Émission 245

Le mardi 1er avril 2003

 

Nous avons tous, un jour ou l'autre, entendu parler de citoyens canadiens ou québécois qui ont dû recevoir des soins d'urgence aux États-Unis, et qui se sont retrouvés avec une facture de plusieurs milliers de dollars. Un résident de la Beauce n'avait aucune crainte d'aller travailler pendant quelques semaines au Mississipi. Son employeur, une compagnie de Plessisville, l'avait assuré qu'il était protégé par une assurance.

 

Hospitalisé aux États-Unis, un travailleur reçoit une facture de 10 000 $

Un nouvel employé d'un manufacturier de Plessisville quitte le Québec en camion le 1er août 2002. Il traverse les États-Unis et arrive à destination trois jours plus tard, à Meridian, une ville importante de l'État du Mississipi. Dès son arrivée, il se met au travail. Ce travailleur est monteur d'acier. Au Mississipi, son travail consiste à assembler les pièces d'un nouveau moulin à scie. Les conditions sont difficiles. Il fait chaud, environ 40 °C. Après 15 jours de travail, le monteur éprouve un malaise. Il rentre affaibli après une journée de travail. Le lendemain matin, il ne va pas manger avec ses amis. Il a des frissons, de la fièvre et il n'a pas faim. Le midi, son patron se présente chez lui. Sa situation ne s'est pas améliorée, son patron l'envoie à l'hôpital.

Le travailleur est admis au centre médical Jeff Anderson de Meridian. L'équipe médicale a fait passer une série d'examens au travailleur québécois afin de trouver la source de son malaise. Les médecins découvrent que leur patient québécois souffre d'une infection bactériologique à la prostate. Son séjour de quatre jours à l'hôpital est coûteux, mais il est rassuré par son employeur. « Même quand j'étais hospitalisé, il m'avait appelé et il avait dit : "Casse-toi pas la tête, il n'y a pas de problème, la CSST va probablement payer. Si elle ne paye pas, on a de très bonnes assurances". »

Puis, il poursuit sa convalescence chez lui, à Adstok près de Thetford Mines. Là, une mauvaise surprise l'attend. Il reçoit un état de compte de l'hôpital qui atteint environ 10 000 $. La CSST refuse de payer l'ensemble des frais de son hospitalisation, car son infection ne résulte pas de son travail. Il ne s'en fait pas vraiment, puisque son employeur lui avait dit que l'entreprise avait de bonnes assurances.

À nouveau, le travailleur en convalescence va perdre ses illusions. « La direction de la compagnie m'a dit que je n'étais pas assuré parce que ça ne faisait pas trois mois que je travaillais pour eux. […] J'étais surpris moi aussi parce qu'avant de partir, je leur avais demandé si j'étais assuré, puis ils avaient dit qu'il n'y avait aucun problème, qu'ils avaient de très bonnes assurances. »

Contrairement à ce qu'il croyait avant de partir, sa police d'assurance n'entre en vigueur que trois mois après la date de son embauche. Or, au moment de son hospitalisation, ce travailleur était à l'emploi du manufacturier depuis moins de deux mois. Pourtant, le travailleur maintient que son employeur l'avait rassuré verbalement avant de partir pour les États-Unis. Il ajoute que son employeur ne lui avait jamais précisé que son assurance ne devenait valide qu'au troisième mois de son embauche.

La compagnie mère du manufacturier de Plessisville, une compagnie de Québec, refuse d'accorder une entrevue à La Facture. Mais son représentant affirme qu'aucune promesse n'a été faite à ce travailleur.

 

 

Les employés étaient-ils au courant de leur couverture?

Le manufacturier ajoute que les limites de sa police d'assurance sont connues de tous les travailleurs. Pourtant, deux autres nouveaux employés qui étaient présents lors de l'hospitalisation du monteur d'acier affirment que personne ne les a prévenus qu'ils travailleraient aux États-Unis sans assurance hospitalisation.

Maître Diane Demers, avocate spécialisée en droit du travail, précise que, légalement, rien n'oblige un employeur à assurer ses employés lorsque leur travail les conduit à l'extérieur du pays. « D'une part, il n'y a pas d'obligation légale, on se comprend là-dessus, mais en même temps, il y a quand même une certaine responsabilité de l'employeur qui détermine les conditions de travail ou le lieu de travail. […] Dans ce cas-ci, l'employeur détermine le lieu de travail et, partant de là, devrait au moins fournir toute l'information concernant ce lieu de travail, ce qui, à mon sens, couvre aussi l'aspect médical ou les besoins en terme de santé qui pourraient survenir là-bas. »

Selon maître Demers, si monsieur a effectivement demandé à son employeur s'il était couvert par une assurance avant de partir et que son employeur a répondu qu'il était assuré, le travailleur peut prétendre avoir un contrat dans lequel l'employeur a un engagement à l'assurer. « S'il n'a pas contracté de police d'assurance, il doit couvrir les frais qui sont là, c'est à peu près certain. »

Mais, comme il s'agit d'un contrat verbal, le travailleur devra présenter une preuve convaincante devant un juge. Ce sera sa parole contre celle de son employeur.

Le travailleur en convalescence doit maintenant rembourser 10 000 $. « C'est un gros montant parce que là, il faut se priver sur bien des choses. […] Je trouve que c'est une compagnie qui n'a pas de cœur. »

Depuis cet épisode, ce monteur d'acier n'a plus jamais travaillé pour le manufacturier de Plessisville. Entre-temps, il a entrepris de rembourser les frais de son hospitalisation, à raison de 100 $ US par mois. Mais sa dette doit être entièrement remboursée avant le mois d'août. Il envisage d'intenter une poursuite devant la Division des petites créances, mais il espère toujours un geste de générosité de la part de son ex-employeur.

 

Hyperlien pertinent :

Commission de la santé et de la sécurité du travail




 

 

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