Émission 244

Le mardi 25 mars 2003

 

Le principe est bien connu : nul n'est sensé ignorer la loi. Depuis 1997, la loi oblige tous les Québécois à détenir une assurance-médicaments. Le but de cette loi est d'éviter que des gens malades et sans assurance paient une fortune pour leurs médicaments ou qu'ils décident de s'en priver, faute d'argent. Si vous ne possédez pas d'assurance, vous participez alors au régime public d'assurance-médicaments. Un grand malade de la région de Mirabel était ravi de pouvoir compter sur ce système, jusqu'à ce qu'il reçoive une énorme facture.

 

Un diabétique doit rembourser plus de 10 000 $ à la RAMQ.

Depuis plus de 20 ans, un diabétique est un excellent client pour son pharmacien. En avril 2002, la Régie de l'assurance-maladie lui envoie la liste de tous les médicaments qu'il a consommés depuis deux ans. Une bien mauvaise surprise accompagne cette longue liste : on lui demande de rembourser tous ces médicaments. Le montant de la facture atteint 10 756 $. La RAMQ lui donne 45 jours pour régler cette facture. Ce malade est entrepreneur en construction, et il n'a aucune assurance collective.

Le régime d'assurance-médicaments a été conçu pour des gens comme lui : sans assurance et qui doivent dépenser une fortune en médicaments. Dès le début du programme, en janvier 1997, cet homme et sa conjointe, qui est alors sans emploi, s'empressent tous deux de s'inscrire. Grâce au régime d'assurance-médicaments, ce malade ne paye qu'une fraction de ses médicaments. Six mois après la mise en place du régime d'assurance-médicaments, la situation du couple change. Madame commence à travailler. Elle adhère à une assurance-médicaments collective à son travail, mais elle commet une erreur : elle n'inscrit pas son conjoint, même si la loi l'y oblige.

La Régie de l'assurance-maladie du Québec est l'organisme qui gère le régime public d'assurance-médicaments. Nathalie Pitre, de la RAMQ : « Si un Québécois a accès à une assurance-médicaments privée, à son emploi par exemple, il se doit d'être couvert par ce régime-là, lui-même, son conjoint, ses enfants. Ce n'est pas un choix. La loi, c'est ça ».

C'est cette erreur qui lui coûte cher aujourd'hui. La conjointe de monsieur n'a pas inscrit son mari à son assurance parce qu'il était assuré avec la régie. Elle ne pensait pas que c'était obligatoire.

Pendant cinq ans, monsieur se fait payer ses médicaments par le régime public alors que sa conjointe adhère à une assurance collective de La Capitale. Leur comptable indique clairement dans leur déclaration de revenus qu'ils sont couverts par des régimes différents, et monsieur paie ses primes au régime public. S'ils faisaient eux-mêmes leurs déclarations de revenus, ils auraient pu découvrir l'erreur en consultant le guide qui accompagne les documents du ministère.

C'est le ministère du Revenu qui prélève les primes d'assurance-médicaments à même les déclarations de revenus. Mais en février 2002, la RAMQ obtient l'autorisation de recouper ses renseignements avec ceux du ministère du Revenu. On découvre ainsi que 140 000 Québécois ne sont pas en règle avec l'assurance-médicaments.

Cet homme de la région de Mirabel est donc loin d'être seul dans sa situation. Il reçoit alors un appel d'une préposée de la RAMQ. « Elle m'a demandé si ma femme avait une assurance-groupe. J'ai dit oui. Il n'y a pas de cachette. On fait nos impôts, puis on les fait en couple exprès. Ma femme a déclaré qu'elle avait une assurance-groupe. Moi, je déclarais toujours que je prenais mes médicaments [avec l'assurance du] gouvernement. C'est là que j'ai appris qu'on n'avait pas le droit. […] Mais depuis, je suis assuré là où ma femme travaille. »

Quelque temps plus tard, monsieur reçoit sa fameuse facture de 10 756 $. La RAMQ réclame le remboursement des médicaments qu'elle lui a payés depuis deux ans. Il ne répond pas à ce premier avis de la RAMQ. Il reçoit un autre avis, dans lequel la RAMQ l'avise qu'elle peut annuler sa carte d'assurance s'il ne paie pas.

