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Vivre en motel à défaut de se trouver un logement

Une façade de motel un peu défraîchie avec une architecture qui rappelle les années 80.

L'un des nombreux motels des Laurentides où vivent des gens en situation précaire.

Photo : Radio-Canada / René Saint-Louis

Dans les Laurentides, la pénurie de logements force des gens à habiter dans un motel. Le phénomène n'est pas nouveau, car les motels servent de lieux de transition depuis longtemps : entre deux déménagements, par exemple, ou lors d'une séparation quand un conjoint quitte le domicile familial. Mais le manque de logements abordables incite maintenant des gens à y vivre pendant des mois, voire des années.

Denis habite un motel à Val-David depuis plusieurs mois. Pour les mois durs de l'hiver, sinon, habituellement, j'habite dans la rue, précise-t-il.

Il paie 1050 $ par mois pour une chambre, soit davantage que le chèque d'aide sociale de 850 $ qu'il reçoit. Pour payer la différence et pour se nourrir, Denis fait la quête dans des lieux publics des Laurentides.

À ce prix, Denis pourrait-il se louer un petit logement? Non, dit-il. Et ce n'est pas faute d'avoir essayé.

Pour un trois et demie dans le nord, présentement, il n'y a vraiment rien en bas de 1200 piastres. Quand tu dis au propriétaire que tu étais sans-abri pendant tant d'années ou itinérant, ben, tu viens de te mettre des bâtons dans les roues. Ce n'est pas toi qui l'as [le logement]. Non, il y avait une liste d'attente, puis il y avait bien du monde devant toi.

Une citation de Denis, résident des Laurentides qui vit dans un motel l'hiver

On est toujours victimes de préjugés, conclut Denis, qui ne désespère pas de trouver un logement. Il est sur une liste d'attente pour obtenir un HLM ou encore une place dans un OBNL d'habitation.

En attendant qu'une place se libère, pourrait-il vivre dans une maison de chambres? C'est une option qu'il écarte sans détour. Ça ne m'intéresse pas parce que c'est souvent des places où tu trouves du monde qui a des problèmes de consommation. Moi, j'essaie de me tenir loin de cela parce que ça évite bien des problèmes, explique-t-il.

En plus, le prix d'une chambre dans une maison de chambres privée serait à peine inférieur à ce qu'il paie en ce moment. Il a donc choisi un motel calme, où il dispose d'une grande chambre et d'une salle de bain.

Un lit, un fauteuil, une table qu'on devine à droite et des vêtements accrochés ou posés sur les meubles.

La chambre de motel où vit Denis depuis plusieurs mois.

Photo : Radio-Canada / René Saint-Louis

Du soutien

Denis est aidé dans ses démarches par l'organisme L'Écluse des Laurentides, qui dispose de 13 travailleurs de rue pour couvrir la région. Mélanie Bolduc en fait partie. C'est elle qui s'occupe de Denis. Des gens qui se logent en motels, il y en a de plus en plus, constate-t-elle.

Je ne sais plus si cela a doublé ou triplé. Avant, on parlait beaucoup de consommation, de cas de santé mentale. Ce n'est plus juste ça, c'est monsieur, madame Tout-le-Monde. C'est un grand-père, c'est un oncle, c'est un père de famille, c'est une mère.

Une citation de Mélanie Bolduc, travailleuse de rue

Devant un motel de Sainte-Adèle, Robert confie qu'il préférerait lui aussi se trouver un logement. Il décrit le motel où il habite comme un lieu bruyant où il y a parfois des bagarres. Trop de clients ont une combinaison de problèmes de consommation de drogue et de troubles de santé mentale, résume-t-il.

Pendant que Robert parle, un autre locataire sort fumer une cigarette sur sa galerie tout en tenant son déambulateur. L'homme âgé préfère ne pas être nommé et dit attendre le retour du beau temps pour retourner vivre dans sa camionnette aménagée. Lui aussi songe à retourner vivre dans un logement depuis que des ennuis de santé l'ont forcé à troquer sa canne contre un déambulateur.

Des gens d'un certain âge qui vivent dans un motel ou dans leur véhicule, la travailleuse de rue Mélanie Bolduc en voit de plus en plus. Les maisons de chambres sont pleines, mais de toute façon, pour des personnes âgées, une maison de chambres, ce n'est pas vraiment leur place, dit-elle.

Peu d'options

La directrice de L'Écluse des Laurentides, Émilie Rouleau, constate pour sa part qu'une clientèle se fige dans les motels. Des gens qui avant se trouvaient un logement ne sont maintenant plus capables de s'en trouver faute d'options, note-t-elle.

Cette situation engendre des effets pervers, car les motels qui acceptaient une clientèle vulnérable, souvent des établissements vétustes installés en bordure de routes passantes, comme la route 117 dans les Laurentides, affichent maintenant complet.

De nouvelles personnes peuvent donc difficilement s'y loger puisque le roulement est faible. Ceux qui y habitent n'arrivent pas à quitter le motel.

Un petit réfrigérateur, une table basse avec des aliments, une casserole.

Denis s'est payé le luxe d'avoir un poêle à bois pour son confort personnel, dit-il. Il dispose aussi d'un petit réfrigérateur, mais il cuisine dehors sur un rond électrique de camping.

Photo : Radio-Canada / René Saint-Louis

« Cette situation a des répercussions sur le moral des gens qu'on aide », dit Stéphane Cardi, lui aussi travailleur de rue à L'Écluse des Laurentides.

D'entrée de jeu, Stéphane Cardi définit son travail comme la création de liens et d'espoir auprès de gens démunis et vulnérables. Il rappelle que le motel est un lieu de transit, un tremplin vers autre chose.

[Le motel] c'est juste pour sortir d'où tu es, que ce soit la rue ou un campement dans le bois. De là, tu vas pouvoir continuer à chercher. Mais quand on continue à chercher et qu'il n'y a rien à trouver, ben ça devient l'aboutissement.

Une citation de Stéphane Cardi, travailleur de rue à L'Écluse des Laurentides

Si le motel ne peut plus servir de tremplin, cela montre l'ampleur de la crise du logement, souligne-t-il.

Envoyés au motel par le CISSS

Les organismes communautaires ne sont pas les seuls à considérer le motel comme une option valable, bien que temporaire, pour se loger. Le CISSS des Laurentides dirige aussi des gens vers des motels.

Les placements varient normalement d'une nuitée à quelques jours et très rarement à quelques semaines, écrit Juliette Lacasse, conseillère en communications du CISSS.

Le placement en motel ne permet pas un accompagnement optimal des personnes et les coûts associés sont élevés. Il s’agit d’une mesure exceptionnelle et temporaire en contexte particulier, ajoute-t-elle.

À ce sujet, l'une des plus importantes maisons de chambres des Laurentides est actuellement en processus de fermeture, et le CISSS reconnaît que l'option du motel est envisagée pour loger temporairement les gens qui se font expulser.

Le CISSS est cependant moins pessimiste que les organismes communautaires en ce qui a trait à la possibilité de sortir des motels pour se trouver un véritable logement.

Au cours des dernières années, plusieurs personnes ayant fait le choix de vivre dans des motels ont été en mesure de trouver un logement permanent à la suite de l’accompagnement du programme ESPOIR (Équipe de suivi de proximité offrant de l'intervention en réinsertion), et ce, même considérant la faible disponibilité des logements dans la région des Laurentides, déclare-t-il.

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