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Jeunes LGBTQ+ : une « vieille forme de haine habillée dans un nouveau discours »

Des observateurs craignent que les propos exprimés lors des manifestations contre « l'idéologie de genre » représentent une menace pour le bien-être et la sécurité de la communauté LGBTQ+.

Deux personnes discutent près d'un enfant tenant une pancarte sur laquelle il est écrit : « Arrêtez de laver le cerveau de nos enfants ».

Des manifestants contre « l'idéologie de genre » prétendent que les écoles endoctrinent les enfants. (Photo d'archives)

Photo : La Presse canadienne / Stephen MacGillivray

Des spécialistes des discours haineux s’inquiètent de voir que certains propos véhiculés la semaine dernière lors des manifestations contre « l’idéologie de genre » ont été empruntés à des mouvements de l’extrême droite.

Le 20 septembre, des milliers de Canadiens ont pris la rue dans le cadre de la 1 Million March 4 Children afin de manifester contre l’idéologie de genre dans les écoles.

Les provinces de l’Atlantique n’ont pas échappé au mouvement et des manifestations ont été organisées à Fredericton, Halifax, Saint-Jean de Terre-Neuve et Charlottetown.

Des manifestants.

Des manifestants à Moncton, le 20 septembre, avec une pancarte sur laquelle il est écrit : « Ne manipulez pas les esprits ». (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Pascal Raiche-Nogue

La 1 Million March 4 Children a été organisée par de nombreuses associations, notamment Hands Off Our Kids. Sur son site Internet, ce groupe dit refuser que les gouvernements et les systèmes scolaires diffusent du contenu sexuellement explicite et propagent « l’idéologie de genre » dans les écoles.

Notre principale préoccupation porte sur l’endoctrinement des enfants dans les écoles publiques, peut-on lire sur le site de Hands Off Our Kids.

Le groupe dit aussi vouloir protéger les enfants contre ce qu’il qualifie d'idéologies de la communauté LGBTQ+ qui seraient enseignées dans les écoles.

Un vocabulaire emprunté à l’extrême droite

Pour le chercheur Kristopher Wells, le discours voulant que la communauté LGBTQ+ tente d’endoctriner les enfants fait écho aux campagnes menées contre les personnes homosexuelles dans les années 1970.

À l’époque, Anita Bryant, une reine de beauté de la Floride, avait lancé une campagne chrétienne visant à protéger les enfants contre les personnes gaies et lesbiennes, analyse le professeur de l’Université MacEwan, en Alberta.

Des manifestants.

Des manifestants lors de la manifestation 1 Million March 4 Children à Regina, en Saskatchewan, le 20 septembre 2023. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Liam St. George Avison

Le mouvement visait notamment à empêcher les personnes homosexuelles d’enseigner et pourfendait l’adoption de lois antidiscriminatoires contre cette communauté.

Le slogan de la campagne d’Anita Bryant, c’était essentiellement que puisque les gais ne peuvent pas se reproduire, ils doivent recruter, ajoute Kristopher Wells, qui est aussi titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la compréhension par le public des jeunes faisant partie de minorités de genre et d’orientation sexuelle au Canada.

L’idée voulant que les écoles endoctrinent aujourd’hui les enfants avec les enjeux LGBTQ+ reprend cette thèse que la communauté tente de recruter les jeunes, explique-t-il.

On sous-entend qu’en exposant les enfants à des enjeux de la communauté dans nos écoles, on va faire en sorte qu’ils deviennent LGBTQ+, comme si c’était un virus ou une maladie qui se propageait dans le milieu scolaire.

Une citation de Kristopher Wells, professeur à l'Université MacEwan

De nombreuses pancartes aperçues lors des manifestations du 20 septembre demandaient aussi que l’on cesse de tenter d’amadouer les enfants (stop grooming our children).

Le mot grooming, habituellement utilisé pour désigner les prédateurs sexuels qui tentent de leurrer leurs jeunes victimes, est maintenant très répandu au sein de milieux complotistes d’extrême droite, souligne la directrice du Centre on Hate, Bias and Extremism à l’Université Ontario Tech, Barbara Perry.

