Émission 246

Le mardi 8 avril 2003


RDPRM : ces cinq lettres sont sans doute les plus importantes de l'alphabet des acheteurs de voitures d'occasion. Elles désignent le Registre des droits personnels et réels mobiliers. En appelant à cet endroit, on apprend si le véhicule est libre de dettes, et donc s'il n'y a pas quelqu'un d'autre qui en est propriétaire. Un Québécois de Val-des-Monts risque de perdre son autocaravane parce qu'il a négligé de donner un coup de fil au RDPRM.

 

Son motorisé est saisi

En juillet dernier, un résident de Val-des-Monts tombe sur une bonne affaire. Il achète une autocaravane de 26 pieds, entièrement équipée, pour moins de 40 000 $. Le nouveau propriétaire du motorisé n'a même pas le temps de voyager à bord de son véhicule. En octobre 2002, un huissier se présente chez lui et saisit son autocaravane. Il n'est pourtant pas en défaut de paiement. Pour payer son véhicule, il a déboursé 20 500 $ comptant, et il a effectué un emprunt de 19 000 $ à la Banque Nationale, emprunt qu'il rembourse chaque mois. Mais la Banque Nationale a exigé que l'autocaravane serve de garantie au prêt de 19 000 $. Elle a alors inscrit son droit sur le véhicule. Par la suite, elle a découvert que ce résident de Val-des-Monts n'était pas le véritable propriétaire du véhicule. En réalité, l'autocaravane appartient à une caisse populaire.

 

Remontons le temps pour voir ce qui s'est passé

Le résident de Val-des-Monts a acheté son véhicule d'un monsieur B, qui avait lui-même acheté l'autocaravane d'un monsieur A. Monsieur A l'avait achetée quelques mois plus tôt. Ce monsieur avait alors conclu une vente à tempérament avec la Caisse populaire Desjardins Sieur-d'Iberville. L'avocat Marc Savoie explique ce que signifie cette vente : « Une vente à tempérament, c'est une vente par laquelle le vendeur (la caisse populaire) conserve la propriété du bien jusqu'au plein paiement du prix de vente. Alors, ça veut dire que l'acheteur n'est pas propriétaire immédiatement, qu'il ne devient propriétaire du bien que lorsqu'il a fini de payer ».

Monsieur A, le premier propriétaire, fait encore ses paiements sur le motorisé. La caisse populaire demeure la véritable propriétaire de l'autocaravane tant que monsieur A n'aura pas fini de la payer, en 2009. Luc Bazinet est directeur général de la Caisse populaire Sieur-d'Iberville. « Oui, j'ai un client A qui continue à faire ses paiements, mais je n'ai plus aucun contrôle sur la garantie. Donc demain matin, s'il arrêtait de payer, il faudrait que je trouve le véhicule moi. Et c'est ce qu'on a voulu faire. On a retrouvé le véhicule et on l'a saisi. »

La caisse populaire a donc saisi le véhicule du résident de Val-des-Monts quand la Banque Nationale lui a appris que l'autocaravane n'était plus entre les mains de monsieur A. Ce monsieur, qui doit encore plus de 25 000 $ à la caisse populaire, a donc vendu à monsieur B un véhicule qui ne lui appartenait pas. Sans en être propriétaire, monsieur B l'a revendu à son tour au résident de Val-des-Monts.

Quant à la Banque Nationale, elle a financé un véhicule qui n'appartenait pas au résident de Val-des-Monts. Me Marc Savoie est surpris de cette transaction : « Ça m'étonne que ni l'acheteur ni l'institution financière n'aient jugé bon de faire une vérification. C'est très dangereux ».

 

Consulter le Registre de droits personnels et réels mobiliers

Il aurait été facile de découvrir la véritable identité du propriétaire de l'autocaravane. En effet, le nom de la Caisse populaire Sieur-d'Iberville figure dans le Registre des droits personnels et réels mobiliers, le RDPRM. Tous les créanciers doivent inscrire dans ce registre les montants qui leur sont dus sur un véhicule, ce que la Caisse populaire Sieur-d'Iberville a fait en 2000. Le nouveau propriétaire du motorisé aurait pu consulter ce registre par téléphone, au coût de 6 $, ou par Internet, au coût de 3 $. Il aurait alors appris que la caisse populaire avait un droit sur le véhicule.

