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Les deux pompiers morts à Saint-Urbain n’étaient pas bien formés, confirme la CNESST

Une personne descend en rappel d'un hélicoptère de la Sûreté du Québec.

Une équipe de recherche dans le secteur où un corps ont été découvert le long de la rivière du Gouffre.

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy-Roussel

Les deux pompiers morts lors des inondations du printemps 2023 à Saint-Urbain n'avaient ni les compétences ni l'équipement nécessaire pour réaliser des sauvetages nautiques, ce qui les a mis en danger de noyade.

C'est ce que déclare la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), qui a présenté les conclusions de son rapport d'enquête sur la mort des deux pompiers volontaires.

Régis Lavoie, 55 ans, et Christopher Lavoie, 23 ans, ont péri le 1er mai 2023 en tentant de porter secours aux habitants d'une résidence isolée par les eaux de la rivière du Gouffre.

Christopher Lavoie et Régis Lavoie.

Christopher Lavoie, 23 ans, et Régis Lavoie, 55 ans

Photo : Facebook

La CNESST conclut également que le véhicule amphibie qu'ils ont utilisé pour tenter de secourir les sinistrés n'était pas approprié pour une telle opération de sauvetage.

À la dérive

Les inspecteurs de la CNESST ont fait le récit de ce qui s’est passé lors des inondations du 1er mai dernier. Vers 11 h, le directeur du service incendie se rend sur le rang Saint-Georges, à Saint-Urbain, pour vérifier si les résidents des lieux sont en sécurité. À ce moment, il note que la rivière du Gouffre est sortie de son lit et recouvre un champ en bordure du cours d’eau. Quelques résidences sont isolées. Il estime le niveau d’eau à environ un pied (30 cm).

Constatant que les citoyens se sentent en sécurité, le directeur quitte les lieux. Vers 12 h 30, les résidents rappellent le service incendie pour demander de l’aide. Croyant qu’il y a toujours une trentaine de centimètres d’eau dans le champ, le directeur demande l’intervention des deux pompiers et sollicite l’utilisation d’une embarcation pour éviter que les citoyens se mouillent les pieds. Or, la CNESST estime qu’à cette heure, le niveau d’eau avait grimpé à environ deux mètres.

Une camionnette abandonnée au milieu des eaux.

Les résidents du rang Saint-Georges étaient pris au piège dans leur maison. Il y avait environ deux mètres d'eau dans le champ voisin.

Photo : CNESST

La situation a changé très rapidement et pas pour le mieux, souligne l’inspecteur de la CNESST François Lachance.

Puisque la chaloupe appartenant à la Municipalité est déjà utilisée pour d’autres interventions, il est décidé que les pompiers emploieront un véhicule Argo appartenant à l’un d’eux. Il s’agit d’un véhicule amphibie muni de chenilles et d’un moteur hors-bord.

Vers 13 h 15, Christopher Lavoie et Régis Lavoie mettent le cap vers la résidence des sinistrés du rang Saint-Georges, mais le courant les emporte. L’embarcation part à la dérive.

Simulation de l'accident des pompiers.

Les deux pompiers morts lors des inondations du printemps 2023 à Saint-Urbain n'avaient ni les compétences ni l'équipement nécessaire pour réaliser des sauvetages nautiques, ce qui les a mis en danger de noyade.

Photo : CNESST

Le véhicule amphibie va se retrouver coincé temporairement sur un arbre, précise François Lachance. Les deux pompiers vont tenter de s'agripper à l'arbre. Malheureusement, le courant va les propulser dans la rivière.

Les corps de Christopher Lavoie et de Régis Lavoie seront retrouvés sur les rives de la rivière du Gouffre deux jours plus tard, à quelques centaines de mètres de l’endroit où ils sont tombés à l’eau.

Équipements déficients, formation inadéquate

La CNESST conclut que le véhicule Argo n’aurait pas dû être utilisé pour ce type d’intervention. Elle précise que le manuel du véhicule déconseille son usage sur une large étendue d’eau traversée d’un fort courant.

