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AnalyseLa saison des « sottises » au Parlement canadien

Les travaux se terminent dans un climat à la partisanerie exacerbée à Ottawa.

Pierre Poilievre avec des sacs de McDonald's.

Lors de la nuit blanche du 7 au 8 décembre, Pierre Poilievre s'est présenté triomphant devant ses députés avec des repas de la chaîne de restauration rapide McDonald's.

Photo : capture d'une vidéo de Pierre Poilievre

Cette période de l’année a un surnom à Ottawa. Quand approche la fin des travaux parlementaires, que les députés sont irritables et que l’indiscipline est à son comble, on parle de la saison des sottises (« silly season » en anglais). Invectives, paralysie parlementaire, partisanerie à outrance : qui en sortira gagnant?

Le décorum en a pris pour son rhume cette semaine sur la colline du Parlement. En quelques jours, de nombreux accrochages ont retenu l’attention. Le Comité permanent des ressources naturelles a sombré dans la cacophonie la plus complète le mercredi 6 décembre quand les conservateurs ont déversé 20 000 amendements pour tenter de le paralyser.

Fermez-la! a lancé la députée bloquiste Claude DeBellefeuille après des interruptions répétées de la part de ses homologues conservateurs. Personne ne me dira de la fermer! a rétorqué le député conservateur Larry Brock.

Après cet incident, le néo-démocrate Charlie Angus a traité les députés conservateurs d’escouade de brutes.

Le même jour, le député conservateur Damien Kurek a été expulsé des Communes parce qu’il avait qualifié le premier ministre de menteur et avait refusé de retirer ses propos.

Le lendemain, Honte à vous autres!, s’est écriée, le visage rouge de colère, la ministre Diane Lebouthillier pendant la période de questions quand son adversaire conservateur Joël Godin lui a suggéré de sortir de ses Îles-de-la-Madeleine.

Cet extrait illustre le désordre qui a régné au Comité permanent des ressources naturelles mercredi après le dépôt de milliers d’amendements conservateurs.

Les tensions partisanes ont rarement été aussi vives depuis l’élection de Justin Trudeau. Pierre Poilievre a jeté de l’huile sur le feu cette semaine. Il a promis de paralyser les activités parlementaires tant que le gouvernement Trudeau n’éliminera pas la tarification sur le carbone pour les familles, les agriculteurs et les membres des Premières Nations.

Le Parti conservateur a promis de perturber des comités parlementaires et a forcé la tenue de 135 votes aux Communes, ce qui a obligé des élus à y rester plus de 24 heures d'affilée.

La leader du gouvernement en Chambre, Karina Gould, a comparé les tactiques d’obstruction conservatrices à celles de la droite républicaine au Congrès américain. Ce sont de nouveaux conservateurs qui s'inspirent de l’extrême droite aux États-Unis, a-t-elle déclaré vendredi après une nuit blanche.

Le premier ministre Justin Trudeau et Karina Gould, leader du gouvernement à la Chambre des communes, se lèvent pour voter sur une motion lors d'une séance marathon, à Ottawa, le vendredi 8 décembre 2023.

Le premier ministre Justin Trudeau et Karina Gould, leader du gouvernement à la Chambre des communes, se lèvent pour voter sur une motion lors d'une séance marathon à Ottawa le vendredi 8 décembre 2023.

Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld

La légitimité du blocage conservateur

La scène était inusitée : Pierre Poilievre est arrivé en renfort dans la nuit de jeudi à vendredi, l’air victorieux, avec deux grands sacs de McDonald’s pour nourrir ses troupes pendant le marathon de vote. Le chef conservateur a été accueilli en héros sous les applaudissements de ses députés.

Dans l’esprit des élus conservateurs, il n’y a aucun doute que ces manœuvres servent une juste cause. À leurs yeux, la tarification sur le carbone fait mal aux Canadiens et il faut l’éliminer à tout prix. Ils ne sont pas les seuls. Un sondage Angus Reid publié à la mi-novembre indiquait que 42 %  (Nouvelle fenêtre)des Canadiens souhaitaient son abolition.

La fin justifie les moyens. C’est une victoire pour nous parce qu’on a réussi à retarder [le programme] destructeur de Justin Trudeau d’une journée, a fait valoir le député conservateur Luc Berthold entre deux votes vendredi. Cette stratégie permet à Pierre Poilievre d’énergiser son caucus et ses militants.

Tous les partis ont eu recours à diverses tactiques d’obstruction parlementaire au fil des ans pour faire avancer leurs objectifs politiques.

Le chef conservateur Pierre Poilievre au moment de se lever pour voter sur une motion lors d'une séance qui devait durer toute la nuit à la Chambre des communes le vendredi 8 décembre 2023 à Ottawa.

Le chef conservateur Pierre Poilievre à la Chambre des communes le 8 décembre.

Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld

Cet épisode soulève quand même une question de légitimité pour l’opposition officielle. Pierre Poilievre peut-il justifier le blocage du fonctionnement du Parlement parce qu’il s’oppose à une politique appuyée par une majorité de députés aux Communes?

Les Canadiens ont eu l’occasion de se prononcer sur la tarification du carbone lors des deux dernières élections fédérales et ont élu une majorité de députés en faveur de cette politique.

Et les Canadiens dans tout ça?

Au-delà de la joute politique, cette obstruction parlementaire aura des effets concrets. Le marathon de vote qui a monopolisé les Communes coûtera environ un million de dollars aux contribuables, selon les calculs du leader parlementaire du Nouveau Parti démocratique, Peter Julian. Il faudra notamment payer les heures supplémentaires des employés du Parlement qui ont dû rester debout toute la nuit.

Or, l’impact le plus significatif sera d'ordre législatif. L’adoption de projets de loi importants est retardée. Les projets de loi C-56 et C-59 comprennent de nombreuses mesures qui visent à accélérer la construction de logements au pays et à atténuer les répercussions de la crise du coût de la vie pour les Canadiens.

La tour de la Paix sur la colline du Parlement le vendredi 8 décembre 2023 à Ottawa.

La tour de la Paix sur la colline du Parlement le vendredi 8 décembre 2023 à Ottawa.

Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld

Paradoxalement, les conservateurs repoussent des mesures qui pourraient aider les gens qu’ils cherchent à défendre en ce qui a trait à des questions dont ils ont fait une priorité.

Les dérapages de la dernière semaine pourraient donner le ton à la joute parlementaire d’ici les prochaines élections.

À l’approche des Fêtes, les Canadiens espéraient peut-être que les partis fédéraux réussiraient à mettre leurs différends de côté pour mettre en œuvre des solutions rapides et concrètes à leurs problèmes. Pour ce qui est de l’unité et de la solidarité, ils devront les chercher ailleurs.

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