

Jeepy Tremblay puise son courage dans l’écriture de ses chansons, une habitude acquise jeune pour l’aider à surmonter les drames qui, selon ses dires, ont bouleversé son enfance.

Quand ma mère était enceinte de moi, mon père est parti alors je ne l’ai jamais connu, dit-il. Mon frère a succombé à une overdose. Et, ma mère, atteinte du cancer, a fait une sorte de dépression et elle s’est laissée mourir. Alors, je me suis retrouvé seul et j'ai commencé à écrire. J'avais beaucoup à dire.

Deux guitaristes sur scène devant le mot Backabach.

Le groupe Backabach de Jeepy Tremblay dans les années 90.

Photo : Jean-Paul Tremblay

Jean-Paul tremblay pose fièrement avec sa guitare.

Jeepy Tremblay s'est retrouvé dans la rue au début de la pandémie.

Photo : Radio-Canada / Pierre Beaudoin

Sa passion pour les mots et la musique l’amène dans les années 90 à chanter avec la formation Backabach, un groupe de musique rock qui répète dans une petite maison de l'île Perrot. à Montréal.

Avec leur carte de membre de l’Union des artistes en main et quelques performances sur des bateaux de croisière et au casino de Montréal, les membres du groupe aspirent à la gloire et à la fortune.

Comme pour de nombreuses formations, toutefois, Backaback roule sa bosse tant bien que mal et se dissout une dizaine d'années plus tard, avant même d’enregistrer un premier album.

Jeepy Tremblay met alors temporairement ses rêves de musique de côté, pour se consacrer à sa famille, sans cesser d'écrire des chansons.

Trois homme pose devant une clôture colorée.

Jeepy avec Morgan Perry et Hugh Olychick, les propriétaires du studio Akashic Records.

Photo : Radio-Canada / Pierre Beaudoin

Une main tendue vers la musique

Son amour de la musique ravivé des années plus tard dans le Grand Vancouver lui aura été salutaire dans des moments difficiles. Au printemps 2022, au beau milieu de son calvaire, un passant lui offre d’enregistrer une de ses chansons dans un studio.

Il dit que c'est un tournant, car c’est là qu'il rencontre Morgan Perry et Hugh Olychick, les propriétaires du studio Akashic Records, un petit studio situé au sous-sol d’un édifice médical de New Westminster.

Le musicien de rue Jeepy Tremblay enregistre un album.

Le musicien de rue Jeepy Tremblay enregistre un album.

Photo : Radio-Canada

Le musicien de rue Jeepy Tremblay enregistre un album.

Le musicien de rue Jeepy Tremblay enregistre un album

Photo : Radio-Canada

Les propriétaires décident de l’accompagner dans son désir d’enregistrer un album, un rêve qu’il chérit depuis l’époque de Backaback. Ils lui offrent des séances d’enregistrement à rabais et leur expertise comme producteurs. Ils ont également mis sur pied une campagne de sociofinancement GoFundMe pour l’aider à terminer son album.

Jeepy chante avec tellement d'émotion et pour nous, c’est ce qu’il y a de plus important. Il a déjà plus de 300 compositions. Alors. on va continuer de travailler avec lui autant qu’il le voudra, dit Morgan Perry.

Jeepy Tremblay a enregistré quatre chansons jusqu’à présent. L’une des chansons est tirée d’un cahier qu’il s’est fait voler au début de son aventure, un recueil sur lequel il travaillait depuis 30 ans.

On l'a retrouvé cinq mois plus tard. Pour Jeepy, c’est un cadeau inestimable de la vie après une année qui a tout détruit sur son passage.

Jeepy Tremblay avec Hugh Olychick au studio Akashic Records.

Jeepy Tremblay avec Hugh Olychick au studio Akashic Records.

Photo : Radio-Canada / Pierre Beaudoin

L'une des chansons, La douceur d’une rose, raconte le bonheur qui se trouve dans les petites choses de la vie. La chanson fera partie de ce premier album en cours de création qui s'intitulera Misfit With Gravity.

« J’ai vu la douceur d’une rose,
Sur elle, je m’y repose,
L’odeur qu’elle dégage,
Me fait oublier ma rage. »
- Jeepy Tremblay

Jeepy Tremblay interprète sa chanson La douceur d'une rose

Jeepy Tremblay interprète sa chanson « La douceur d'une rose ».

Photo : Radio-Canada

Des diamants dans la rue

À travers ses épreuves, Jeepy Tremblay réalise que son expérience, aussi difficile qu’elle ait été, a aussi été une occasion de rencontrer des personnes que l’on voit tous les jours, mais à qui on ne parle jamais parce qu’elles nous font peur

Je sais que la société n'aime pas l'image que ces gens projettent. Mais quand tu t'assois avec eux, tu te rends compte qu' il y a un humain là. Ils ont toutes sortes de raisons pour être là. [...] J'ai vu de beaux petits diamants dans la rue. 

Jeepy joue de la guitare dans un studio.

Jeepy interprète sa chanson au studio Akashic.

Photo : Radio-Canada / Pierre Beaudoin

Ce sont des dizaines de personnes qui, comme lui, ont une histoire à raconter, souligne-t-il. En 2023, dans le Grand Vancouver, l’association d’aide aux sans-abri de la Colombie-Britannique a enregistré 4821 personnes disant être sans-abri, le nombre le plus élevé enregistré depuis le début de ce recensement, en 2005. 

Après être passé récemment par un centre de réhabilitation où il a pu recevoir de l’aide pour un trouble de stress post-traumatique survenu en vivant dans la rue, Jeepy Tremblay a eu envie de faire sa part pour les autres. 

Hébergé dans une maison de transition, et ce, pour les deux prochaines années, il a entrepris de suivre des cours pour devenir lui-même travailleur de rue. 

J'ai réussi à revenir grâce à l'aide d’organisations comme Union Gospel Mission, le gouvernement de la Colombie-Britannique, Spirit of Children. Ils sont là pour nous aider. J'aimerais vraiment que, si quelqu'un a de la misère aujourd'hui, qu’il comprenne que ce n’est pas en s’intoxiquant qu’il va s'en sortir. [...] Ça a pris un an, puis je suis revenu. Alors, c'est possible.

Il continue aussi de chanter l’espoir dans les rues de Vancouver. Il dédie ses chansons aux personnes vivant dans la rue et chante souvent pour une seule personne une sérénade d’amour et de compassion pour apporter un peu de bonheur et de beauté dans une réalité qui, dit-il, manque de good vibes

La rue, c'est la place où il y a le moins de good vibes. Je n'ai pas besoin de jouer dans des grandes salles. J’aime voir les yeux d'une personne quand je lui joue mes chansons. Souvent, les gens disent : "Pourquoi moi?" [Je réponds :] "Bien, parce que c'est toi."

Parfois, à la fin de sa journée, il laisse derrière lui quelques dollars dans l’espoir que quelqu'un dans le besoin les trouve.

  • Pierre Beaudoin

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