ACCUEIL



  • REPORTAGES
  • CAPSULES
  • VRAI OU FAUX
  • QUESTION DE LA SEMAINE

  • ÉQUIPE

    RECHERCHE

    Recherche par date >>

    ARCHIVES
    2002 à 2004
    2001 à 2002
    2000 à 2001


    NOS COORDONNÉES

    Adresse postale:
    La Facture
    Société Radio-Canada
    1400 René-Lévesque Est,
    3e étage
    Montréal (Québec)
    H2L 2M2

    Téléphone:
    514 790-2636 ou
    1 800 790-2636

    Télécopieur:
    514 597-7972


    HEURE DE DIFFUSION
    Mardi 19 h 30

    REDIFFUSION SUR RDI
    Samedi 17 h 30
    Dimanche 2 h 30


    - La publicité sur les médicaments -
    L'an dernier, les Canadiens ont dépensé 25 milliards de dollars pour acheter des médicaments. Pendant ce temps, les compagnies pharmaceutiques dépensent des sommes colossales pour faire la promotion de leurs produits. En 2000, les dépenses de publicité pour l'anti-inflammatoire Vioxx aux États-Unis ont dépassé celles pour le pepsi! À part chez nos voisins du sud et en Nouvelle-Zélande, la publicité directe au consommateur sur les médicaments d'ordonnance est interdite dans la plupart des pays industrialisés. Mais l'est-elle vraiment chez nous?

    Journaliste: Pierre Craig
    Réalisateur: André Gariépy


    __________


    Publicité: Pfizer 2003
    Les publicités sur les médicaments sont littéralement partout: dans les magazines, dans les journaux et à la télévision. Et pourtant, la publicité directe au consommateur sur les médicaments d'ordonnance est en principe interdite au Canada.

    Selon la Loi sur les aliments et drogues, « il est interdit de faire, auprès du grand public, la publicité (.) d'une drogue (.) à titre de traitement ou de mesure préventive d'une maladie ». Le Canada a décidé qu'on ne peut faire de la publicité pour un médicament d'ordonnance, comme on le fait pour du savon à vaisselle.

    Les médicaments d'ordonnance peuvent avoir des effets importants sur la santé. Il n'est pas possible de les acheter directement, ce sont les médecins qui doivent les choisir pour les patients.

    C'est Santé Canada qui est responsable de l'application de la loi. En 1978, ce ministère fédéral a ouvert une porte aux compagnies pharmaceutiques en leur permettant de diffuser ce qu'on appelle des publicités de rappel.

    La loi est très claire: ces publicités ne peuvent mentionner que le nom du médicament, son prix et la quantité vendue. Avec les publicités de rappel, on voulait permettre au public de comparer les prix des médicaments.

    Des publicités comme les autres

    Le message publicitaire sur l'anti-inflammatoire Celebrex, par exemple, se contente-t-il, comme l'exige la loi, de ne mentionner que le nom, le prix et la quantité de médicaments vendue?

    Selon Ann Sztuke-Fournier, de Santé Canada, il respecte la loi.

    Ann Sztuke-Fournier
    « L'élément que la publicité n'a pas le droit d'indiquer, c'est l'usage thérapeutique. Dans cette publicité, vous n'avez pas d'indication sur l'usage thérapeutique. »

    Pfizer, la compagnie pharmaceutique qui commandite cette publicité, a fait parvenir la déclaration suivante à La facture: « Pfizer fournit aux patients des renseignements visant à leur permettre de mieux comprendre la maladie dont ils sont atteints (.) ainsi que l'importance de la prévention et d'un traitement approprié. L'objectif ultime est d'inciter les patients à risque à consulter leur médecin ».

    La chercheuse de l'Université de Colombie-Britannique Barbara Mintzes est une sommité au Canada en matière de publicité sur les médicaments d'ordonnance.

    « Si on regarde ces publicités, elles sont comme toutes les autres publicités, dit-elle. C'est très loin d'être une information pondérée, non biaisée. C'est toujours quelque chose qui vise à favoriser l'utilisation d'un produit spécifique. C'est tout ce qu'on peut attendre d'une publicité. »

    La loi permet aussi aux compagnies pharmaceutiques de diffuser ce qu'on appelle des messages de demande d'aide. Elles peuvent y parler d'une maladie, mais sans mentionner le nom d'un médicament.

    Dans une publicité diffusée à la télévision, on suggère, par exemple, aux hommes et aux femmes d'un certain âge de faire surveiller de près leur taux de cholestérol, faute de quoi ils pourraient le payer de leur vie. La compagnie pharmaceutique qui commandite ce message fabrique et vend un médicament vedette contre le cholestérol.

    Deux publicités pour contourner la loi?

    Les compagnies pharmaceutiques font-elles indirectement ce que la loi leur interdit de faire directement?

    Publicité: Pfizer 2006
    Dans un autre message de demande d'aide, l'ex-hockeyeur Guy Lafleur suggère aux hommes souffrant de dysfonction érectile de parler de leur problème, sans doute à leur médecin. Aucune mention n'est faite d'un médicament, mais c'est le fabricant du Viagra qui commandite cette publicité.

    Trois semaines après le message présenté par Guy Lafleur, le fabricant du Viagra a diffusé une publicité de rappel. Prises séparément, ces deux publicités semblent conformes à la loi. Aucune des deux n'affirme que le Viagra traite les problèmes érectiles. Mais trois semaines seulement séparent leur diffusion.