Un Argo 8x8 Frontier 650 pris en photo. Il est plein de résidus et de terre en provenance de la rivière.

Le véhicule amphibie de marque Argo a été récupéré par la Sûreté du Québec.

Photo : Sûreté du Québec

D’ailleurs, la CNESST confirme que les pompiers ne portaient pas de veste de flottaison individuelle (VFI).

Les VFI étaient dans le véhicule, mais n'étaient pas portées au moment des événements.

Une citation de Caroline Pelchat, inspectrice, CNESST

Le rapport précise également que les pompiers portaient leur habit de combat d’incendie.

Les tests nous ont permis de conclure qu’un pompier qui tombe à l’eau avec un habit de combat d’incendie, sans VFI, devient lui aussi une victime à secourir, note le rapport.

Montage de deux vestes de sauvetage pleines de boue.

Deux vestes de sauvetage ont été retrouvées à proximité du véhicule amphibie.

Photo : CNESST

La CNESST conclut également que l’absence de planification a été l’une des causes de la mort des pompiers.

La gestion de l'intervention, tant au niveau de la municipalité que du service incendie, a comporté des lacunes qui ont mené à la mise à l'eau du véhicule, mentionne l’inspectrice Caroline Pelchat.

Elle précise que la Municipalité n’a aucun plan spécifique qui dicte les interventions en cas d’inondation. Pourtant, souligne-t-elle, la région en subit chaque année.

L'état d'urgence n'est pas déclaré et les modalités du [Plan municipal de sécurité civile] ne sont pas mises en œuvre cette journée-là.

Une citation de Caroline Pelchat, inspectrice, CNESST

Finalement, la CNESST note que les deux pompiers volontaires n’étaient pas formés pour effectuer des sauvetages nautiques. Ils avaient suivi une formation de Pompier 1, dispensée par l’École nationale des pompiers du Québec (ENPQ). Celle-ci ne comporte aucune notion de sauvetage sur l’eau, ce qui les a exposés à un risque de noyade.

Une femme parle derrière un lutrin.

Caroline Pelchat, inspectrice pour la CNESST, présente les conclusions du rapport sur la mort de Christopher et Régis Lavoie.

Photo : Radio-Canada / Louis-Philippe Arsenault

À la suite de l’accident, la CNESST a exigé que la Municipalité acquière l’équipement nécessaire, encadre la planification et forme ses travailleurs sur les risques liés aux interventions sur l'eau ou près de celle-ci.

La mairesse de Saint-Urbain, Claudette Simard, n’a pas voulu commenter ce rapport. Elle souhaite préserver ses commentaires jusqu’à la fin de l’enquête publique commandée par le Bureau du coroner, qui aura lieu au cours des prochaines semaines.

Recommandations

En conclusion de son rapport, la CNESST recommande notamment à l’École nationale des pompiers du Québec de bonifier le contenu de ses formations de base afin d’y inclure des notions de sécurité lors d’interventions ou de sauvetages nautiques.

L’ENPQ indique qu’elle compte prendre connaissance des conclusions du rapport.

Une subvention de 2,5 millions de dollars a d’ailleurs été accordée à l’ENPQ par le gouvernement, pour le cadre financier 2024-2025 à 2028-2029, en vue de bonifier son offre de formation en fonction des besoins régionaux d’aujourd’hui, indique la coordonnatrice des communications à l’ENPQ, Denise Kabaka.

La CNESST recommande également au ministère de la Sécurité publique de mieux outiller les municipalités dans la mise en place de schémas de sécurité civile.

Elle demande également à l’Union des municipalités, à la Fédération québécoise des municipalités et à l’Association des chefs en sécurité incendie du Québec de rappeler à leurs membres qu’ils ont la responsabilité de s’assurer que les interventions d’urgence sont effectuées de façon sécuritaire.

La CNESST présentera ses conclusions au moment de l’enquête publique. Les audiences auront lieu à La Malbaie.

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