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Émission
247 |
Le
mardi 15 avril 2003
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Bien des personnes
âgées ne veulent pas mourir sans laisser un petit quelque
chose à leur famille, ne serait-ce que pour payer les frais funéraires.
C'est le cas d'une résidente de la région de Thetford
Mines. En 1985, elle a souscrit une assurance vie collective de 4000 $.
Mais cette année, elle célèbre son 90e anniversaire
de naissance, et ce qu'elle a reçu de son assureur, ce n'est
pas un cadeau.
Sa
prime d'assurance vie augmente de 175 %
Chaque
jour, une dame de 90 ans récite son chapelet dans la petite chambre
du foyer où elle habite à Thetford Mines. Depuis une quinzaine
d'années, sa santé est fragile et elle ne gère
plus ses affaires personnelles. C'est sa belle-fille et son fils qui
s'en occupent. Ils sont allés lui rendre visite pour discuter
d'une décision importante qu'ils devront prendre concernant son
contrat d'assurance vie. Elle a appris que sa prime d'assurance vie
allait augmenter de 525 $. L'an dernier, elle payait 300 $
pour une couverture de 4000 $. Cette année, elle devra débourser
825 $. Il s'agit d'une hausse de 175 %.
En
1985, à l'âge de 72 ans, alors qu'elle est membre d'un
club de l'âge d'or, cette résidente de la région
de Thetford Mines prend une assurance vie sans examen médical,
renouvelable annuellement. À cette époque, sa couverture
s'établit à 4000 $, et la prime est fixée
à 115 $ par année.
C'est
André Blouin Assurances, un courtier de la région de Québec,
qui a mis sur pied ce programme d'assurance vie collective pour les
aînés. À l'origine, quelques milliers de personnes
âgées ont adhéré à ce programme que
le courtier a transféré, au fil des années, à
des compagnies d'assurances : La Citadelle, La Survivance et Eaterna-vie.
Quant aux primes, elles n'étaient pas garanties dans le contrat.
Elles ont donc augmenté au fil des ans, passant à 154 $
en 1993, et à 190 $ en 1994.
En
1995, c'est L'Excellence, une compagnie québécoise d'assurance
vie, qui reprend le programme d'assurance des aînés. Trois
ans plus tard, en 1998, la prime grimpe à 300 $ et y reste
jusqu'en 2002. Mais cette année, une surprise attend la dame
de 90 ans et ses proches. La compagnie d'assurance vie L'Excellence
leur fait parvenir l'avis de renouvellement, cette fois avec une grille
des clients divisée par catégories d'âge. Une grille
qui n'avait jamais existé auparavant, et qui fait passer la prime
de 300 $ à 825 $ par année parce que madame
vient de franchir le cap des 90 ans. Le fils de l'assurée n'en
revient pas. « À 300 $, on
trouvait que c'était cher, sauf que ça demeure raisonnable.
On était capables de la payer finalement. Mais rendu à
825 $, c'est un pensez-y bien. [
] On est bien conscients
que si on ne paye plus, on n'est plus assurés. Mais par contre,
on n'est pas prêts à payer un taux qui nous semble abusif. »
Ce
qui les choque, c'est que si on additionne le total des primes payées
jusqu'à présent et la nouvelle prime pour 2003, l'assurée
aura déboursé plus d'argent que la valeur de sa police.
Une réaction qui n'étonne personne à la FADOQ,
la Fédération de l'âge d'or du Québec, où
on connaît bien les problèmes d'assurance que rencontrent
les personnes âgées et leur famille. Carole Noiseux :
« Elle est confrontée au côté émotif
de prendre une décision et de se dire : Est-ce que
je laisse tout tomber et ainsi je ne donnerai rien et je n'aurai rien
pour me faire enterrer, ou je continue à payer malgré
cette hausse importante de la prime que je trouve faramineuse? ».
Pourquoi
une hausse si importante?
Cette
hausse de plus de 500 $ par année, le fils de l'assurée
a bien tenté de se la faire expliquer par la compagnie L'Excellence,
mais peine perdue. On l'a plutôt dirigé vers André
Blouin Assurances, le courtier à l'origine du programme. Son
entreprise a fusionné avec une autre, elle se nomme maintenant
Blouin, Taillon, Bégin. Le président, Claude Taillon,
a refusé d'accorder à La Facture une entrevue
à la caméra. Il a plutôt renvoyé la balle
du côté de L'Excellence. Son président-directeur
général, Antoine Ponce, a accepté de répondre
aux questions de La Facture sur ce programme d'assurance vie
collective qui touche aujourd'hui plus de 2000 assurés. « C'est
notre travail de valider si, chaque année, le programme est
viable; alors on fait une comparaison des primes reçues avec
les prestations payées et on s'assure qu'il se dégage
suffisamment de marge pour être capable de payer les frais d'administration
dans le programme. »
Selon
M. Ponce, ce programme d'assurance vie a été déficitaire
de plus de 500 000 $ au cours des cinq dernières
années. Une des raisons qui expliquerait pourquoi le programme
est déficitaire est que le courtier n'arrive plus à
recruter suffisamment de nouveaux adhérents. Dans ce contexte,
l'augmentation des primes est tout à fait légale, selon
Claude Di Stasio, de l'Association canadienne des compagnies d'assurances
de personnes. « L'assureur va regarder les réclamations
d'une année donnée, [évaluer] s'il y en a eu
plus que d'habitude, s'il prévoit qu'il y en aura plus, il
va majorer la prime pour rencontrer ces réclamations. Et cela
fait partie des exigences de solvabilité qui sont exigées
par l'Inspecteur général des institutions financières. »
Malgré
l'explication, la pilule est difficile à avaler. Bon nombre
de personnes âgées voient ce type d'assurance vie collective
comme une forme d'investissement. Carole Noiseux : « Les
gens ont vraiment l'impression d'avoir accumulé des fonds,
et souvent ils me disent : Oui, mais je ne peux pas la
lâcher, je vais tout perdre. Et moi je leur réponds
clairement : Vous ne perdez rien, vous n'avez rien. ».
Claude
Di Stasio de l'ACCAP : « C'est comme une assurance
automobile ou une assurance habitation. On s'assure pour un bien ou
un événement qui pourrait survenir durant la période,
et à la fin de l'année, c'est terminé ».
Comme
la majorité des compagnies d'assurance vie, L'Excellence est
en bonne santé financière et elle a réalisé
des profits au cours des dernières années. Aurait-elle
pu alors éponger le déficit du programme dont fait partie
l'assurée de 90 ans et éviter de hausser les primes? M.
Ponce, de L'Excellence : « Essentiellement, le
niveau de profit de l'entreprise n'est pas relié [aux programmes].
C'est important que chaque programme soit viable financièrement ».
Donc,
pour être conforme aux données actuarielles, les personnes
les plus âgées du programme vont désormais payer
pour le véritable risque qu'elles représentent. M. Ponce :
« Les gens doivent s'interroger sur leurs besoins d'assurance.
Est-ce que leurs besoins d'assurance justifient la prime qui en découle? ».
La
dame de 90 ans est déçue de la tournure des événements.
« Si ça avait été prévu,
je n'aurais probablement pas pris cette assurance-là. »
Selon sa belle-fille, elle ne continuera plus à payer pour
cette police d'assurance vie parce qu'elle n'en a plus les moyens.
Ce
type de programme pour les aînés est collectif :
donc la compagnie ne peut pas refuser quelqu'un à cause de
son âge ou de son état de santé. En contrepartie,
les primes ne peuvent pas être garanties. C'est un détail
important auquel il faut penser avant de signer.
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