Me Marc Savoie : « Ça prend cinq minutes. Alors c'est étonnant de faire un déboursé substantiel sans faire auparavant une vérification peu coûteuse dans un registre dont elles (les banques) connaissent certainement l'opération depuis un bout de temps ».

Le nouveau propriétaire opère un commerce de vente de voitures d'occasion. Il connaît bien le RDPRM, mais il ne l'a pas consulté. Il a cru que la banque le ferait pour lui, parce que la banque lui avait demandé 54 $ pour inscrire son droit à elle sur le véhicule. Le nouvel acheteur affirme que la Banque Nationale lui avait assuré qu'elle ferait la vérification pour lui et que c'était inclus dans le 54 $.

Selon la Banque Nationale, ces frais de 54 $ ne comprennent que l'inscription de son droit à elle au RDPRM, et non la vérification des autres droits qui peuvent exister sur le véhicule. La Banque Nationale a refusé d'accorder une entrevue à La Facture, mais le contrat qu'elle a conclu avec le résident de Val-des-Monts prévoit que c'est lui qui doit s'assurer que le véhicule est libre de tout droit réel, hypothèque ou sûreté. Le nouveau propriétaire n'avait pas lu son contrat. Il se fiait à la banque qui avait, selon lui, tout vérifié.

Selon l'avocat Marc Savoie, le code civil stipule qu'on est présumé connaître ce qui était publié au registre. « Si on n'effectue pas une vérification, c'est comme si on le savait. [...] Vous savez qu'on achète à ses risques et en connaissance de cause. »

 

Les tribunaux prennent l'affaire en main

Comme elle est la première à avoir inscrit son droit au RDPRM, la Caisse populaire Sieur-d'Iberville poursuit le nouveau propriétaire pour faire reconnaître par les tribunaux que c'est elle qui est la propriétaire de l'autocaravane.

L'avocat Marc Savoie croit que le résident de Val-des-Monts va perdre gros dans cette affaire. « Les chances sont grandes qu'il perde son investissement. Il va perdre et le bien et l'argent. Je ne connais pas les circonstances dans lesquelles il a acheté, mais il va perdre; son droit est très précaire, il y a de bonnes chances pour que la caisse reparte avec son véhicule et le garde. »

La partie ne sera pas facile pour le nouveau propriétaire. Il n'a d'autre choix que de poursuivre son vendeur, monsieur B, qui, à son tour, poursuit son vendeur, monsieur A. Le résident de Val-des-Monts espère ainsi obtenir le remboursement des 40 000 $ qu'il a perdus, mais il poursuit aussi la Banque Nationale, qu'il tient pour responsable de ses problèmes. De son côté, la banque le poursuit pour récupérer les 19 000 $ qu'elle lui a prêtés.

Au palais de justice de Saint-Jean-sur-Richelieu, cinq avocats s'affrontent dans ce dossier. À lui seul, le résident de Val-des-Monts a déjà dépensé au-delà de 5000 $ en frais juridiques, beaucoup plus que les 6 $ que lui aurait coûtés un appel au RDPRM.

Pour le moment, l'autocaravane n'a pas donné à son nouveau propriétaire la liberté à laquelle il aspirait. « Je n'ai pas de vacances. Il faut que je reste à la maison. Je travaille à vendre des [voitures]. Je n'ai pas le choix. »

 

Des négociations ont lieu entre la Caisse populaire Sieur-d'Iberville et la Banque Nationale. Seule une entente entre les deux institutions permettrait au résident de Val-des-Monts de récupérer son véhicule et d'éviter une bataille juridique coûteuse. Alors, n'oubliez pas : consultez le RDPRM!


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RDPRM


 


 

 

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