Spécialiste des discours haineux et des mouvements d’extrême droite, Barbara Perry mentionne que le mot grooming est d’abord apparu au sein de groupes conspirationnistes du Royaume-Uni afin de parler de réseaux pédophiles musulmans qui tentaient d'attirer des enfants pour en faire leurs objets de plaisir.

C’est un mot très chargé [...] Aujourd’hui, dans le contexte des droits LGBTQ+, on sous-entend que cette communauté prépare les jeunes afin de les rendre vulnérables et malléables pour que la communauté queer puisse les exploiter, dénonce-t-elle.

C’est une vieille forme de haine qu’on a habillée dans un nouveau discours, ajoute Kristopher Wells.

Une tendance inquiétante

Après avoir dénoncé ce qu’ils qualifiaient de dérive autoritaire des gouvernements lors de la pandémie, les éléments réactionnaires de la société s’attaquent maintenant aux questions touchant les droits de la communauté LGBTQ+ et se servent de notions de liberté pour y arriver, poursuit Barbara Perry.

Des manifestants avec des pancartes.

Des manifestants ont protesté contre ce qu'ils appellent l'idéologie de genre dans les écoles du Nouveau-Brunswick, à Fredericton, le 20 septembre 2023. (Photo d'archives)

Photo : La Presse canadienne / Stephen MacGillivray

D’après Kristopher Wells, beaucoup de ceux qui disent aujourd’hui vouloir protéger les enfants contre « l’idéologie de genre » sont les mêmes qui essaient d’interdire des livres pour enfants qui abordent des enjeux LGBTQ+, qui manifestent contre l’heure du conte drag ou qui vandalisent des traverses piétonnes aux couleurs du drapeau de la Fierté.

Ces discours sont tous liés aux mouvements d’extrême droite et s’inscrivent dans la tendance mondiale de la montée du populisme et de gouvernements d’extrême droite.

Une citation de Kristopher Wells, professeur à l'Université MacEwan

Bien qu’il soit d'avis que la majorité des Canadiens appuient les droits de la communauté LGBTQ+, Kristopher Wells constate que le discours de certains conservateurs sociaux sur le droit des parents, un discours qui a aussi été adopté par le gouvernement de Blaine Higgs et celui de Scott Moe, en Saskatchewan, résonne chez bon nombre de citoyens.

En surface, ça paraît tout à fait légitime. Mais il faut se demander on parle de quels droits, de quels parents il s’agit. À mon avis, il s’agit d’un petit groupe d’extrême droite qui veut imposer ses valeurs sur toute la communauté scolaire.

Des gens ordinaires

Barbara Perry admet néanmoins que de nombreuses personnes ayant participé aux manifestations de la semaine dernière ne sont pas nécessairement des conservateurs sociaux ou des militants de l'extrême droite. Une partie des citoyens mécontents sont tout simplement mal informés.

Des manifestants avec des pancartes.

Certains Néo-Brunswickois sont d'avis que les parents devraient être avisés lorsqu'un enfant souhaite changer son prénom ou ses pronoms à l'école. (Photo d'archives)

Photo : La Presse canadienne / Stephen MacGillivray

Comme pour le convoi de la liberté, les organisateurs de la manifestation exacerbent la peur et en prennent avantage [...]. Beaucoup de messages étaient horriblement transphobes et homophobes, mais plusieurs reposaient sur cette notion de liberté, soit que le droit des parents a préséance sur celui des enfants, précise-t-elle.

Malgré tout, ces manifestations et les discours haineux qu’on peut y entendre sont source d’inquiétudes pour la spécialiste.

On n'a qu'à regarder tout l’impact que cette question a eu sur les politiques de différents gouvernements aux États-Unis. On le voit aussi aujourd’hui, notamment en Saskatchewan et au Nouveau-Brunswick, où les gouvernements essaient d’adopter des mesures qui vont limiter les droits des jeunes. C’est très dangereux [...], ce genre de discours haineux peut mener à la violence, dit-elle.

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