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Le Nouveau-Brunswick pourrait-il manquer d’électricité en hiver?

Le ministre du Développement de l'énergie a récemment déclaré que le Nouveau-Brunswick a failli manquer d’électricité pendant une vague de froid en 2023. Alors que le mercure commence à descendre, doit-on s’inquiéter de ne pas pouvoir rester au chaud pendant la saison froide? Des experts en énergie font le point.

Un barrage hydroélectrique.

Le barrage hydroélectrique de Mactaquac d'Énergie NB situé sur le fleuve Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick.

Photo : Radio-Canada / Michèle Brideau

Le Nouveau-Brunswick a atteint un record de consommation d’électricité en 2023. Puisque que la demande en énergie est appelée à augmenter au cours des prochaines années, des spécialistes estiment que la capacité de production pourrait être mise à rude épreuve pendant les jours les plus froids de l'hiver.

Le 4 février dernier, plusieurs régions du Nouveau-Brunswick ont été confrontées à une vague de froid sans précédent. À Moncton, le mercure a plongé à -28,1 °C, battant ainsi un record de plus de 100 ans.

Un camion d'Énergie NB.

La vague de froid de février 2023 a aussi entraîné d'importantes pannes d'électricité à l'échelle du Nouveau-Brunswick. (Photo d'archives)

Photo : CBC / Shane Fowler

Ce samedi de février, un record de consommation d’électricité a aussi été brisé, alors que la demande de pointe a atteint 3442 mégawatts, brisant un record vieux de près de 20 ans.

Ce jour-là, la capacité de production d’Énergie NB a presque été dépassée.

Une situation appelée à se reproduire

Les projections de la société d’État laissent présager que les besoins en énergie iront en augmentant au cours des prochaines années.

Au printemps, un représentant d’Énergie NB a expliqué devant un comité de députés que c’est la croissance démographique et économique qui en est responsable.

Il s’agit d’une tendance, a déclaré l’ingénieur en chef du nucléaire Andy Hayward. Nous allons régulièrement établir des records de demande de pointe à l’avenir.

C’est la raison pour laquelle Fredericton prend des mesures visant à assurer la sécurité énergétique de la province.

Mike Holland en mêlée de presse.

Le ministre Mike Holland affirme que la vague de froid de février a entraîné une situation d'urgence qui aurait pu avoir des répercussions importantes sur les clients d'Énergie NB. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Michel Corriveau

Le ministre des Ressources naturelles et du Développement de l’énergie, Mike Holland, a d’ailleurs récemment présenté un projet de loi visant à interdire la vente d’électricité aux projets de fermes de cryptomonnaies, réputées pour être très énergivores.

C’est lors de la présentation de cette initiative que le ministre Holland a affirmé que l’épisode de froid de février a fait en sorte que nous sommes passés très près de ne même pas pouvoir allumer les lumières avec la génération d’électricité que nous avons.

Pour Yves Gagnon, professeur d'ingénierie à l’Université de Moncton, la déclaration du ministre est empreinte de sensationnalisme puisqu’elle laisse entendre que toute la province manquerait d’électricité si la demande de pointe excédait la capacité interne de production interne de la province.

Une situation d’urgence

En effet, la réalité est un peu plus complexe que celle décrite par le ministre Holland.

Avant que les citoyens soient incapables d’éclairer ou de chauffer leur maison lors d’un événement de froid extrême, Énergie NB déploie une série de mesures visant à augmenter la quantité d’électricité offerte sur son réseau.

Parmi les mesures, les exportations d’énergies à l’extérieur de la province sont suspendues. Lorsque la demande d’électricité interne excède l’offre, le Nouveau-Brunswick peut aussi acheter de l’énergie auprès de ses voisins.

En février, c’était toutefois impossible puisque le Québec n’a pas pu nous fournir d’énergie en raison des températures extrêmement froides qui ont également entraîné une forte demande d’électricité dans cette province, a indiqué dans un courriel Dominique Couture, porte-parole d’Énergie NB.

Délestage de clients industriels

La vague de froid de février a poussé la capacité de production de la province à ses limites. Énergie NB s’est même vue obligée d’enclencher une procédure d’urgence visant à réduire la consommation des clients industriels les plus énergivores de la province.

Bien que ce genre de scénario ne se soit jamais produit, il en aurait fallu peu pour qu’Énergie NB soit aussi obligée de procéder à des interruptions d’électricité contrôlées dans les ménages néo-brunswickois.

