|
|
Émission
248 |
Le
mardi 22 avril 2003
|
Lorsqu'un proche décède,
l'une des premières questions que l'on se pose concerne les assurances.
Dans les meilleurs scénarios, tout est clair et limpide. Mais parfois,
une histoire d'assurance peut empêcher de vivre sereinement un deuil.
C'est le cas d'une Québécoise qui a perdu sa mère. Elle
se bat pour faire reconnaître que celle-ci était bien assurée
lors de son décès. Elle est morte trois mois après avoir
demandé l'assurance.
Sa
mère meurt soudainement
À
53 ans, en mai 2002, une résidente de Saint-Georges de Beauce
fait une hémorragie cérébrale.
« C'est certain que c'est une surprise, ma mère
était en pleine santé. Elle avait 53 ans, on ne pouvait
pas s'attendre à ce qu'elle parte comme ça. »
Sa fille se met aussitôt en quête des papiers importants.
La résidente de Saint-Georges de Beauce a laissé un dossier
les contenant.
.
Elle
trouve une note d'assurance vie
Dans
le dossier, sa fille trouve un document qui porte la mention note
de couverture : il s'agit d'une assurance vie provisoire qui
protège le consommateur jusqu'à ce que la police entre
en vigueur. Pour elle, les choses sont claires, sa mère est assurée.
« Elle a payé : elle a un reçu un
papier. Si elle a une note de couverture, elle a une assurance vie. »
Si cette femme semble si sûre d'elle, c'est
que la note indique que sa mère a versé la première
prime de 37,21 $ à la compagnie d'assurance vie RBC. Le
reçu est signé par un conseiller en sécurité
financière, il est daté du 12 février 2002.
Mais quand elle appelle le conseiller en sécurité financière,
elle a tout un choc : il lui annonce que sa mère n'a pas
cette assurance vie de 20 000 $.
L'assureur
nie avoir reçu l'argent
Le
conseiller affirme qu'il n'a jamais reçu l'argent de la première
prime. Mais la fille de la résidente de Saint-Georges de Beauce
estime avoir un reçu qui prouve que sa mère a bel et
bien payé 37,21 $.
C'est dans un bureau d'avocat que le conseiller en sécurité
financière a accepté de répondre à La
Facture.
Il est conseiller autonome, rattaché à un cabinet de
services financiers de Québec. Il répète qu'il
n'a « jamais reçu aucune somme d'argent »
de la part de la mère de cette Québécoise. Il
a même fait parvenir à La Facture une déclaration
assermentée dans laquelle il jure n'avoir jamais reçu
cet argent.
Que s'est-il donc passé le 12 février à Saint-Georges
de Beauce chez la défunte?
Voici la version
du seul témoin encore vivant, le conseiller en assurances :
-
Ce
jour-là, il remplit une proposition d'assurance vie RBC à
la demande de la défunte. Elle lui remet un spécimen
de chèque, car ils se sont entendus sur des prélèvements
automatiques.
-
Ensuite,
il dit avoir signé machinalement la note de couverture sans
avoir reçu les 37,21 $. Il était certain que
sa cliente le payerait puisqu'elle avait son carnet de chèque
à la main.
-
Mais
selon le conseiller, la défunte a finalement décidé
de ne pas payer tout de suite. Lorsqu'il est parti, il dit avoir
oublié de reprendre la note de couverture.
-
Quelques
jours plus tard, il apprend que le formulaire rempli n'est pas le
bon. Il retourne donc chez sa cliente, le déchire, rempli
une seconde proposition, l'antidate du 12 février et oublie
encore une fois de récupérer la première note
de couverture.
Mais la fille de la cliente est sceptique :
« Ça ne fait pas professionnel du tout, cette
version des faits. La seule chose qui reste de cette discussion qu'ils
ont eue ensemble, c'est la note de couverture ».
Un
expert approuve la fille de la défunte
Quelle
est la valeur de ce document signé par le conseiller? La
Facture a posé la question à un expert en assurance
vie, Maurice Charbonneau, avocat. Pour lui, le document détenu
par l'héritière « est la preuve qu'un
paiement de 37,21 $ a été fait ».
C'est même une preuve cruciale, car le code civil est clair :
« L'assurance vie prend effet [
] pour autant
que la première prime ait été versée ».
Et
même si l'on se fie seulement à la deuxième proposition,
la défunte a le bénéfice du doute. Voici ce qu'affirme
Maurice Charbonneau : « Vous avez une ligne
qui dit montant versé avec la proposition 37,21 $.
Il y a des lettres ajoutées manuscrites qui disent cod, possiblement
cash on delivery ».
Selon maître Charbonneau, le témoignage du conseiller
en assurances serait sans valeur devant un tribunal : « Ce
n'est pas que ce soit impossible, mais ce témoignage ne serait
pas admissible en preuve. C'est le conseiller qui raconte cela. La
note de couverture, elle, elle est là, elle est signée,
elle est authentique ».
L'assureur
ignore l'héritière
L'assureur
en cause, la compagnie d'assurance vie RBC, une division du groupe
financier Banque Royale, a refusé toute entrevue à
La Facture. Sur la foi de son reçu, l'héritière
se bat depuis un an pour obtenir l'indemnité de 20 000 $ :
« Souvent ils n'écoutent même pas,
et ils ont de la [difficulté] à nous répondre
en français ».
À trois reprises, RBC lui a opposé
un refus catégorique. L'assureur maintient que la défunte
n'a pas payé la première prime, ni comptant, ni
par chèque.
Mais même si c'était vrai, la
fille de la défunte a un autre argument : le specimen
de chèque envoyé par sa mère pour autoriser
les prélèvements automatiques. « Ils
sont supposés prendre 37,21 $ directement dans son
compte ».
La
police d'assurance a bel et bien été émise
La
RBC avait en effet en main le spécimen de chèque
de la défunte depuis le 21 février, 2 mois avant
son décès. Et en plus, elle a autorisé
RBC à se servir dans son compte tous les mois. D'après
Maître Charbonneau : « L'assureur
a en main tout ce qu'il faut pour recevoir son argent. Ce
n'est plus du ressort de l'assuré ».
De surcroît, la police a bel et bien
été émise 11 jours avant le décès
de cette résidente de Saint-Georges de Beauce. Elle
serait en vigueur. Ce que confirme Maurice Charbonneau :
« L'assureur n'a pas attendu, il a émis
la police, avec son numéro, avec date d'approbation,
le 22 avril. Elle existe, la police ».
Un
dénouement qui se fait attendre
La
Chambre de la sécurité financière
enquête sur la conduite du conseiller en assurances.
Même s'il est blâmé, cela ne donnera
pas un sou de compensation à l'héritière.
Celle-ci exerce un dernier recours auprès de l'ombudsman
de la Banque Royale. Il a le pouvoir de recommander à
la RBC de renverser sa décision, et donc de payer
pour l'erreur du conseiller, son mandataire. L'ombudsman
de la banque pourrait prendre jusqu'à 6 mois pour
donner sa décision.
Si la réponse est négative, l'héritière
peut alors s'adresser à l'ombudsman des services
bancaires. Et, en dernier recours, elle pourra poursuivre
le conseiller à la Cour du Québec, division
des petites créances, puisqu'elle n'a pas les moyens
d'engager une poursuite avec avocat devant les tribunaux
supérieurs. Le montant maximum sera cependant de
7000 $, au lieu des 20 000 $.
Hyperliens
pertinents
Option
consommateurs
Bureau
d'assurance du Canada
.
|
|