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Nicolas
Macrozonaris est un sprinter de 22 ans. Le 3 mai, il a fait la
course de sa vie à Mexico. En 10 secondes et 3 centièmes,
Nicolas passe de l'anonymat à la célébrité.
Il réussit à battre par un centième de seconde
le détenteur du record du monde, l'Américain Tim
Montgomery. Ce n'est pas exactement le scénario qu'avaient
envisagé les organisateurs de l'événement.
Montgomery est payé des dizaines de milliers de dollars
pour participer à la course et les 55 000 spectateurs espèrent
le voir établir un nouveau record du monde.
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Qui
gagne? Un certain Canadien du nom de Nicolas Macrozonaris dont
on n'a jamais entendu parler. Nicolas avait reçu la maigre
somme de 1000 dollars pour agir en quelque sorte comme figurant
dans la course. Nicolas est arrivé à Mexico tout
à fait seul, sans entraîneur, sans physiothérapeute.
Il surprend tout le monde, fonce comme un désespéré
et gagne la course. Après avoir connu la gloire à
Mexico, Nicolas a besoin de s'isoler un peu et de reprendre progressivement
l'entraînement. C'est pour cela qu'il se retrouve à
Miami où il participe à un camp d'entraînement
organisé par Bruni Surin, son ami, idole, entraîneur
à l'occasion et agent au Canada.
Nicolas a même eu le bonheur de devancer Bruni Surin à
Victoria à l'été 2000 lors des épreuves
de qualifications qui mènent aux Jeux Olympiques de Sydney.
Mais avant Bruni Surin, la première, grande, véritable
inspiration de Nicolas, a été Donovan Bailey. Bailey
et sa fameuse course à Atlanta aux Jeux Olympiques de 1996.
9 secondes 84 centièmes, une médaille d'or pour
le Canada et un nouveau record du monde. Nicolas habitait la rue
Blériot à Laval quand Bailey a gagné sa course.
On imagine la scène : Nicolas a 16 ans et n'a jamais fait
d'athlétisme. Il regarde la course avec sa famille et ça
change sa vie. Ce soir-là, Nicolas prend une grande décision
: il va devenir sprinter comme Donovan Bailey. Nicolas sort dans
la rue, mesure 100 mètres avec un galon, marque le départ
et l'arrivée et s'élance. Quelques jours plus tard,
le jeune Nicolas déménage sa piste de cent mètres
dans la rue voisine parce qu'il a trouvé un trou dans la
chaussée. Ingénieux, le trou va lui servir de bloc
de départ. Le soir de la course de Donovan Bailey, Nicolas
fait aussi une prédiction à sa famille qui en reste
bouche bée. Il dit: «Dans quatre ans, c'est moi qui
vais aller courir aux Jeux Olympiques de Sydney.» Rien de
moins.
À
sa première véritable séance d'entraînement,
au Complexe sportif Claude Robillard, Nicolas court vite, mais
il court mal, la technique n'y est pas. Au fil des mois, il s'améliore
avec un entraînement soutenu et gagne toutes sortes de petites
compétitions. Ce sont des années difficiles côté
financier. Nicolas vit seulement des quelques milliers de dollars
de subventions accordés par les gouvernements. Comme plusieurs
athlètes, il a choisi d'abandonner les études et
n'a pas complété le secondaire V. La course, c'est
toute sa vie et l'effort porte fruit. Il l'avait prédit
: en 2000, Nicolas participe aux Jeux Olympiques de Sydney. Il
s'agit d'une participation limitée par contre, car il souffre
d'une blessure. Nicolas n'ira pas plus loin que la première
ronde aux 100 mètres. Il participe aussi au pied levé
au relais 4 fois 100 mètres. Encore là, sa présence
se limite à la première ronde. Totalement seul à
Sydney, sans médaille, Nicolas trouve l'expérience
difficile.
Il
ne se décourage pas, gagne des compétitions importantes,
égale des records en salle de Ben Johnson. En juin 2002,
c'est le couronnement: Nicolas devient champion canadien, comme
l'ont été successivement avant lui Ben Johnson,
Donovan Bailey et Bruni Surin. Et puis voilà que le petit
gars de Laval se permet maintenant de battre le détenteur
du record du monde. Il n'a pas du tout la stature de certains
gros sprinters. Quand Nicolas a gagné à Mexico,
il s'est permis un geste controversé. Devant la caméra,
il enlève son chandail, fait le signe «zéro»
et dit «zéro muscle».
Nicolas
revient à Montréal après sa victoire à
Mexico et il est accueilli par des joueurs de football des Alouettes
de Montréal. Aujourd'hui, Nicolas prétend qu'il
voulait simplement dire par sa déclaration «zéro
muscle» qu'il est possible d'être le meilleur sans
avoir une gigantesque masse musculaire. D'autres ont plutôt
compris son geste comme une dénonciation des athlètes
qui se donnent des corps de gladiateurs hypertrophiés en
s'empiffrant de stéroïdes anabolisants. Son entraîneur
au Québec, Daniel Saint-Hilaire, est un vieux routier de
la compétition. Il a gentiment suggéré à
son jeune athlète d'éviter les gestes et les déclarations
qui portent à controverse. Une chose est certaine, Nicolas
lui-même va gagner du poids au cours des prochaines années.
Ses entraîneurs disent qu'il doit absolument augmenter sa
masse musculaire et devenir plus fort s'il veut atteindre de nouveaux
sommets.
Nicolas aimerait bien aussi augmenter sa masse salariale et il
pourra y parvenir en gagnant des courses importantes. En plus,
le sprint est aujourd'hui dominé par les athlètes
noirs. Il n'y a par exemple jamais eu de coureur blanc qui ait
réussi à courir le 100 mètres en moins de
10 secondes. Bruni Surin dit que les athlètes noirs sont
aussi bons que les blancs mais il pense que Nicolas pourra attirer
des gros commanditaires s'il devient le premier Blanc à
courir sous les 10 secondes. Nicolas, comme Bruni, n'aime pas,
par ailleurs, ces distinctions douteuses basées sur la
race.
Plus
jeune, Nicolas est allé plusieurs fois en Grèce
et il accorde beaucoup d'importance aux Jeux Olympiques de 2004
qui auront lieu à Athènes. Il a du sang grec dans
les veines. Son père, qui habite Laval, est d'origine grecque
et il est certain que Nicolas va remporter l'or à Athènes
grâce au soutien des milliers de spectateurs dans le stade.
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