    « Si on met les deux ensemble, on a une publicité complète du produit, mais sans information sur les risques, souligne Barbara Mintzes. Ça fait une publicité complète, comme il y en a aux États-Unis, qui parle du médicament et de son utilisation. »

    Pfizer n'a pas répondu à La facture sur la question de l'intervalle rapproché entre ces deux publicités. La compagnie affirme que toutes ses publicités respectent la réglementation canadienne et sont approuvées avant leur diffusion.

    Qu'en pense Santé Canada?

    « Nous avons établi une politique, selon laquelle les fabricants ne devraient pas combiner un message de rappel et une invitation lancée aux patients dans une même campagne publicitaire, affirme Ann Sztuke-Fournier. Si l'intervalle de temps [entre les deux publicités] est trop rapproché, ça pourrait ne pas se conformer à l'esprit de la loi. »

    Mais qu'est-ce qu'un intervalle trop rapproché?

    « C'est du cas par cas. Ça dépend de plusieurs facteurs. Ça dépend de la présentation, du contexte, du contenu du message, répond Ann Sztuke-Fournier. Avec un intervalle de deux, trois, six mois, il est probable que certaines personnes ne feront pas le lien [entre les deux publicités]. »

    Influencer les médecins

    Barbara Mintzes
    Santé Canada est-il intervenu auprès de la compagnie pharmaceutique responsable de la campagne publicitaire sur la dysfonction érectile et le Viagra?

    Il est impossible de le savoir à moins de faire une demande en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Quoiqu'il en soit, à Santé Canada, on semble croire que ces publicités ont peu d'effet puisque ce sont les médecins qui prennent la décision de prescrire les médicaments.

    « Les médecins ont quand même une responsabilité. Ils sont au courant des avantages et des risques des médicaments, indique Ann Sztuke-Fournier. On n'a jamais prouvé qu'une publicité pouvait causer un tort à un patient. Il y a toujours une relation patient-médecin avant qu'un patient puisse recevoir un médicament. »

    La publicité sur les médicaments d'ordonnance peut-elle influencer les médecins?

    Une étude menée en Nouvelle-Zélande démontre que les personnes exposées à ces publicités font pression sur leur médecin pour obtenir les médicaments d'ordonnance publicisés. Et selon une recherche conduite au Canada et aux États-Unis par Barbara Mintzes, les patients réussissent souvent à convaincre leur médecin.

    « Quand un patient venait en consultation et qu'il demandait une ordonnance pour un médicament publicisé, les trois quarts du temps, le médecin lui donnait l'ordonnance, soutient la chercheuse canadienne. Donc, la personne sortait de la consultation avec l'ordonnance pour la marque spécifique qu'elle avait demandée. »

    Pas de surveillance constante

    Santé Canada défend-il activement l'esprit et la lettre de la loi qui interdit la publicité directe au consommateur sur les médicaments d'ordonnance?

    En 2004, le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes estimait que non. « Le Comité est très insatisfait de l'attitude passive de Santé Canada (.) Il estime que le Ministère a renoncé à exercer sa responsabilité quant à l'application des règles établies », pouvait-on lire dans un rapport.

    Publicité: Pfizer 2003
    « Il n'y a pas de surveillance constante, admet Ann Sztuke-Fournier. C'est la responsabilité de la compagnie pharmaceutique de se conformer. Si elle ne se conforme pas, Santé Canada prendra les mesures appropriées pour apporter les mesures correctives nécessaires. »

    Santé Canada n'exerce aucune surveillance sur les messages publicitaires des compagnies pharmaceutiques ni avant ni pendant leur diffusion. Le Ministère a confié l'approbation de ces publicités à deux organismes indépendants: le Conseil consultatif de publicité pharmaceutique et les Normes canadiennes de la publicité.

    Ces deux agences n'ont aucun pouvoir réel. Les compagnies pharmaceutiques qui leur présentent des publicités pour approbation le font sur une base volontaire seulement.

    « Habituellement, le fabricant se conforme à la réglementation, soutient Ann Sztuke-Fournier. Si jamais ce n'est pas impossible, on peut intervenir de façon plus poussée avec les fabricants pharmaceutiques. »

    Cette intervention plus poussée, ce sont des lettres envoyées par Santé Canada aux compagnies pharmaceutiques, leur demandant de se conformer à la loi. Ann Sztuke-Fournier ne se souvient pas que Santé Canada ait jamais traîné une compagnie pharmaceutique en cour.

    Et de son propre aveu, quand une compagnie pharmaceutique ne respecte pas la loi, le problème se règle habituellement avec la fin de la campagne publicitaire.

    En conclusion

    Santé Canada réfléchit depuis quelques années à la possibilité d'éliminer, en tout ou en partie, les restrictions à la publicité sur les médicaments d'ordonnance, mais le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, le Conseil canadien de la santé et le Conseil du médicament du Québec n'appuient pas cette idée.

    Pendant ce temps, le groupe de presse Canwest Mediaworks, qui chapeaute, entre autres, le National Post et le réseau de télévision Global conteste la loi devant les tribunaux. Canwest veut faire la publicité des médicaments d'ordonnance. Les enjeux monétaires de cette publicité sont énormes.



    Hyperliens
    Doctor, about that medicine I saw advertised...
    Article de Barbara Mintzes

    Loi sur les aliments et les drogues

    Santé Canada

    Comité permanent de la santé de la Chambre des communes

    Conseil consultatif de publicité pharmaceutique

    Normes canadiennes de la publicité

    Conseil canadien de la santé

    Conseil du médicament du Québec



    Haut de la page


    Error processing SSI file