Nathalie Pitre, de la RAMQ : « Il est possible dans ces cas-là qu'on ne renouvelle pas la carte. Mais la personne est informée de la possibilité d'avoir un formulaire qui lui permet de recevoir ses soins quand même ».

La RAMQ lui suggère de refiler la facture de ses médicaments à son nouvel assureur, La Capitale. Cette compagnie d'assurances refuse sa réclamation.

Patrick Bolduc de La Capitale, assurances de personnes : « On débute le paiement à compter de la date où la personne a été assurée, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de remboursement pour les réclamations antérieures ».

Pour l'assureur, il aurait fallu que ce malade souscrive dès le départ au plan familial de sa conjointe. Ça lui aurait coûté seulement quelques dizaines de dollars de plus par mois.

 

Le diabétique porte sa cause en appel à la RAMQ

Il attend une réponse depuis maintenant six mois. D'autres citoyens dans la même situation ont pour leur part porté plainte au Protecteur du citoyen. Me Lucie Lavoie, adjointe, Le Protecteur du citoyen : « Ces dossiers sont actuellement sous enquête. […] On leur demandait de rembourser dans les 45 jours. C'est ce que dit la loi sur l'assurance-médicaments. Mais [rembourser] 10 000 $ en 45 jours — on a vu jusqu'à 34 000 $ —, ce n'est pas à la portée de tous, n'est-ce pas? ».

Pour le Protecteur du citoyen, il est clair qu'on n'a pas affaire ici à des fraudeurs. Le problème en cause en est un d'information. Cette situation illustre très bien, selon Me Lavoie, les difficultés qu'a la RAMQ à informer adéquatement la population. Le couple affirme qu'il n'avait jamais entendu ni vu de publicité les informant de leurs obligations.

Est-ce qu'il y a eu des campagnes d'information après l'entrée en vigueur du régime en 1997?

Nathalie Pitre, de la RAMQ : « Il n'y a pas eu de campagne d'information après 1997. Par contre, si vous vous rendez à la pharmacie, il existe des dépliants qui informent les gens sur les cotisations ».

Me Lucie Lavoie, du Protecteur du citoyen : « Souvent, ça prend plus qu'un dépliant, ça prend quelque chose qui est continu, ça ne prend pas seulement une information disponible dans l'organisme lui-même. Ça prend une divulgation grande et, surtout, répétée ».

Avant même la fin de son enquête, la protectrice du citoyen n'a pas hésité à intervenir. Elle a déjà fait ses recommandations à la RAMQ.

Me Lucie Lavoie : « Je pense que dans un programme universel aussi technique et aussi complexe, ça prend des campagnes d'information beaucoup plus agressives ».

 

 

Le diabétique de la région de Mirabel considère qu'il a été de bonne foi dans toute cette affaire. « Personne ne m'a dit au départ : "Tu n'y as pas droit". Personne ne m'a dit en chemin de me corriger non plus. » Ce résident de la région de Mirabel a finalement reçu une bonne nouvelle. La RAMQ l'a informé qu'elle acceptait de réduire sa dette. Au lieu des 10 700 $, il doit rembourser 1037 $, soit dix fois moins. Il valait donc la peine d'en appeler de la décision de la RAMQ.

Pendant ce temps, la conjointe de monsieur a perdu son emploi et, du même coup, son assurance-médicaments. Ce qui signifie que le couple doit maintenant s'inscrire au régime public d'assurance-médicaments, en toute légalité cette fois-ci.

 

Hyperliens pertinents :

Régie de l'assurance-maladie du Québec

 




 

 

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