En février, c’était une situation assez sérieuse et c’est le plus proche que nous sommes venus à devoir faire du délestage chez les clients.

Une citation de Dominique Couture, porte-parole d'Énergie NB

D’après Énergie NB, il est peu probable que ces mesures, qualifiées de dernier recours qu’en cas d’extrême urgence, soient un jour déployées. Celles-ci seraient toutefois réparties de manière à minimiser l’impact sur les clients tout en garantissant la stabilité du réseau.

Mauvaise planification

D’après Simon Langlois-Bertrand, un associé de recherche à l’Institut de l’énergie Trottier, le fait de s’approcher aussi près de la limite de capacité de production lors de périodes de forte demande est symptomatique d’un manque de planification.

C’est notamment l’une des conclusions d’une analyse stratégique du secteur de l’électricité dans le centre et l’est du Canada à laquelle il a collaboré.

Qu’on se retrouve en 2023 et qu’on n’ait pas assez d’électricité au mois de février, ça montre à quel point on a manqué le bateau dans cette planification, on a beaucoup de rattrapage à faire.

Une citation de Simon Langlois-Bertrand, associé de recherche à l'Institut de l'énergie Trottier

Yves Gagnon, qui se spécialise en énergie renouvelable, ne mâche pas ses mots. La situation démontre une fois de plus l’amateurisme dans le secteur de l’énergie au N.-B.

La situation est d’autant plus critique que l’électrification du transport et de l’économie va considérablement faire grimper la demande en électricité dans la province.

Yves Gagnon.

Yves Gagnon, professeur d'ingénierie à l'Université de Moncton et spécialiste en énergies renouvelables, est d'avis que le N.-B. sous-exploite l'électricité verte.

Photo : Radio-Canada

Pour y faire face, Yves Gagnon plaide notamment pour une plus grande interconnexion du Nouveau-Brunswick avec ses voisins afin de faciliter le partage d'électricité. Il faut aussi prendre des mesures pour réduire la demande.

Le Nouveau-Brunswick doit accroître son efficacité énergétique, et mettre en place des mécanismes de gestion de la demande, dont la mise en place d’un réseau intelligent, analyse le professeur.

Il cite en exemple le Japon où l’eau chaude résidentielle est chauffée la nuit, en période de faible de demande.

Efficacité énergétique

Énergie NB assure multiplier ses efforts visant à réduire l’usage résidentiel de l’électricité, qui représente près de 40 % de la demande dans la province, grâce à de nombreux programmes d’efficacité énergétique. Des démarches semblables ont aussi lieu du côté des entreprises et des industries.

Le Plan intégré des ressources d’Énergie NB, paru en 2023, aborde d’ailleurs plusieurs de ces défis et des solutions proposées pour les surmonter.

Larry Hughes, un professeur à l’Université Dalhousie qui s’intéresse à la sécurité énergétique, constate lui aussi qu’il aurait fallu y réfléchir bien avant et que la province semble aujourd’hui être mal préparée.

Le problème, c’est qu’avant d’avoir amélioré l’efficacité énergétique d’un assez grand nombre de foyers pour réduire la demande en énergie, la situation de février 2023 se sera reproduite à de nombreuses reprises, craint le professeur.

Une thermopompe.

Les thermopompes sont présentées comme une alternative au chauffage au mazout.

Photo : getty images/istockphoto

Augmenter la capacité de production d’électricité peut aussi faire partie de la solution, mais il s’agit là aussi d’une solution à long terme, ajoute-t-il.

C’est une question de temps et d’échelle, dit Larry Hughes. Il faut pouvoir agir rapidement et à une échelle suffisamment grande pour que l’impact soit significatif, mais c’est long.

Simon Langlois-Bertrand fait le même constat. D’ici à ce que le Nouveau-Brunswick réussisse à réduire sa demande ou à augmenter sa capacité de production d’énergie verte, il faudra peut-être se résigner à utiliser certaines sources polluantes.

Évidemment, ce sont des efforts qu’il faut faire, mais si on parle de solutions à court terme, je ne suis pas sûr que ça va permettre de livrer la quantité d’énergie dont on a besoin pour les prochaines années, dit-il, ajoutant que les solutions déployées aujourd’hui ne pourront compenser les problèmes résultants de la mauvaise planification.

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